Comme lors des différentes célébrations de dates commémoratives nationales, les festivités du 20 Août 1955 et 1956, double anniversaire de l'offensive militaire dans le nord constantinois et du Congrès de la Soummam, ont été expéditives dans la commune de Mouzaïa. Juste quelques anciens moudjahidine, accompagnés des autorités se sont rendus au cimetière des martyrs pour y déposer une gerbe de fleurs, se recueillir et lire la Fatiha à la mémoire des chouhada, puis plus rien. Aucune activité culturelle liée à la révolution, ni table ronde avec des témoignages de moudjahidine en rapport avec les deux journées, ni projection de film, ni conférence, ou encore tout au moins un semblant d'initiative pour marquer les deux événements. Pourtant, la ville de Mouzaïa possède bel et bien son propre musée du Moujahid avec sa riche collection en archives et objets retraçant l'histoire locale de la Révolution algérienne, donc source d'inspiration pour organiser des rencontres-débats avec les moudjahidine encore en vie et les jeunes générations. Anciennement bibliothèque, cédée en 1988 à la coordination des anciens moudjahidine pour en faire un musée du Moudjahid, celui-ci est situé au centre-ville, à quelques mètres du siège de l'APC. La structure est gérée et entretenue depuis une quinzaine d'années par Mohamed Habirache dit Moha Belkacem, ancien moudjahid, emprisonné, puis torturé durant la guerre de libération et qui essaye tant bien que mal et malgré toutes les difficultés rencontrées de donner vie à ce lieu chargé d'histoire. «Le musée a été la cible à plusieurs reprises de vols. Certains documents historique ont été endommagés, alors que l'enseigne lumineuse a été brisée et a dû être remplacée par une autre», déplore le responsable du musée, et de demander aux autorités locales l'affectation d'un agent de nuit chargé d'assurer la sécurité du patrimoine historique. D'un autre côté, et au fil des ans, la structure a subi plusieurs dégradations, à commencer par les fissures constatées au niveau d'une partie du plafond, ayant occasionné des infiltrations des eaux pluviales. «L'étanchéité défaillante nécessite des travaux de renforcement», précise notre interlocuteur. Celui-ci regrette que les murs de l'extérieur du musée soient utilisés comme des lieux où des personnes viennent se soulager la vessie et de dépôt de canettes de bières et autres ordures ménagères. Ne disposant pas d'un budget spécial pour son fonctionnement, le musée du Moudjahid de Mouzaïa nécessite quelques travaux d'entretien ainsi que son équipement en matériel informatique et audiovisuel. «Nous avons besoin d'une secrétaire et d'un micro-ordinateur afin d'archiver et informatiser tous les documents et photos en notre possession», insiste le responsable de l'établissement. Et de poursuivre : «Le musée est dépourvu de bureau, de tables, de chaises et d'armoire pour le classement des archives dans de bonnes conditions de préservation.» La structure manque aussi d'un climatiseur et de l'ameublement de la pièce réservée aux invités d'honneur. Véritable acquis pour la population locale et des régions limitrophes, le musée nécessite une attention particulière du fait qu'il renferme en son sein une collection de plus de 500 photos de chouhada locaux et des régions environnantes. Plus de 500 photos de Chouhada Des documents, des correspondances échangées entre les moudjahidine, des coupures de journaux, autant d'archives d'une valeur inestimable classées et gardées jalousement mis à la disposition d'universitaires et de chercheurs désireux écrire l'histoire du pays en général et celle de Mouzaïa en particulier. En effet, la commune compte à elle seule 473 martyrs dont trois femmes, Khadidja Benallel Erriri, Khadidja Benkebaïli et Fatma Zohra Rouat, et a été le théâtre de hauts faits d'armes. Citons, entre autres, l'attaque de la ferme Louchon (domaine Chahid Tahar Birene aujourd'hui) en juin 1957 menée par des combattants de l'ALN, à leur tête le moudjahid Ali Taleb, décédé récemment, contre une compagnie de l'armée coloniale et qui s'est soldée par l'élimination de huit soldats dont un officier ainsi que l'attaque en plein centre-ville de Mouzaïa durant l'été 1961 et qui a fait un mort et trois blessés graves parmi les colons. «Nous avons le devoir de transmettre l'histoire de la Révolution aux générations futures», explique Mohamed Habirache . Et de poursuivre : «Si la quarantaine d'anciens moudjahidine toujours en vie n'ont plus, vu leur âge, les capacités mnésiques pour se remémorer des événements auxquels ils ont participé ou étaient témoins, le musée avec ses archives reste une source inépuisable pour connaître l'histoire et l'itinéraire de ceux qui ont fait la Révolution.» Notre interlocuteur interpelle toutes les parties concernées afin d'accorder un peu plus d'attention au musée. Il lance aussi un appel aux familles de chouhada et aux moudjahidine pour alimenter le musée en archives et tout autre objet datant de la guerre de Libération qu'ils détiennent. Il invite enfin les autorités locales à s'impliquer davantage, en tant que responsables, en collaboration avec la coordination des moudjahidine dans les célébrations des fêtes nationales en leur accordant le cachet qu'elles méritent.