Effet de levier pour les producteurs nationaux, pouvoir d'achat supplémentaire pour les ménages, les attentes relatives à la relance du crédit à la consommation sont très élevées. Pourtant, la catégorie des produits couverts par ce crédit représentent moins de 15% des dépenses globales des ménages (12% pour les dépenses de transport et communication, et 2,3% pour les dépenses d'articles ménagers et ameublement). Le plus gros de ces dépenses qui est dédié à la nourriture n'est évidemment pas couvert par le crédit. Or, si les salaires ont augmenté ces dernières années et que l'inflation relativement a été bien maîtrisée (à l'exception de 2012), le ressenti des citoyen vis-à-vis de l'amélioration de leur pouvoir d'achat est resté mitigé, en partie en raison de la dévaluation du dinar, mais pas seulement. Les dépenses de contrainte comme les loyers, les factures d'électricité, d'eau, et les dépenses répétitives liées à l'alimentation pour lesquelles les prix fluctuent plus souvent qu'un bien d'équipement qui constitue une dépense durable, tendent à impacter ce ressenti et relativiser la perception de l'évolution du pouvoir d'achat. Pour les entreprises, le crédit à la consommation peut avoir un effet de levier pour la croissance économique à partir du moment où il permet de créer de la demande pour l'offre de production locale. Les producteurs devraient être amenés à investir davantage et créer des emplois pour augmenter la production. Mais dans un contexte de glissement continu du dinar, la dépréciation ne risque-t-elle pas neutraliser les effets attendus par la relance du crédit à la consommation ? Ahmed Lateb, expert industriel, estime que cette mesure à moyen terme «va permettre à l'industrie de dégager de la valeur, mais si on laisse le dinar filer, la consommation sera à deux chiffres et cela va enrayer l'économie.» Relance L'impact de la dépréciation du dinar sur les coûts d'investissement et de production risque donc de se faire ressentir par les producteurs et les amener à augmenter les prix de leurs produits qui ne sont pas intégrés à 100% en Algérie. Pour Condor par exemple, le taux d'intégration varie de 25% à 70% selon les produits, précise Abderrahmane Benhamadi, PDG du groupe. «Si vous prenez le cas des réfrigérateurs, ils sont quasiment complètement intégrés ; par contre, sur un écran de télévision il y a une intégration de 40%.» Chez Bomare Compagny, détenteur de la marque Stream System et sous-traitant de LG, Mohamed Demiche, directeur d'unité de production, avance des taux d'intégration de 20% pour les smartphones (qui sera ramené à 60% dans les six mois) et 60% pour les téléviseurs. Pour ces deux entreprises productrices, le crédit à la consommation est une aubaine. «Il va concerner tous nos produits et va augmenter notre chiffre d'affaires, car il va engendrer de la demande», explique Mohamed Demiche. Impact Abderrahmane Benhamadi mesure l'importance de cette mesure par la «visibilité» qu'il donnera aux entreprises. «Les entreprises pourront investir pour augmenter la production, ce qui va également se répercuter sur l'emploi. Il permettra aux entreprises de planifier sur 2, 3 ou 5 ans», indique-t-il. Mais face à la dépréciation du dinar, des contraintes sont à prévoir.Le PDG de Condor s'attend à ce que «les équipements vont coûter très cher». Mais, dit-il, ce ne sera pas aussi «catastrophique que cela». Selon lui, certains indicateurs au niveau international permettent de limiter les dégâts. «Il y a une baisse des prix à l'importation, ce qui va compenser la dépréciation du dinar». La concurrence au niveau international a tellement augmenté que «la demande mondiale sur beaucoup de produits a baissé, ce qui a entraîné la baisse des prix sur beaucoup de matières premières», explique notre interlocuteur. Par ailleurs, «pour certains produits, on utilise la matière locale pour compenser le recours aux importations». L'autre solution est de se fournir en Europe. Le taux de change dollar/euro fait qu'«en Europe, les produits sont moins chers que quand l'euro dépassait de 20% le dollar». Pour Mohamed Demiche, la solution, outre la formation de la matière grise localement, est «de travailler avec un tissu industriel de sous-traitants locaux pour augmenter le taux d'intégration et de favoriser la formation et la recherche et développement localement.» En dépit de la crise qui plane, les deux producteurs nationaux restent optimistes quant à l'effet de relance qu'aura le crédit à la consommation. Mohamed Demiche indique que l'entreprise a déjà été approchée par certaines banques et que pour deux d'entre elles (privées), les discussions sont en cours de finalisation. Abderrahmane Benhamadi rassure quant à lui que la dépréciation n'induira pas systématiquement une augmentation des prix. «Il y aura même une baisse sur certains produits, comme les écrans de télévision». Pour ceux qui connaîtront une hausse, elle sera «légère», assure-t-il.