Le Théâtre régional de Constantine a été, jeudi dernier, au rendez-vous d'une première inédite dans l'histoire du théâtre algérien. Sept jeunes comédiens non-voyants ont relevé un défi en interprétant la célèbre tragédie du Roi Œdipe, une œuvre adaptée d'un texte du grand auteur égyptien Tewfik Al Hakim. La pièce, qui demeure l'une des tragédies les plus jouées dans l'histoire du théâtre universel, est celle de ce roi, qui une fois qu'il a accédé au trône de Thèbes, après avoir tué le Sphinx, mène une enquête pour connaître les causes de la malédiction de la peste qui s'est abattue sur son peuple. Il découvre qu'il est lui-même le responsable de cette malédiction, car il avait, sans le savoir, tué son père, Laïos, et épousé sa mère, Jocaste. La générale de la pièce produite par le Théâtre régional de Sidi Bel Abbès, et mise en scène d'une manière ingénieuse par Sadek El Kebir, a été aussi une agréable surprise pour un public, qui ne s'y attendait pas. Sadek El Kebir, qui cumule une longue expérience dans la mise en scène théâtrale, a choisi sciemment d'introduire le spectateur dès le début dans le monde de l'obscurité vécu par le non-voyant. Le théâtre de Constantine, habituellement bien éclairé avant le début du spectacle, était plongé dans le noir. Sur scène, l'éclairage se résumait à une trentaine de bougies fixées sur un décor austère et rudimentaire d'un château royal, avec un trône planté au centre, le tout entouré d'une sorte de tube circulaire lumineux. C'est dire que le metteur en scène a choisi délibérément un décor peu encombrant, et trouvé toutes les astuces pour donner des repères aux comédiens (non-voyants) pour se déplacer sur les planches sans encombre. Même le choix de l'arabe classique, imposé par la nature du texte, n'a été à aucun moment un handicap pour des comédiens, qui se sont donnés à cœur joie, et avec une réelle conviction pour offrir le meilleur d'eux-mêmes. «C'est vrai que nous avons trouvé des difficultés pour la mise en scène de cette pièce, jouée pour la première fois par des non-voyants, mais j'ai été très satisfait par leur prestation, surtout que la plupart d'entre eux montent pour la première fois sur scène, cela montre encore une fois que les non-voyants sont capables de faire du théâtre si on leur donne la chance et les moyens, cette expérience inédite est une fierté pour l'Algérie et le théâtre algérien d'avoir ce genre de troupes que j'encourage beaucoup à aller de l'avant», a déclaré le metteur en scène Sadek El Kebir après le spectacle. Il faut dire que tout le mérite revient surtout à la direction du Théâtre régional de Sidi Bel Abbès, qui a été à l'origine de cette initiative réussie. Vivement la prochaine.
