La toute dernière production du TRO (Théâtre régional d'Oran Abdelkader Alloula) trompe en quelque sorte l'attente du spectateur. Son titre, El Ghalta (La faute), qui laisserait penser à un drame, s'avère être une comédie cocasse sur un sujet, lui, bien sérieux : celui d'un couple confronté à une modernité non assumée. Si l'on doit souligner que son metteur en scène, Moulay Meliani Mohamed Mourad, démontre qu'il a pris de l'étoffe de belle manière depuis ses premières réalisations, on ne peut que regretter qu'il ait sans doute manqué de confiance en lui pour s'être laissé aller au fourre-tout en certains endroits de son spectacle. Ainsi a-t-il oscillé entre deux styles vaguement voisins dans les apparences mais radicalement différents : le burlesque dans tout ce qu'il a de bien enlevé et le grotesque façon sketch-chorba du Ramadhan. Où s'agissait-il de ratisser large pour accroître l'audience auprès du public ? Toujours est-il que cela produit le plus désagréable effet. Au point où l'on se demande si c'est bien le même auteur du texte, Saïd Fahsi, et le même metteur en scène qui ont respectivement écrit et monté les différents tableaux du spectacle. Et l'on se trouve tenté de croire que deux pièces différentes ont été mêlées sous le même thème, le même titre et sur la même scène. Dans la première, les lumières, la musique, la danse, la truculence, le sens du quiproquo, les contrepoints visuels en tous genres, s'associent comme les notes d'une partition harmonieuse exécutée sur un rythme alerte, à la manière d'un show de music-hall. Le visuel prime et les réparties font mouche dans un comique de situations. A ce titre, les comédiens Amina Belhocine et Amine Rara – des nouveaux qui montent – campent avec justesse un couple (Khadija et Amara) livré à des contrariétés et pris dans une maladresse amusante à s'extraire à bon compte des mauvais pas. Au-delà de leurs talents individuels, les deux comédiens ont déjà joué ensemble dans la pièce Nouar Sebbar (Fleurs de cactus) montée en duo par Moulay Méliani et Fadéla Hachemaoui, spectacle qui avait permis à Amina de décrocher le prix du Jeune Espoir lors du FNTP de 2014. C'est lorsqu'intervient Miloud (Mustapha Miratiya dans le rôle), l'alter ego en négatif de Amara, que tout bascule à chacune de ses apparitions. L'action se fige sous le flot d'un verbiage inepte et d'innommables pitreries façon Smaïn Yassine. Le spectacle passe alors de l'humour et du sourire au rire gros et gras suscité chez une partie du public acquis à la misogynie grossièrement étalée par le personnage de Miloud. Dommage, car si la subtilité et le second degré n'avaient pas été escamotés pour ce rôle, il aurait été d'un apport théâtral autrement plus intéressant. Enfin, signalons la musique de Mohamed Zami, les chorégraphies de Aïssa Chouat et la scénographie dynamique de Miloud Ben Haddou qui enrichissent vraiment le spectacle. La pièce El Ghalta est assurément perfectible et nul doute que durant les soirées du Ramadhan, elle ne manquera pas de faire rire. Mais quel rire ? Celui-ci ou celui-là ?