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Yennayer 2967, Asseggas Ameggaz
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Publié dans El Watan le 13 - 01 - 2017

D'où vient Yennayer, comment le célébrer, que signifie-t-il exactement ? Plusieurs repères à connaître sur l'An berbère avec l'écrivain et le chercheur en patrimoine, Rachid Oulebsir.
1 C'est quoi Yennayer ?
Yennayer est le premier mois de l'année solaire dans le calendrier amazigh. Amenzu n Yennayer est le Jour de l'An. Traditionnellement, il est fêté dans les pays et territoires habités par des citoyens de culture amazighe, de l'oasis de Siwa en Egypte, jusqu'aux îles Canaries dans l'Atlantique et de la Méditerranée jusqu'aux profondeurs du Niger, mais également dans les pays du monde où résident et travaillent des Amazighs, notamment le Canada, la France, les Etats-Unis et ailleurs. C'est donc la porte de l'Année que les Amazighs ouvrent rituellement le 12 janvier de l'année grégorienne, onze jours après le Jour de l'An universel.
2 D'où vient le mot Yennayer ?
Ce serait le mot latin Ianiarius que les Berbères auraient adopté comme Yennayar. Ianiarius est le premier mois du calendrier romain. Il est dédié au dieu Janus, gardien des seuils ! L'ouverture de l'année était fêtée par les Romains sous le nom de Calendes de janvier. De nombreuses sources établissent que cette fête était aussi célébrée dans toute l'Afrique du Nord sous domination romaine. Puis, il y a également depuis les années 1980 une autre version selon laquelle le sens pour le mot serait un mot composé de «Yan», qui signifie «un» en tamazight, et «Nayer ou Ayur» qui a pour sens «mois» ! Yennayer serait donc le premier mois de l'année.
3 Pourquoi est-il fêté le 12 janvier ?
En 1582, le pape Grégoire XIII réforma le calendrier julien, parce que ce dernier avait 10 jours de retard sur le temps solaire. On passa donc du jeudi 4 octobre au vendredi 15 octobre 1582. Les corrections apportées au calendrier, notamment la suppression des années bissextiles au millésime 100 multiple de 4 comme 1700, 1800, 1900…, supprima l'écart grandissant entre l'année julienne et l'année astronomique.
L'Afrique du Nord, principalement l'Algérie, était sous la domination turque, et toute la région était marquée par la course en Méditerranée et l'absence d'Etat central en Algérie. Il faut noter que la Turquie est l'un des derniers pays au monde à adopter le calendrier universel en 1926 avant la Chine en 1949 ; alors que l'usage de ce calendrier s'est répandu durant les XVIe et XVIIe siècles en Europe. Les populations utilisaient le calendrier julien depuis l'époque romaine.
L'absence d'Etat central avait donc empêché que la reforme du calendrier par la papauté ne fut répercutée sur l'Afrique du Nord. Dans les villes, les élites musulmanes mesuraient le temps encore avec le calendrier lunaire, dans les campagnes et le pays profond, la paysannerie usait encore du calendrier de Jules César et du calendrier agraire enrichi par l'apport des Andalous à partir du début du XVe siècle suite à la Reconquista espagnole.
4 Qui a fixé le 12 janvier comme date de Yennayer ?
Ce calendrier est en usage dans toute l'Afrique du Nord depuis bientôt trois mille ans. Il a connu diverses influences à travers le temps et les nombreuses civilisations qui ont traversé notre pays ! Il est resté dans la culture orale durant des siècles, on se le transmettait comme les autres savoirs de bouche à oreille au moment des grands travaux. Vers 1980, un jeune Chaoui du nom d'Amar Negadi, qui dirigeait l'association culturelle Tadiut N ghrif, l'a mis par écrit diffusé dans une petite brochure et depuis on en parle plus fréquemment et on se le transmet entre générations plus facilement avec les outils de communication d'aujourd'hui.
Pour éviter de perpétuer le retard, il avait alors fixé comme Jour de l'An le 12 janvier (1er Yennayer ) ! En 1800, le calendrier julien avait 12 jours de retard sur le temps solaire. Et depuis 1980, le calendrier solaire amazigh, qui est donc un calendrier julien pur et dur non réformé, a connu des enrichissements et des restitutions de tous les oublis !
5 Quelle est la différence entre le calendrier agraire de Kabylie et le calendrier solaire amazigh ?
Le calendrier solaire amazigh est le calendrier julien avec les aménagements et les enrichissements introduits par le calendrier de Cordoue. Le calendrier agraire de Kabylie organise les temps agricoles en relation avec les changements saisonniers ! C'est la reproduction fidèle d'un ensemble de comportements des paysans par rapport aux phénomènes naturels, avec pour centre d'intérêt l'agriculture !
Le temps des labours, les temps des semailles, le temps des cueillettes, le temps du gel, le temps du repos des arbres, le temps de la renaissance de la nature, le temps de la fructification, le temps des fenaisons, le temps des battages, le temps des canicules, etc. Ce calendrier chevauche deux années civiles, il démarre en octobre avec Iwedjiven, les premiers labours (labours d'Adam) pour finir en septembre de l'année suivante avec Iqechachen (le temps où tombent les feuilles des arbres caduques).
6 Comment fête-t-on Yennayer ?
Autrefois, invité exigeant, Yennayer demande ordre et propreté pour ouvrir la porte de la nouvelle année. Yennayer est la fête d'Amnar, dieu des seuils de la mythologie amazighe, l'équivalent de Janus, dieu des seuils et des portes dans la mythologie romaine. Les deux premiers jours recouvrent un inventaire de l'année en cours où tous les actes productifs, tous les échanges doivent être évalués et clôturés si possible ! On solde l'année sans rien laisser de passif pour l'année qui s'ouvre !
Pendant des jours, Yennayer est fêté, Aheggi (les préparatifs) d'abord où les femmes sortent vers la forêt emmenant les enfants pour leur apprendre la faune et la flore environnantes et la supériorité de la nature sur l'homme. Chaque région amazighe a, à l'évidence, ses propres plantes. Elles sont mises à sécher sur les toitures et les terrasses des maisons comme fétiches protecteurs. Dans leur randonnée, les enfants apprennent par transmission les noms des plantes et ceux des animaux sauvages de leur environnement. C'est l'objectif principal de la sortie forestière. Les hommes sortent à la chasse pour ramener du gibier !
C'est le moment de transmettre le savoir-faire et le maniement des armes aux adolescents, les futurs hommes du village ! Dans les intérieurs domestiques, les femmes refont les peintures, les décorations et le kanoun (l'âtre) et renouvellent les trois pierres de soutien des marmites. C'est à l'évidence un moment de création artistique où les femmes rivalisent avec leurs belles fresques murales, leurs poteries, leurs nouveaux bijoux, leurs vanneries…
Puis le deuxième jour : tisewiqt n' Imensi n yennayer (le petit marché) qui illustre la dimension économique de Yennayer. Pour les chefs de famille, c'est le moment de payer les dettes de l'année, ou de renouveler des contrats de travail, de troc, de vente et d'achats de marchandises. On fait les derniers achats pour le dîner du Réveillon et la fête des friandises. On achète souvent aussi des cadeaux aux femmes (tissus, bijoux de fantaisies…).
Le plus important est que Yennayer doit arriver sur un terrain propre, sans aucun obstacle qui gênerait l'ouverture de la nouvelle année. La veillée du 11 janvier est un dîner familial, une fête qui se déroule dans la maison du père ou dans celle du frère aîné. Au troisième jour enfin, c'est Tabburt n'useggas : (la porte de la nouvelle année) : visite des cimetières où l'on se recueille sur les tombes des anciens. Il y a aussi le rite de partage, c'est le temps des gâteaux, des friandises et des sucreries qui accueillent l'année en douceur.
Chaque famille fait circuler dans le village le plat d'offrande «Tarvuyt n lfal» rempli de friandises et de fruits secs. On prépare du berkoukès s uvissar (gros couscous aux fèves), plat de Yennayer avec les plantes forestières bienfaitrices. On organise aussi des carnavals, des processions enfantines avec déguisements exubérants, des jeux divers, des danses et des chants, des joutes poétiques, chants et chorales féminines (ourar).
7 Quelles sont les mutations qui ont affecté Yennayer aujourd'hui ?
Yennayer se déroule de nos jours en une seule soirée dans l'intimité familiale, mais également sous forme de manifestations culturelles villageoises et citadines qui durent d'une journée à trois jours selon les villages et les organisateurs. Ce patrimoine immatériel, qui a survécu dans les années de braise de la colonisation, s'est paradoxalement perdu et appauvri avec le retour de la paix et de l'indépendance ! Il se retrouve atomisé, parcellisé.
Chaque région, chaque communauté amazighe, targuie, chaouie, kabyle, m'zabie, chenouie, zenâtie, chelhie, rifie, a gardé un ou deux gestes qu'elle reproduit sans en comprendre le sens et la portée civilisationnelle. Depuis au moins une décennie, Yennayer connaît des mutations irréversibles qu'il est nécessaire d'analyser comme indicateur de la résistance culturelle de la région dans ses affrontements quotidiens avec les cultures officielles plus agressives et disposant d'importants moyens matériels et de solides protections institutionnelles.
La porte de l'année 2966 s'est ouverte sur des formes nouvelles et un fond plus consistant, ce qui traduit la conscience de l'éminence de la disparition de ce vecteur essentiel de l'amazighité et de l'urgence d'organiser sa sauvegarde et la transmission de son sens, de ses valeurs et de la cosmogonie qu'il a véhiculés durant près de 3000 ans .
8 Quelles valeurs transmet yennayer ?
Il a tout de même résisté à la dénaturation parce qu'il a constitué durant des milliers d'années le creuset des valeurs civilisatrices universelles, à savoir la fidélité aux origines à travers le transfert de la mythologie, la liberté d'expression et de création culturelle, la propreté et l'hygiène publiques, l'autonomie citoyenne et la solidité du lien social, le partage des biens et des connaissances, la solidarité entre générations et entre groupes sociaux, l'hospitalité envers l'étranger et le démuni, la créativité et la vivacité permanente de la culture, le respect de l'environnement et de l'écologie, le renforcement du sentiment d'appartenance communautaire et enfin la consécration rituelle de la supériorité de la nature sur l'homme. !
9 Le calendrier agraire de Kabylie et le calendrier solaire amazigh, quelle différence ?
Le calendrier solaire amazigh est le calendrier julien avec les aménagements et les enrichissements introduits par le calendrier de Cordou ; il fut la forme la plus avancée du calendrier julien répandu en Afrique du Nord avec les principaux événements agricoles et les fêtes chrétiennes de chaque mois.
Les savants musulmans reconnaitront que ce calendrier est plus rationnel que le calendrier lunaire et qu'il permet de mieux suivre les saisons déterminées par la giration de la terre autour du soleil, ce qui n'était pas le cas du calendrier lunaire musulman. Le calendrier agraire de Kabylie comporte, quant à lui, 44 haltes de durée différentes avec chacune un nom bien particulier. Certains sont amazighs sans conteste, mais d'autres sont de consonances arabe, perse, hébraïque, copte ou encore syriaque. Les mots comme Lyali, Aheyan, Smayem ont diverses provenances. Il organise les temps agricoles en relation avec les changements saisonniers !
C'est la reproduction fidèle d'un ensemble de comportements des paysans par rapport aux phénomènes naturels avec pour centre d'intérêt l'agriculture ! Le temps des labours, le temps des semailles, le temps des cueillettes, le temps du gel, le temps du repos des arbres, le temps de la renaissance de la nature, le temps de la fructification, le temps des fenaisons, le temps des battages, le temps des canicules, etc. Ce calendrier chevauche deux années civiles. Il démarre en octobre avec iwedjiven, les premiers labours (labours d'Adam) pour finir en septembre de l'année suivante avec Iqechachen (le temps où tombent les feuilles des arbres caduques).
Par contre, le calendrier lunaire est le calendrier julien avec les aménagements et les enrichissements introduits par le calendrier de Cordoue. Quant au calendrier lunaire religieux, il nous fixe les dates des fêtes religieuses rituelles dans la succession des mois lunaires. Les Kabyles seraient donc de nos jours les seuls à travailler avec quatre calendriers : le grégorien, le julien, l'agraire et le lunaire !


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