Inscrit en 2006, le projet d'hôpital de 240 lits de Boumerdès n'est pas encore sorti du cycle des blocages et des contraintes traduisant l'incapacité de l'administration à concrétiser ses engagements. La population locale ne doit pas espérer s'y soigner de sitôt. Entamés en février 2014, les travaux de réalisation de cette importance infrastructure n'ont pas encore dépassé les 40% d'avancement, a-t-on constaté, mardi dernier, sur le site du chantier, sis à l'entrée est de la ville de l'ex-Rocher noir. Le projet est bloqué depuis plus de six mois «à cause du non-paiement des situations financières de l'entreprise engagée», précise un ouvrier. «On a trois factures qui ne sont pas encore réglées», fulmine-t-il. Sur les 12 blocs prévus, seulement 4 sont sortis du sol. Le coût du projet a triplé, atteignant les 3,33 milliards de dinars, dont 1640 millions ont déjà été consommés. Aujourd'hui, Boumerdès est l'un des rares chefs-lieux de wilaya du pays qui ne soit pas doté d'un hôpital digne de ce nom. Confié à l'entreprise italienne CGF (Construzion Generali SPA), cet hôpital, qui renfermera une dizaine de blocs opératoires et plusieurs spécialités de pointe, devait être livré en juin 2015. Cependant, au rythme où vont les choses, le chantier est bien parti pour durer dans le temps. Et ce n'est guère le manque de budget qui est à l'origine des retards constatés jusque-là. Selon nos sources, l'entreprise italienne n'a pas mobilisé énormément de moyens pour accomplir sa mission dans les délais. Cette entreprise n'a réalisé aucun hôpital à travers le monde, a-t-on appris. Le marché lui a été octroyé en décembre 2013, après le désistement de l'entreprise portugaise Abrantina. Mais elle n'a pas respecté les clauses du contrat qui la lie au ministère de la Santé. Non seulement elle a recouru à la sous-traitance, mais elle n'a pas mis en place les moyens matériels et humains mentionnés dans le dossier de soumission. Lors de notre passage, nous avons constaté qu'il n'y avait que deux grues sur le chantier, alors que CGF s'est engagée à y mobiliser quatre. Cela en plus de 8 bétonnières, 4 camions rétrochargeurs, un bulldozer, une centrale de production à béton, un niveleur motorgrader et un compacteur cylindre, etc. En 2015, l'ancien bureau chargé des études et du suivi des travaux, Berag Ziane, l'avait sommée de démolir les fondations du bloc H en raison de la mauvaise qualité du béton. A défaut de dénoncer le bricolage de l'entreprise italienne, le ministre de la Santé n'a pas trouvé mieux que «de dégager» le bureau d'études en question. C'était en juin 2015, lors de sa visite sur le chantier. Bricolage Le BET Berag a été remplacé quelques jours plus tard par Bertho, de l'ETRHB Haddad. Pourtant, ce dernier était le mieux disant (31 millions de dinars) lors de l'ouverture des plis de l'offre portant modification des plans de l'hôpital. La conclusion est vite tirée par ceux qui sont habitués aux manigances de l'administration. «On a dégagé un bureau qui dérange, pour le remplacer par un autre qui peut cautionner les tares de l'entreprise et partager le gâteau avec elle en ces temps de vaches maigres», analyse un cadre de la wilaya au fait du problème. Le responsable du BET Berag affirme avoir été viré «sans aucun préalable, parce que je ne voulais pas marcher dans leurs combines. J'ai déposé plainte auprès de la chambre administrative pour résiliation abusive du contrat», a-t-il indiqué. Notre interlocuteur avait même refusé de signer l'ODS d'arrêt des travaux à l'entreprise italienne pour l'obliger à payer les pénalités de retard fixées à 10% du montant du projet, soit plus de 300 millions de dinars. Outre les anomalies précitées, le terrain devant abriter l'hôpital a été amputé d'une surface de 5000m2. Aussi, les 50 logements de fonction prévus dans les premiers plans risquent de ne jamais voir le jour. Et on se demande comment on peut attirer les professeurs de médecine devant faire fonctionner la structure. A quelques mètres plus loin, on a prévu un complexe mère et enfant, une faculté de médecine et une école paramédicale pour y créer un important pôle médical. Cependant, hormis l'hôpital et l'école paramédicale, les autres projets sont tombés à l'eau.