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«La démocratie a besoin d'humour»
Abdelkader Djeriou. Metteur en scène et scénariste
Publié dans El Watan le 29 - 05 - 2017

D'abord, est-ce que vous trouvez le temps de dormir, Kader ?
(Rires). Je dors à peine 4 à 5 heures (pendant la période de tournage de «Nass Stah», ndlr), je travaille pratiquement 18 heures par jour. Dès que je me lève, je lis toute la presse. Je choisis les thèmes qui m'inspirent, j'écris les scénarios entre 11h et 15h, de 15h à 16h je valide le montage (de l'épisode joué la veille), on garde vingt minutes pour chaque épisode.
Entre 16h et 19h, on fait les répétitions, et après le f'tour, à partir de 21h30, on tourne jusqu'à 3h-3h30 du matin. Et c'est ainsi tous les jours. Mais en fait, on prend du plaisir, du coup le stress part. On est des passionnés.
Les comédiens ont-ils une marge d'improvisation ?
Bien sûr ! En politique, c'est un peu plus cadré, mais, généralement, on travaille en équipe. Chacun propose une idée. Je ne suis pas dans la dictature du metteur en scène. Je prépare les scénars, et si un comédien propose une réplique meilleure que la mienne, je la prends. L'essentiel est que ça soit dans le canevas et que ça soit drôle.
Pourquoi avez-vous changé «Jornane El Gosto» en «Nass Stah» ?
C'est parce qu'on a changé de boîte. Pour nous, le stah est un espace métaphorique aux dimensions de l'Algérie. C'est une petite terrasse que se partagent des personnes qui ont décidé de faire un JT à leur manière, un JT sans langue de bois. Cette année, on a modifié un peu l'espace. On a aménagé des cellules sur la terrasse.
On voit que le «stah» est cerné de barbelés, avec des caméras de vidéosurveillance partout...
Ce décor, c'est pour signifier que l'Algérie, aujourd'hui, est emprisonnée. On vit dans une grande prison. Sauf qu'à la fin, on va se rendre compte que la prison est ouverte. C'est pour dire que le plus grave, c'est la prison mentale. Nous sommes emprisonnés mentalement.
Comment avez-vous vécu l'interruption brutale de l'émission la saison dernière ?
C'était terrible ! C'était très violent ! On ne s'y attendait pas. Ça a été un choc pour nous.
C'est un programme qui dérange, d'après vous ?
Peut-être qu'il dérange, mais il dérange surtout les gens qui sont paranos. Ce type de programmes doit exister, au même titre que la presse, que la caricature… C'est un signe de bonne santé. J'avais déclaré dans la presse que le programme doit revenir, et il est revenu.
Justement, comment cela s'est-il négocié ?
Ça s'est fait naturellement. Mieux encore : nous avons eu des propositions de trois chaînes qui voulaient nous reprendre parce qu'elles savent que c'est un programme qui est très regardé. Il est important qu'il soit adopté, ce programme est un acquis. Ce qui me dérange, c'est qu'on nous a toujours enseigné que les chefs de la Révolution étaient jeunes et à aucun moment on n'a pensé qu'ils étaient peut-être trop jeunes pour accomplir ce qu'ils ont accompli ou que de Gaulle les a manipulés…
On n'avait pas ce genre de «twesswiss» (paranoïa). Alors pourquoi avec nous il y a toute cette méfiance ? Certains disaient : «Abdelkader a 32 ans, comment peut-il écrire des scénarios politiques ? Il est sûrement manipulé»…
Moi, je critique le statut de l'homme politique, je n'attaque pas les personnes. A partir du moment où tu es un homme public, tu es critiquable. C'est ça que nos responsables doivent comprendre, ou alors, qu'ils arrêtent de faire de la politique !
Il n'y a pas eu de «lignes rouges» qui vous ont été signifiées ?
Moi je dis : ne me fixez ni des lignes rouges, ni des lignes vertes, respectez juste la ligne éditoriale du programme.
Vous ne faites pas de concessions…
Ah non ! Sinon, on arrête de notre propre chef. Avec Echorouk, sincèrement, jusqu'à maintenant, tout se passe très bien. Nous avons tous les moyens que nous avons demandés, l'équipe est très à l'aise. On a un contact direct avec Ali Fodil et Leila Bouzidi. On est conscients des enjeux politiques. Moi, je fais de la parodie, je ne suis pas un homme politique, je suis un universitaire titulaire d'un doctorat en arts dramatiques.
J'ai étudié un module qui s'appelle l'analyse du discours. Normalement, tout discours politique doit obéir à une logique. Quand Tebboune déclare : on va construire deux millions de logements et que la capacité de construction de l'Etat algérien, tous moyens confondus, est de 800 000 logements, là, il y a un problème, et moi je mets la lumière sur ça.
Est-ce qu'il vous est arrivé que des ministres ou de hauts responsables vous appellent pour réagir à un sketch ?
Je sais qu'il y a quelques hauts responsables qui n'ont pas apprécié d'être égratignés. Mais il y en a aussi d'autres qui sont fans du programme et qui comprennent notre démarche. Certains hommes politiques ou ministres, la plupart de nos téléspectateurs ne les connaissent même pas. Donc, d'une certaine manière, on leur rend service (rires).
En France, les Guignols ont même été accusés d'avoir fait la promotion de Jacques Chirac. Pour moi, l'important est que la société, les jeunes surtout, soient connectés à leur réalité politique. Via ce programme, les gens peuvent suivre au moins pendant un mois l'actualité politique de leur pays. On a bien vu aux dernières élections qu'ils se passionnaient davantage pour l'élection de Macron en France…
D'ailleurs, dans l'un de vos sketches, vous traitez du taux de participation aux dernières législatives avec beaucoup de dérision. Pour vous, il y a une rupture de confiance entre le peuple et les élites politiques ?
C'est clair. Parce que leur discours, plus personne n'y croit, alors même qu'ils peuvent avoir raison sur pas mal de points. Par contre, ils croient en nous. Les jeunes nous écoutent. Pourquoi ? Parce qu'on est sincères. Alors, profitez de nous ya Errab ! Profitez de nous ! Quand le pays va mal, c'est moi que tu trouves. Je n'ai pas de pays de rechange, je suis un zawali, je n'ai pas de biens en Espagne ou à Paris, je suis là.
Quand notre pays a besoin de nous, on répond présent ! On n'est pas contre notre Etat, il faut que les gens comprennent ça. On n'est pas des ennemis. La démocratie a besoin d'humour. C'est ça notre esprit. Et je pense que le public adhère à notre dérision, à notre style d'humour. Nous sommes fiers d'avoir été les premiers sur ce terrain-là.
Quand je vois ce que fait DZ Joker, Anes Tina et d'autres podcasters qui font de la satire politique, ça me fait plaisir. Maintenant, on veut passer à autre chose. On se dit que ça va être la dernière saison de «Nass Stah». On l'espère une saison grandiose, alors qu'ils nous laissent travailler.
Pourquoi vous avez décidé d'arrêter «Nass Stah» ? Vous avez un nouveau challenge en vue ?
Exactement. On veut se confronter à un autre challenge. Je pense que nous sommes arrivés aux limites objectives du programme. Si on nous avait laissé aller au bout l'été dernier, ç'aurait été notre dernière saison. Nous avions l'intention d'arrêter, et j'avais déclaré que c'était la dernière saison. Mais nous voulons arrêter par nous-mêmes, de notre plein gré, pas de cette façon.
Vous n'avez pas songé à créer votre propre chaîne YouTube ?
Oui, d'ailleurs, c'est notre plan B. Si on nous interdit, on pourrait effectivement créer une chaîne YouTube, et on continuera…
On ne peut plus censurer comme avant…
Ils ne peuvent pas. Cela dit, on ne cherche pas à provoquer une autre interruption du programme. Comme disait Balavoine à Mitterrand, «le désespoir est mobilisateur». On ne veut pas désespérer de l'Algérie.
On garde espoir. Je suis résolument optimiste. Nous avons eu des opportunités pour partir, mais nous sommes restés car nous voulons réussir ici. On vit ici, on travaille ici, on se démerde avec les moyens du bord. J'ai travaillé avec une compagnie française, là-bas, on m'a proposé de rester et j'ai refusé. Je ne veux pas m'habituer au luxe. Les choses, ici, ont une saveur particulière. Dans mon quartier, les rues sont encore maculées de boue et de poussière.
Votre art se nourrit précisément de ces aspérités, se bonifie dans l'adversité…
C'est ça ! Où tu vas trouver un Premier ministre qui te dit «kerkeri radjlek» (dixit Sellal). C'est une bonne matière comique pour nous. Sincèrement, wallah on n'a de conflit avec personne. Notre problème est seulement avec ceux qui veulent nuire à l'Algérie. Nous ne voulons pas d'un pays de l'impunité, et on ne se prive pas de dénoncer ces pratiques, à notre manière. On nous a blâmés d'avoir fait un sketch où il était question d'une zaouïa et de Chakib Khelil. Moi, je ne dis ni qu'il a volé, ni qu'il n'a pas volé.
Je n'ai pas les moyens de vérifier. Ce que je note, en revanche, c'est qu'il y a un problème – et là aussi on revient à l'analyse du discours – : la justice a été saisie, un procureur a parlé, il a dit ce monsieur a volé, après, vous venez nous dire il n'a pas volé, donc l'un de vous ment. Réglez votre problème, en attendant, nous, on met en dérision cette situation contradictoire. J'espère en tout cas que ce programme a servi à quelque chose.
Comment vous vivez votre popularité. Vous ne ressentez pas une forme de pression ?
Sincèrement, on ne se rendait pas vraiment compte de notre audience. Moi, j'aime bien rester dans l'anonymat. Je ne cherche pas à bâtir une fortune, j'aspire seulement à rester dans l'histoire, et qu'on cite l'expérience de «Jornane El Gosto» et «Nass Stah» comme une référence dans l'aventure de l'audiovisuel en Algérie. Ça serait une fierté pour moi.


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