Comme chaque année en période estivale, et notamment au mois d'août, les alentours du marché central de la ville de Biskra sont accaparés par des dizaines de petits revendeurs de fruits et légumes, d'éleveurs et de marchands proposant des produits agricoles de saison. On y remarque une profusion de m'naggar, datte précoce jaune et brune, plusieurs variétés de succulentes figues gorgées de suc, des figues de Barbarie épluchées pour éviter aux clients les fines épines, des plantes aromatiques comme le persil, le coriandre, le céleri, le thym, la menthe, le laurier, l'armoise et le genévrier, du maïs à faire griller, des œufs de poules «arabes», ainsi appelés pour les distinguer des œufs de batterie industrielle, des pigeons et des cailles, des lapins pour d'immémoriaux civets, des coqs fermiers, des tortues, des hérissons et même des «chakwas», sorte de cornemuse typique de la musique afro-maghrébine, devenue une spécialité de Biskra, avec le groupe Baba Merzoug et d'autres. Les fameuses gombos ou cornes grecques que peu de cuisinières savent préparer dans les règles font leur apparition en force. De plus en plus prisées par les consommateurs, elles se vendent entre 400 et 600 DA le kg. Connue des gourmets et des amateurs de cuisine traditionnelle de la région des Zibans, cette plante originaire d'Afrique subsaharienne a plusieurs vertus nutritionnelles, gustatives et thérapeutiques. LE PLAT DES CONVIVES DE MARQUE Riche en vitamines C, le gombo (Abelmoschus esculentus) permet de lutter contre les symptômes asthmatiformes, de favoriser le transit et de diminuer le taux de cholestérol, selon une étude publiée en 2000 par la revue médicale américaine Thorax. Il booste les capacités immunitaires, réduit le taux de sucre dans le sang et freine l'apparition des rides et signes physiques de vieillissement de la peau. Les personnes consommant régulièrement des gombos développent moins de maladies rénales que les autres, selon une édition du Jilin Medical Journal parue en 2005. Enfin, le gombo favorise une grossesse saine et soigne la fièvre par le biais d'une tisane de graines sèches de cette plante utilisée pour nourrir les êtres humains autant que les animaux. A Biskra, les bonnes cuisinières le préparent sous la forme d'un succulent ragoût épicé et onctueux avec de la viande de mouton. Les fruits d'un vert clair sont d'abord équeutés et minutieusement grattés pour en éliminer les fins poils. Puis, on les fait revenir à la poêle avec de l'huile d'olive pour en amoindrir l'amertume et les attendrir et on les laisse mijoter à feu doux dans une mixture d'eau, de «dwa rass el hanout», ingrédient composé d'une dizaines d'épices, de poivre noir, de piment, de concentré de tomate et de lamelles d'oignon et de tomates fraîches et de bouts de viande de mouton sans gras, jusqu'à obtenir une sauce pâteuse et gélatineuse au goût typique. Accompagné de triangles de «khemira»: galette traditionnelle préparée sur un tadjine d'argile, la gnaouia est le plat des gourmets et convives de marque des grandes occasions, souligne-t-on.
LE CONDITIONNEMENT FAIT ENCORE DEFAUT Comme tous les autres produits agricoles disponibles sur ce marché, la gnaouia pâtit d'un défaut de conditionnement et d'un tri sélectif, remarque-t-on. Elle est étalée sur des étals de fortune, ou carrément sur le sol, sur un sachet en plastique ou sur un bout de toile cirée au soleil et à la merci des insectes et de la poussière. Aucun investisseur n'a pensé à s'y intéresser pour la conditionner et la proposer aux clients des supermarchés et des petits magasins d'alimentation générale sous forme de petites boîtes de 500 g ou d'un kg qui ravirait ses amateurs. Les quantités produites à Sidi Okba et Zeribet El Oued pourraient être valorisées et distribuées sur tout le territoire national, estime un revendeur, qui en a fait une spécialité et qui en propose plusieurs gabarits, selon les demandes de ses clients. Autre point relevé par les clients de ce marché populaire où affluent des dizaines de consommateurs à la recherche de produits sains, frais et locaux, l'état d'insalubrité y régnant. Au milieu de ces fruits et de ces légumes aux couleurs chatoyantes, aux parfums et à l'apparence appétissants, les clients sont en effet souvent indisposés par des odeurs nauséabondes émanant de bouches d'égout béantes et de caniveaux où croupissent des eaux usées, sans parler des tas d'ordures enlaidissant ce labyrinthe d'étals et de présentoirs improvisés par les revendeurs, il est vrai, ne se valant pas tous. Certains d'entre eux n'hésiteraient pas à proposer des gerbes de plantes aromatiques et culinaires issues de terres irriguées par des eaux usées. Un grave délit touchant à l'aspect pittoresque de ce marché et pour lequel ils encourent des peines de prison ferme. Mais pour cela, le consommateur lambda n'a aucun moyen de déceler cette pratique, sauf de bien choisir son marchand étant donné que la plupart d'entre eux sont des professionnels inquiets et attentifs à ne pas les perdre, car il en va de leur survie économique, note-t-on.