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La mort d'un patient n' est pas une fatalité
Dans un système de santé cohérent
Publié dans El Watan le 30 - 08 - 2017


Par le Pr Farouk Mohammed-Brahim
Chef de service de chirurgie générale
«Quand la vie est en cause, la société doit accomplir des progrès décisifs... C'est un combat pour la vie.»
Le décès dans la wilaya de Djelfa d'une parturiente de 23 ans et de son nouveau-né est un drame qui a touché d'abord sa famille, puis tous les citoyens algériens, qui ont manifesté unanimement leur consternation et leur indignation et surtout la peur de se retrouver un jour face à la nécessité de soins aussi bien dans le secteur public que privé.
Dans cette affaire, l'intervention rapide de la justice, le ministère de la Santé se constituant partie civile (une première !), des notes de service de rappel sur «les gardes», en incluant les privés sans une véritable concertation, sont loin de rassurer le citoyen conscient de la déstructuration de notre système de santé. Même si une commission d'enquête conclut avec une étonnante célérité «à un dysfonctionnement et des négligences» au niveau local, nous savons tous que là n'est que la partie émergée de l'iceberg ! Nous savons tous aussi que ce n'est pas le premier drame et que malheureusement ce ne sera pas le dernier.
Quelques jours après, un nouveau décès d'une jeune parturiente se produit à Alger, capitale du pays, dotée de plusieurs structures de santé (CHU, EPS, structures privées). Si le décès est l'ultime drame, d'autres attendent le patient, la difficulté d'accéder aux soins, les longues listes d'attente, les pannes d'équipements, les ruptures de médicaments, les prix prohibitifs dans le secteur privé... au-dessus de tout, la déshumanisation des hôpitaux. A chaque drame, la polémique prend le pas sur le débat de fond. L'on sait que la polémique est la source de division et de confusion alors que le débat est celui de la clarté et du consensus.
Notre système de santé est défaillant, alors ayons le courage de le réformer en profondeur après un vrai débat démocratique.
De par sa nature humaine et sociale, la santé est un facteur de cohésion sociale. C'est pourquoi les sociétés modernes placent la santé parmi les quatre valeurs qui les fondent avec l'emploi, la sécurité et développement durable. Aussi proclament-elles que la protection de la santé de la population constitue une mission régalienne de l'Etat.
Depuis trois décennies, de nombreux acteurs de la santé et des associations de la société civile n'ont cessé d'appeler à un débat sur le système de santé. L'organisation de ce débat doit s'éloigner de la conception des «séminaires-maisons» ressemblant plus à des shows médiatiques qu'à des lieux propices à la réflexion. Pour réussir ce débat, il faudrait qu'il soit national, démocratique, au-dessus des contingences politiques et idéologiques, et se départissant de l'esprit de rente et de conservatisme sources d'immobilisme. Ce débat doit être basé sur les réalités et structurant sa transformation dans une perceptive claire et transparente.
Aujourd'hui, l'on ne peut nier l'amélioration des indicateurs de santé : l'allongement de l'espérance de vie, la baisse de la mortalité infantile, l'augmentation de dépense de % au PIB et la dépense de santé par habitant, du nombre de lits (publics et privés) et celui des personnels médicaux et paramédicaux. Cependant, cette amélioration des chiffres ne se traduit pas positivement sur le terrain pour les malades et leur famille. Depuis la fin des années 80' le système national est en crise et est soumis par les Algériens à de sévères critiques : son incapacité à les prendre en charge, la qualité des prestations qui faiblit à tous les niveaux et exclut de plus en plus les citoyens à faibles revenus et même ceux à moyens revenus. Sur ce denier point, il est utile de rappeler que la participation des ménages aux dépenses de santé seraient selon différentes sources entre 24,7% et 29%. Or, selon l'OMS, quand ce taux approche de 50%, il y a risque de l'effondrement total du système de santé. Cette rupture de confiance entre le citoyen et le système de santé se traduit par le départ pour soins de nombreux d'entre eux vers des pays étrangers, même en se ruinant financièrement ou en faisant appel à la solidarité. En dehors de la critique des citoyens, l'on ne peut passer sous silence qu'après 50 années d'indépendance, il existe des déserts médicaux dans le Sud et les Hauts-Plateaux, que l'on essaie de combler par un pis-aller qu'est le service civil ou l'appel à la coopération technique cubaine ou chinoise, ou encore cette pratique appelée pompeusement «coopération Nord-Sud» consistant à envoyant des spécialistes des CHU (désertant leur service ) dans les hôpitaux du Sud pour quelques jours. Pourtant, des alertes sur la déstructuration du système de santé ont émané dès le milieu des années 80' des acteurs de la santé et même de commissions officielles.
En janvier 1990, «un rapport général sur l'organisation de la santé» élaboré par une commission intersectorielle, sous l'égide du ministère de la Santé soulignait «les insuffisances de la politique de santé basée sur des objectifs précis à atteindre» et énonçait que «cet état de fait a abouti à la désarticulation de ses principales composantes (le système de santé). Dix années après, en mai 2001, dans un rapport émanant du ministère de la Santé intitulé «développement du système de santé : stratégie et perspective» énonçait : «La situation actuelle est caractérisée par une accumulation des problèmes évoluant depuis le années 80' et conduisant à une déstructuration progressive du système de santé». Tout est dit ! C'est ainsi que le gouvernement de l'époque inscrit dans son programme comme priorité «la réforme hospitalière». Il renonce à une réforme profonde du système de santé, omettant qu'un système de santé s'inscrit dans le cadre d'une politique de santé, elle-même s'inscrivant dans le cadre d'un projet de société. On exclut de la réforme le secteur privé, lequel commençait à se développer à cette période et aurait dû être inclus dans une politique cohérente.
Ce secteur va se développer rapidement, tirant sa force de sa puissance financière, des carences du secteur public et des compétences des CHU dans le cadre d'une loi décriée par beaucoup, le temps complémentaire. Il va d'emblée, comme dans d'autres secteurs, s'inscrire dans une logique commerciale, s'installant dans les région du Nord et dans des spécialités «rentables». Ainsi, ce secteur va évoluer pour lui-même et non en complémentarité avec le secteur public, comme dans un système à part. Il n'était saisi ni en termes d'objectifs, ni en termes de programmation, ni en termes de contrôle. C'est en 1992 que le secteur du médicament est libéralisé. L'importation sera un gouffre financier sans que cela ne mette fin aux pénuries. La commission de la réforme hospitalière, sous la tutelle du ministre de l'époque, le Pr A. Aberkane, et coordonnée par le Pr M. Zitouni, ancien ministre et actuel coordonnateur du Plan national cancer, à qui il faut rendre hommage, a élaboré un document remarquable par sa pertinence et sa clairvoyance, en introduisant dans l'organisation et le financement la contractualisation. Elle aura eu le mérite d'énoncer : «La réforme hospitalière doit s'inscrire dans le cadre d'une politique globale de la santé».
Et d'ajouter : «A la condition que la volonté politique soit au rendez-vous». Malheureusement, ce document est mis de côté. Force est de constater que les pouvoirs publics ont été en-deçà des attentes des citoyens. Les tentatives d'explication de cette dégradation du système de santé se limitent à des déclarations d'intention à relents populistes, ou de quelques «mesurettes», ou comme ces dernières années, des shows médiatiques avec des déclarations laissant un peuple incrédule médusé ! Ce qui a conduit à un fatalisme induisant une inertie, empêchant tout débat. Surtout un débat qui se projette dans le futur et aboutissant à un consensus national sur les grandes mesures applicables à court et moyen termes. Mais ce consensus doit être basé sur un premier principe, «une approche sociétale large dans laquelle les patients et l'utilité pour le système de santé figurent au premier plan».
Puis, sur la déclaration de l'OMS d'Alma-Ata, il y a 30 ans, recommandant à l'ensemble des nations que «promouvoir la santé est essentiel au bien-être humain et au développement économique et social.» Enfin, la déclaration 58-30 de l'Assemblée mondiale de la Santé en 2005 insiste sur le fait que «tout individu doit pouvoir accéder aux services de santé sans être confronté à des difficultés financières». A mon humble avis, cinq axes principaux de réflexion doivent dégager à brèves échéances des mesures salvatrices de notre système de santé : la hiérarchisation, la régionalisation, le financement, la politique du médicament et la formation. Je souhaite aborder succinctement ces points.
- La hiérarchisation doit aller des structures de proximité jusqu'aux CHU et EHS en passant par les hôpitaux de daïra et de wilaya. Il faut dynamiser ces structures de proximité en les revalorisant. Et surtout donner au médecin généraliste, cheville ouvrière du système de santé, les raisons de croire et de se mobiliser, en revalorisant son statut social et en lui assurant une formation continue. La mission de chaque structure au niveau qui est le sien doit être définie par un cahier des charges, précisé par des textes de loi permettant un contrôle.
- La régionalisation : la région doit être le cadre de pilotage du système de santé. C'est en son sein que se fera la sectorisation de la carte sanitaire, premier instrument de la planification régionale.
C'est la région, sur des données précises, qui pourra négocier le budget nécessaire à son développement. Ainsi, la région sanitaire peut émerger en tant que niveau de planification, d'organisation, d'animation et de contrôle au plan régional. La régionalisation avec l' intersectorielle donnera une dimension stratégique d'efficacité du système de santé.
- Le financement : il faut d'abord savoir que les évolutions technologiques dans le diagnostic et les nouvelles molécules dans le traitement rendent le coût de la santé de plus en plus élevé. Aucun pays, même parmi les plus nantis, ne pourrait assurer une «couverture médicale universelle» à 100% de sa population.
Ce qui présente un obstacle pour le financement d'un système de santé pour son optimisation, c'est l'utilisation inefficiente et inéquitable des ressources. Selon l'OMS, 20 à 40% des ressources de santé sont gaspillées, et ce, en fonction du degré d'organisation du système. Dans son rapport sur la santé dans le monde (2010), l'OMS recommande aux gouvernements l'efficience et éliminer le gaspillage. En fait, ce n'est pas tant l'impératif de collecte suffisante d'argent pour la santé, mais la possibilité d'obtenir davantage avec les mêmes ressources : c'est l'exigence de garantir que les ressources sont utilisées d'une manière efficiente. Dans la pratique, pour promouvoir l'efficience, c'est l'organisation et la structuration rationnelle du système de santé. Dans la pratique, il s'agit de la hiérarchisation des soins, la définition des missions des structures à chaque niveau et l'élaboration d'un cahier des charges évaluable. C'est pour cela que l'introduction de la contractualisation est impérative. Celle-ci va permettre plus de transparence dans l'élaboration des budgets et de leur évaluation.
- Le médicament : un professeur de médecine d'Alger, dans une interview au site «La Nation», il y a quelques années, exprimait sa crainte «de voir les lobbies pharmaceutiques imposer au pays sa politique du médicaments» (J'ajouterai personnellement, particulièrement en cancérologie). Crainte justifiée devant l'anarchie qui règne dans ce secteur, situation décriée par les citoyens (pénurie, inefficacité de certaines molécules importées, conditionnement appelé pompeusement industrie,...). Selon un rapport français (Debré-Even), près de 2000 molécules sous 4500 marques différentes (hors génériques) se sont accumulées, alors que l'OMS considère que seules 500 molécules sont vraiment nécessaires.
C'est pourquoi est-il recommandé la promotion du générique, passant forcément par l'application du «prix référent» par la sécurité sociale. Le secteur du médicament est stratégique, impliquant la sécurité sanitaire nationale, c'est pourquoi un débat national doit avoir lieu pour définir la stratégie de développement et de contrôle de ce secteur.
- La formation : un système de santé performant et moderne ne peut être traduit sur le terrain que par des personnels médicaux et paramédicaux formés dans cet objectif avec des outils pédagogiques modernes. D'où une réforme en profondeur des sciences médicales. (cf contribution in El Watan du 12/8/2017).
Dans cette longue contribution, j'ai en toute humilité tenté de mener un réflexion personnelle sur les moyens de sortir le système national de santé de son marasme. Une réflexion personnelle, même basée sur une expérience de 40 années dans le secteur, ne peut aucunement remplacer une réflexion collective. C'est pourquoi l'on ne peut faire l'économie d'un débat démocratique national. Tous se doivent de contribuer et favoriser l'émergence des conditions et le mode d'expression qui donnent un contenu et un aboutissement concret au débat.


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