Ayant dirigé l'étude, Nadia Aït Zaï, directrice du Ciddef, explique dans l'entretien qu'elle nous a accordé que la hausse du taux de natalité est due à la régression du recours aux moyens contraceptifs, lié principalement au recul de la politique de l'Etat en matière de planning familial. Vous faites un constat d'échec de la politique de plannig familial en Algérie, après que celle-ci avait donné ses fruits vers la fin des années 1990. Que s'est-il passé au juste ? Il faut tout d'abord savoir qu'en Algérie, on a toujours reconnu aux couples le droit d'avoir le nombre désiré d'enfants. L'espacement des naissances introduit dès la fin des années 1960 sans ambition démographique a permis la mise en place de la contraception dans les plannings familiaux. Le politique de cette époque affirmait que la meilleure pilule est le développement. On continue de penser dans ce sens, puisque le code de la famille a consacré (article 36) cette position en 2005, en permettant aux deux époux de se concerter mutuellement sur l'espacement des naissances. Les prestations d'espacement des naissances quant à elles continuent aujourd'hui de fait d'être intégrées dans les soins de base de la santé. C'est en février 1983 que le premier programme de maîtrise de la croissance démographique a été mis en œuvre. Il a accompagné le désir des familles qui voulaient moins d'enfants. Une baisse de natalité a été constatée dans les années 1990 et l'indice de fécondité évalué à 2,1. Aujourd'hui, l'indice de fécondité a augmenté, il est de 2,6. Cela veut-il dire que la politique des mesures contraceptives et espacements des naissances a échoué ou cela répond-il à d'autres critères ? Les deux raisons sont valables. L'enquête menée par le ministère de la Santé en 2013 a montré que seulement 57% des femmes mariées âgées de 15 à 49 ans, utilisent une méthode contraceptive, alors que ce taux était de 61,4 % vers la fin des années 1990. Cette situation est probablement en rapport avec un recul de l'activité du planning familial dans les PMI et la disponibilité moindre de contraceptifs distribués gratuitement, notamment la pilule qui reste le moyen le plus utilisé par les femmes avec un taux de 91%. Nous avons remarqué qu'en 2013, 47% des femmes utilisaient les moyens contraceptifs alors qu'elles représentaient, en 2006, 61%. Le recul est considérable. Il freine ainsi le programme de la maîtrise de la croissance démographique mis en place par l'Algérie depuis un certain nombre d'années. D'ailleurs le taux de natalité a augmenté, pour atteindre 2,6%, alors qu'il était 2,1% grâce au programme de réduction de la démographie.
Qu'est-ce qui explique ce recul ? Les raisons sont multiples. Il y a d'abord le recul de l'activité du planning familial dans les PMI, la disponibilité réduite de contraceptifs distribués gratuitement, le retour vers les méthodes traditionnelles, non fiables, mais aussi le recul des campagnes de sensibilisation sur la contraception. Rappelez-vous. Pour faire admettre la contraception comme moyen de maîtriser la croissance démographique, le Haut conseil islamique avait émis deux fatwas sur le planning familial. Ensuite la sensibilisation du public a commencé en 1989 et a porté sur les dangers de la forte croissance de la population sur l'équilibre de l'individu. Depuis le tournant libéral opéré par l'Algérie, l'Etat algérien s'est désengagé de la prise en charge de certains secteurs de la santé, le terrorisme aidant, la crise financière a réduit l'activité des centres du planning familial qui ont été transférés aux PMI qui ne font plus dans la sensibilisation et encore moins dans la distribution des contraceptifs.
Certains courants conservateurs présentent la contraception comme synonyme de liberté sexuelle. Selon vous, n'est-ce pas l'une des raisons expliquant le recul de son utilisation ? En grande partie. Vous savez bien que chez nous, l'utilisation de la contraception est liée au mariage. Les relations sexuelles ne sont autorisées que dans ce cadre à partir de 15 ans. Le code de la famille cadre bien cette activité en contrôlant la sexualité des femmes. C'est d'ailleurs le nœud gordien de toute la construction du droit musulman. Contrôler le corps des femmes permet d'asseoir un pouvoir des hommes sur elles. L es mentalités patriarcales ont leur part dans ce musellement sexuel. Le test de virginité montre combien le contrôle du corps des femmes est au centre de la question de la sexualité dans notre société. Bien que n'étant pas une condition de validité du mariage, la Cour suprême en a fait référence dans un de ces arrêts en 2009 en posant un principe : «La privation de l'épouse de la réparation pour divorce abusif est contraire à la loi tant que le contrat de mariage ne comporte pas la condition de virginité.» Ceci en rapport avec l'article 19 du code de la famille qui permet aux époux de stipuler dans le contrat de mariage toute clause qu'ils jugent utile, donc une clause de virginité n'est pas contraire à la loi, sous-entend la Cour suprême. Une manière de se conformer aux attitudes sociales qui en fait un préalable au mariage, alors que la loi n'en fait pas une condition de validité du mariage. Malgré ce tabou, les jeunes essaient de contourner cet interdit qu'est l'amour physique avant ou hors du cadre du mariage. Une activité sexuelle existe, mais nous ne la cernons pas, elle se pratique en cachette…