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La faiblesse de la ville algérienne
Apprendre à regarder l'urbanisme
Publié dans El Watan le 15 - 03 - 2018

Je dois dire que je suis déçu de constater que la recherche scientifique algérienne est incapable de dépasser les limites des lectures diffusées de l'emprunt, devenues à la fois traditionnelles et assommantes de l'espace urbain, et que nous sommes tombés dans l'obsession de répéter les mêmes thèmes et références, souvent par méconnaissance, alors que le monde a beaucoup évolué.
Il faut apprendre à regarder l'urbanisme de chez nous, dans sa totalité et la globalité planétaire (l'urbanisme est partout !), peut-être même abandonner la mythification du rural «à distinguer absolument selon le propos officiel de l'urbain», en prenant en compte la particularité voire même le particularisme des échelles (de toute façon, les projets d'Etat ont défiguré la plupart des contours des noyaux des villages coloniaux, en plus des quartiers de l'informel), et cesser de segmenter le regard que nous portons sur nos villes à partir de la culture dominante de la représentation qui n'est pas toujours la culture pratique.
En ce sens, prendre par exemple conscience de la semblance de la culture européenne (c'est le cas d'Oran), et se dire que nous avons tout à gagner à nous décomplexer (et je ne dis pas à nous couper) de ce qui se fait ailleurs.
La faiblesse de la ville
Il m'est difficile aujourd'hui de parler de «ville» connaissant l'étymologie du terme, les modes traditionnels de sa formation, comme il m'est pénible de constater l'existence d'un ministère de la Ville qui ne voit pas que la ville que nous avons sous les yeux est faible, depuis longtemps, d'autant plus qu'il a contribué certainement à sa faiblesse par ses projets qui détériorent les environnements et paysages.
Incontestablement, l'urbain domine et est appelé à s'affirmer encore plus dans les décennies futures.
La politique urbaine menée depuis des lustres encourage les populations à faire le choix de l'entassement, et cela peut s'expliquer par le fait que l'urbanisme pratiqué, imposé, procédurier (AADL, LSP, etc.,) ne s'inscrit pas dans une vision de l'aménagement du territoire, et à partir de là, ne permet pas de ménager l'échelle de l'urbain déjà très sollicitée. En plus du fait que tout est fait pour qu'une certaine «vie moderne» se calque sur une certaine image de l'Occident.
Devant la rareté d'architectes porteurs d'idées et de visions, je suis tenté de croire à partir de ce que je lis que ceux qui savent le mieux regarder ce qui se trame en milieu urbain, ce sont les anthropologues, les sociologues, les historiens, les philosophes, parce qu'ils n'ont pas a priori d'intérêts cruciaux par rapport à la fabrication de l'urbain. Mais ceux-là, il faudra les former et leur apprendre à observer les espaces qu'ils ont sous les yeux en vue de les comprendre à partir de leurs théories situées. En Algérie, ces formations sont gravement négligées.
Quant à la formation en architecture, elle a tendance à s'enfermer sur elle-même pour des raisons qui sont liées plutôt à sa technicisation, à la sectorisation des domaines de recherche, à la recherche de l'opérationnalité, à la gestion des carrières universitaires et administratives et l'incompréhension des responsables des universités des spécificités pluridisciplinaires de l'architecture et de l'urbanisme.
Les architectes devenus des faire-valoir contribuent à l'étalement de l'urbain, à sa reproduction matérielle et formelle, à son «insignification». Pour les architectes, l'urbain se limite à une affaire de gadgetisation d'objets à produire et à imposer en modèle (smart-city et design). En effet, «nombreux sont les architectes [...] qui sont persuadés que l'objet architectural qu'ils élaborent n'a de lien ni avec les autres constructions ni avec le site, ou plus généralement avec la société, leur société.
Je ne me fais pas d'illusions, je sais que la majorité de mes confrères se contentent de poser là ce qu'ils imaginent être une œuvre autonome. Comme si c'était aux autres éléments de se mettre en relation avec ce nouvel objet...» (propos de Giancarlo de Carlo). Les architectes ignorent que l'urbanisme est principiellement un exercice de «mise en relation». Il s'agit de savoir saisir les enjeux de l'urbain dans une logique du tout au lieu du fragment.
Cela n'empêche pas de considérer les spécificités des fragments qui télescopent dans leur désir d'être ensemble. La mise en relation ne se limite pas à une machination d'esprit de la forme spatiale, non, c'est de l'urbanisme intimiste par exemple de Fernand Pouillon, un architecte qui a su se détacher des influences gadgetisantes de l'architecture moderne, d'une modernité que des architectes modernes «imaginaient stable» (dixit Giancarlo de Carlo), et l'hygiénisme presque stalinien de l'urbanisme de la charte d'Athènes.
La mise en relation, vitale pour que la ville soit, ne peut en aucun cas faire l'économie de la mise en contexte des choix ; rien n'empêche de s'interroger par exemple sur l'utilité des distances qui séparent et les contraintes liées aux infrastructures. Et tout cela, bien sûr, nous ramène à considérer et reconsidérer l'œuvre des anciens et à accompagner notre méditation d'un véritable vent de nouvellement et renouvellement d'esprit.
De la ville à l'urbanisme, à l'inversion en cours
On a beaucoup écrit sur la ville et l'urbanisme, et on n'arrête pas de répéter des propos qui se trouvent vidés de leur substrat au nom de la recherche scientifique. Les bibliothèques croulent sous le nombre important de livres, et de mémoires d'auteurs dits spécialistes. Au milieu de cette quantité importante de documents, ce qui m'apparaît surtout c'est le manque de subtilité dans le propos tenu. Il y a un éloignement certain du sens profond des mots, donc des réalités.
Nous avons affaire à des mots reconstruits par ignorance qui nous écartent du sens chronologique et chronotopique des choses, et nous font percevoir selon les évidences de nos contemporanéités respectives, à nous aveugler sur les perceptions des anciens que beaucoup d'architectes algériens ont tendance à dénigrer.
Le propos tenu sur «la ville espérée» est excessivement technique (sans une réelle technique maîtrisée), centré sur des considérations statistiques et loin d'être populaires. Je veux dire par exemple qu'il y a un mépris profond des potentialités que possèdent les populations pouvant permettre l'organisation d'espaces conformes à la fois à leur êtres-individuels et êtres-collectifs.
Certes, les populations ont perdu la main sur leur propre destinée, les réflexes leur permettant de s'ancrer pleinement dans l'espace, mais cela ne les empêche pas pour autant d'improviser des dispositions spatiales plus stratégiques que celles que prévoient les autorités. C'est ce «passage du spontané (relatif aux villes anciennes) à l'improvisé (des bidonvilles)» qui nous échappe, et qui pourtant est crucial pour comprendre la perte de valeur de ce qui «fait-ville».
Posons sérieusement la question à propos des compétences des populations au lieu de les suspecter en permanence de déjouer la volonté d'Etat. Les détenants des pouvoirs publics, comme de nombreux architectes, pour ne citer que ces derniers, ne veulent pas reconnaître aux populations la compétence de fabriquer leur espace propre ; le résultat, par exemple, c'est la recrudescence du phénomène de l'affirmation de l'informel, y compris dans les périmètres lotis, qui génère des centralités plus adaptées au marché de l'informel auquel contribue cette part de l'illégalisme de l'Etat. Autrement dit, nous oublions que l'urbanisme comme science a découlé de l'étude des villes anciennes et qu'avec la modernité, nous sommes en pleine ère d'inversion du processus.
Conclusion
Dans de nombreux segments urbains, déconnectés du territoire certainement peu contrôlé, comme par la particularité de leurs composantes sociales, nous remarquons aisément que le formel en plus d'être le jumeau de l'informel est aussi la matrice de ce dernier et vice versa. C'est en ce sens que j'affirme que la mystification de l'urbanisme d'Etat et ses chiffres ne dit rien des attitudes civilisationnelles des échelles locales et régionales, ni des enjeux qui s'y cristallisent. Cette mystification a par contre affirmé l'existence d'une politique urbaine nationale «ayant homogénéisé les territoires pour les avoir traités comme étant les mêmes» (dixit Mohamed Larbi Merhoum). Cet écartèlement de la dimension perceptive et historique du sens affecte l'idée que nous nous faisons de la ville.
Les choses se compliquent avec la montée des dogmes issus de l'usage attisé de la technologie. Je suspecte d'ailleurs la tendance universalisante du propos tenu qui passe automatiquement par des expressions sonnant l'impératif comme «développement durable», «le jardin du quartier», la foi en la technologie, tendance qui rend impossible l'affirmation d'apports individuels réfléchis dans l'engrenage homogénéisant de l'individualisme collectif, et la crise d'identité que nous vivons encore, et à laquelle contribuent en partie les universitaires algériens établis à l'étranger.


Par Benkoula Sidi Mohammed El Habib
Architecte (Usto) et docteur en urbanisme (IUP)


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