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Le vizir damné
Driss Basri. Ministre de l'Intérieur du Maroc sous Hassan II
Publié dans El Watan le 30 - 08 - 2007

Sa tombe se refermera à jamais sur quelques grands et petits secrets qu'il aura jalousement gardés durant un quart de siècle passé au service du roi. Driss Basri, l'ancien ministre de Hassan II, a rendu l'âme lundi 27 août à l'âge de 69 ans dans un hôpital parisien, emporté par un cancer qui lui a rongé le foie.
« Il y a eu quatre très grands serviteurs du royaume sous Hassan II : Mohamed Oufkir, Ahmed Dlimi, Mohamed Reda Guedira et moi-même. Tous sont morts, sauf moi. » Désormais, la liste est définitivement close. Singulier destin, pour ne pas dire exceptionnel, que celui de cet homme mort en exil, loin de ce royaume qu'il aura servi avec un zèle et une abnégation qui confinent à la dévotion. Que n'a-t-on pas dit et écrit sur Driss Basri ! Exécuteur de basses œuvres, grand vizir, vice-roi, Pygmalion de son monarque, Béria ou Fouché de Hassan II ou maréchal du Maroc, l'ex-ministre de l'Intérieur aura réussi à collectionner une tripotée d'épithètes aussi infamantes que valorisantes. Fils d'un gardien de prison de la ville de Settat, dans le sud de Casablanca, Driss Basri est né le 8 novembre 1938. D'extraction paysanne, il n'en a pas moins réussi de brillantes études qu'il conclura plus tard par un diplôme de docteur d'Etat en droit public à l'université de Grenoble. « Le petit Driss était un élève calme, studieux et même doux. Bon partout, surtout à l'écrit, sauf en arabe », témoignera de lui un de ses anciens professeurs.
Le sens de la soumission
Loin de faire de ses études un marchepied social, il choisit plutôt le corps de la police dans lequel il devra afficher une remarquable ascension. « C'est la police qui est venue me chercher, pas le contraire », tempère-t-il quelques années plus tard. Soit. La vocation lui réussira. D'abord commissaire principal à Rabat, il sera promu directeur de la Direction générale de la surveillance du territoire (DST) en 1973. Sa carrière est véritablement lancée au lendemain du coup d'Etat de Skhirat auquel Hassan II échappe miraculeusement. Chargé de mener la répression contre les officiers et les bidasses félons, Driss Basri s'appliquera alors à envoyer en prison et surtout dans les bagnes mouroirs des centaines de conjurés. En guise de récompense, Hassan II le nommera secrétait d'Etat à l'Intérieur en 1974. Cinq ans plus tard, il devient ministre de l'Intérieur, un poste qu'il ne quittera plus jusqu'à son limogeage en novembre 1999. Pilier inamovible du palais, serviteur zélé de Hassan II, Driss Basri aura poussé le sens de la soumission jusqu'à la caricature. Devant un responsable marocain qui lui suggérait de quitter son poste de ministre de l'Intérieur au milieu des années 1990, Basri eut cette réplique désarmante : « Mais qui sui-je, moi, pour démissionner ? Je ne parle pas à Sa Majesté, c'est elle qui dispose de moi. » C'est que, contrairement à Oufkir ou à Dlimi qui ont servi le roi avant de se retourner contre lui, il fut fidèle à Hassan II jusqu'à la mort de ce dernier et même bien au-delà. Basri embrasse sans mordre, obéit sans renâcler, sert sans comploter et exécute sans se plaindre. « Je suis un soldat, avait-il coutume de dire, la bonne à tout faire du gouvernement. Mon rôle est d'éviter les problèmes, d'être un essuie-glace et d'encaisser les coups. » Oh, mais Basri fut plus bien qu'un essuie-glace. A la tête du département de l'Intérieur et celui de l'Information dont il héritera en 1985, il régentait. Basri faisait et défaisait les carrières des responsables de la police et de la grande administration, avait droit de vie et de mort sur les gouverneurs des provinces, gérait le dossier du Sahara occidental et n'hésitait pas, le cas échéant, à utiliser les réseaux de trafic de drogue pour asseoir son pouvoir. L'étendue de celui-ci était vaste, presque insondable. Basri créait des partis croupions, manipulait les résultats des élections à sa convenance et, bien sûr, à celle du roi. Ministre de l'Information, il a favorisé la naissance de certains journaux, distribuait des enveloppes, admonestait les journalistes qui se montraient indociles et avait coutume d'inviter, aux frais du palais évidemment, reporters et autres grandes plumes du monde entier dans les suites du célèbre palace El Mamounia de Marrakech où il avait ses quartiers et ses habitudes. Redouté autant qu'haï, il symbolise les tristes années de plomb que le Maroc aura connues durant le règne de Hassan II. Bien sûr, l'homme s'offusque à l'évocation de ces accusations. « Je n'ai tué personne », clame-t-il innocemment à un journaliste français à qui il a accordé de longues audiences dans son pied-à-terre parisien à l'automne 2004. Il n'a fait que servir le roi, s'est-il défendu. Les Marocains sont d'un autre avis. L'une des victimes de Basri apporte un autre jugement. « Véritable chef occulte du gouvernement, Raspoutine en gandoura du roi, il a été le planificateur des terribles épurations qui ont suivi les tentatives de coup d'Etat en 1971 et 1972. Son règne a été celui des arrestations arbitraires, des condamnations sans jugement, des séances de torture subies par les opposants, des bagnes du désert où disparaissaient les ennemis du monarque dans un silence de glaciation et de mort. Seuls les appels de certains défenseurs des droits de l'homme et ceux d'Amnesty International venaient troubler son sommeil. »
Exécution publique
Si l'ancien ministre, amateur de golf et de bonne chère, fut un vizir empressé, ses rapports avec le prince héritier Mohammed VI, intronisé à la mort de son père en juillet 1999, furent empreints aussi bien de déférence, de méfiance que de répulsion. N'ignorant en rien les agissements de Driss Basri – celui-ci était-il chargé de le surveiller et de rapporter au roi ses moindres faits et gestes ?–, Mohammed VI le tenait en suspicion. « Je le retrouve partout », se plaignait le jeune roi. Souci de rompre avec le régime incarné par son défunt père ou volonté de se débarrasser au plus vite d'un vizir encombrant, toujours est-il que Mohammed VI a tôt fait de signifier à Basri que son omnipotence est une période révolue. La scène se passe à Rabat le 25 juillet 1999, lors des funérailles de Hassan II. Au moment de la mise en terre du corps, trois responsables du gouvernement s'avancent auprès du prince héritier pour lui présenter les condoléances. Le chef du gouvernement, Abderahmane Youssoufi, s'acquitte du rituel après une accolade avec Mohammed VI. Quand Basri s'agenouille pour faire le baisemain au futur roi, celui-ci retire brusquement sa main, esquisse un geste de recul et une moue de dédain. Ce n'est plus de la répulsion, c'est presque une exécution publique. Moins de trois mois plus tard, le sort de Driss Basri est définitivement scellé. Sans état d'âme, Mohammed VI convoquera son ministre de l'Intérieur dans son palais à Marrakech le 9 novembre 1999. La veille, Basri fêtait son anniversaire, mais le cœur n'y était pas. L'homme se savait cuit, fini. C'est que depuis sa montée sur le trône, le monarque n'a pas cessé de rogner les prérogatives du grand chambellan. Le 9 novembre donc, l'entrevue fut courte et courtoise, mais le sentence irrévocable : Driss Basri est limogé de son poste de ministre de l'Intérieur. La terre se dérobe sous les pieds du vizir. La chute sera lente et la disgrâce humiliante pour celui qui se définissait comme « le bonneteau de Hassan II ».
Une déchéance suppliciante
« Je ne remets pas en cause mon départ du gouvernement : c'est une décision régalienne. Ce que je rejette, c'est la suite, cette volonté délibérée de jeter aux orties ma mémoire et mon potentiel. » La suite, Driss Basri la vivra comme une déchéance suppliciante. D'abord, on fit couper l'eau courante à la grande ferme qu'il possédait dans la région de Mohammedia, un cadeau reçu des mains propres de Hassan II dans les années 1980. Ensuite, on lui signifia qu'il était indésirable à l'université de Casablanca où il devait assurer des cours de droit. Enfin, l'administration marocaine refusa de lui renouveler son passeport périmé, alors qu'il se trouvait encore à Paris pour des soins. On lui recommandait de rentrer plutôt au Maroc pour récupérer le précieux document avant de repartir en France. Fatigué et malade, il souffrait notamment d'une hépatite C. Driss Basri décide de s'exiler en 2004 en France. Dans son hôtel particulier sis dans le très chic XVIe arrondissement à Paris, celui-là même qu'occupait l'ancien président du Conseil, Pierre Mendès France, l'homme s'épanche sur ses déboires et multiplie les sorties médiatiques dans les médias occidentaux, marocains et même algériens. Basri se prononce pour un référendum sur le Sahara occidental, ce qui a le don d'agacer ses compatriotes, donne son avis sur tout, sur l'Etat du Maroc, sur l'Algérie, sur Bouteflika, sur le terrorisme et ne désespère pas de repartir finir ses jours dans son royaume. Désabusé qu'on puisse l'accabler de tous les maux, lui qui a servi le roi avec ardeur, il répond à ses détracteurs lors de l'une de ses dernières confessions recueillies par une journaliste de Jeune Afrique : « Je suis un maître, un grand maître. Je suis un colosse, un géant. Je suis un maréchal du Maroc. Docteur en droit, grand humaniste, idéologue et philosophe de la monarchie, premier partout depuis le cours élémentaire. J'ai lu Bossuet et Saint Thomas d'Aquin, alors qu'eux, ceux qui m'attaquent, ne savent même pas lacer leurs bottes. Je suis un grand monarchiste et un monarchiste honnête, eux ne sont que des monarchistes rapaces. Le Maroc, ils sont en train de l'enterrer... »Il partira sans avoir écrit ses mémoires. Driss Basri meurt avec ses secrets emportés dans la tombe.


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