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« Je ne connais qu'un seul devoir, c'est celui d'aimer »
Publié dans El Watan le 31 - 10 - 2007

Baghdad, un jour d'avril 2006... » C'est en gros caractères que j'avais repris cette citation d'Albert Camus sur un tableau au-dessus de ma tête dans mon nouveau bureau en zone rouge à Baghdad.
J'étais arrivé dans cette ville en agonie quelques semaines après le retrait de la majorité des diplomates arabes à Amman (Jordanie) suite à l'assassinat de l'ambassadeur égyptien et d'autres diplomates arabes. Aujourd'hui avec le recul, je peux dire que ce fut inconscient, mais volontaire, et que l'envie d'exorciser, ne serait-ce qu'une infime partie des souvenirs d'une année tumultueuse et risquée, ne finissait pas de me hanter. Ma maison, à la fois mon bureau et ma résidence, n'avait comme décor que des blocs de béton s'érigeant au fur et à mesure que la situation se dégradait et des Peshmergas qui l'entouraient. Cette demeure me parlait presque de ces impressions que je n'ai pas eu le temps ni le désir de noter. Rien au monde ne peut essuyer la buée de tristesse de cette année passée en Irak, où chaque jour amenait sa dose du pire à venir. Ce pire, qu'« on n'oublie pas, on s'habitue, c'est tout », me répétait le CD de Jacques Brel, l'un de mes rares compagnons : La tête coupée d'un homme appartenant à une secte considérée dorénavant ennemie et livrée à des enfants en bas âge pour jouer avec au football devant des adultes au calme passif, voire admiratif. L'assassinat de notre boulanger aux larges moustaches et au sourire éternel par l'un de ces groupes armés qui avait décidé de tuer tous les boulangers refusant de fermer définitivement leur commerce. Le soir où un gros missile « Katioucha » est tombé dans le jardin me séparant de mon voisin et la joie hystérique de ce dernier répétant sans cesse : « Nous avons une nouvelle vie ». Chance inouïe, le missile n'a pas explosé. Le visage au sourire innocent de feu Mekdad, 29 ans et père de 6 enfants dont un lourdement handicapé. Mekdad fut l'un des Peshmergas qui assuraient ma protection. Il a succombé suite à une attaque armée. Le ronflement des moteurs de dizaines d'hélicoptères de l'armée américaine sillonnant en permanence si bas le ciel de Baghdad et contrastant de façon kafkaïenne avec les milliers de blocs de béton armé qui s'étalent à l'infini. Je me suis toujours posé la question : que ferait-on de tous ces blocs si un jour la paix venait d'être établie ? Le regard étonné et interrogatif de mon personnel local quand j'ai décidé d'élever Caramel, une petite chienne abandonnée et la réponse mi-sèche, mi-moqueuse de l'un d'eux à ma demande de la faire vacciner : « Monsieur nous avons énormément de difficultés à trouver des vaccins ou des médicaments pour les humains. » Ainsi si la liste de ces faits peut s'avérer illimitée et s'ils étaient tous marquants, déchirants ou crus, certains demeureraient gravés dans ma mémoire comme révoltants et indécents : La contradiction entre la vie normale, voire luxueuse des « habitants » de la zone verte et celle du peuple irakien de la zone rouge, plus précisément le reste le l'Irak. La contradiction entre ma vie quotidienne à Baghdad et les escapades au Caire pour assister aux réunions de la Ligue Arabe sur l'Irak. Réunions auxquelles j'ai constamment été invité sans pour autant ne jamais juger de l'utilité de me donner la parole pour témoigner ou rapporter de la situation en Irak. Ces réunions au caractère monotone, répétitif et loin des réalités semblaient n'avoir pour unique but que de maintenir un ballet médiatique adressé à un public qui n'est d'ailleurs plus dupe. L'arpège de ce ballet manquant terriblement de toute note gaie. Le plus drôle est que le secrétaire général (SG) de la Ligue arabe tenait absolument à y inviter aussi son ami, l'ancien ministre soudanais des Affaires étrangères en qualité d'envoyé spécial en Irak, alors que durant toute l'année que j'ai passé à Baghdad jamais il ne m'a été donné, de voir cet envoyé spécial débarquer en Irak. La fuite en avant des élites irakiennes dont la quasi-majorité ne croit plus en Irak et c'est ce qui explique ces sommes faramineuses des fonds publics constamment détournés. Ainsi, en quatre ans, quelque 20 milliards de dollars ont disparu selon les propres estimations de ces élites irakiennes. Le cynisme de la Communauté internationale, Américains en tête, qui continuent de s'entêter que son but est de répandre la démocratie au Moyen-Orient dont les peuples ont tant besoin. Cependant, la démocratie instaurée en Irak s'est avérée sectaire, dont le résultat fut d'imposer un extrémiste chiite, à l'esprit vendetta, comme Premier ministre, un autre extrémiste salafiste, presque à la limite de l'incohérence, comme président du Parlement. Les législateurs, quant à eux, ont été élus grâce aux fetwas et aux falsifications de tout genre (plusieurs le reconnaissent en privé). Ces législateurs, comme les membres du gouvernement, ne semblent prendre goût que pour une éternelle errance dans les capitales étrangères. Fuyant ainsi l'amère réalité quotidienne d'un peuple meurtri. Depuis ma nomination en mars 2006 jusqu'à mon départ en février 2007, les seuls paramètres pour moi étaient les malheurs d'un peuple en agonie. C'est pour cela que je ne m'attarderai pas sur les conditions logistiques désastreuses mises à ma disposition et je ne sais pas si les étaler devrait provoquer rires ou pleurs, peut-être les deux à la fois. Toutefois, dans ce long chassé-croisé, signalons : Les pays arabes contactés pour assurer la sécurité de la mission dont j'étais chargé d'ouvrir immédiatement (selon leur résolution) se sont rétractés la veille de mon départ à Baghdad. Il fallait alors se contenter d'une sécurité irakienne avec tous les dangers que cela comporte et les Arabes du gouvernement irakien (chiites et sunnites) n'ont manifesté aucun désir ni volonté de m'assister, seuls les Kurdes m'ont protégé et aidé. Après avoir vu mes conditions, un ambassadeur européen ami a chargé sa sécurité de faire une étude minutieuse sur les manquements sécuritaires à ma mission. Cette étude considérait qu'aucune mesure sérieuse n'était respectée. Pis, elle concluait que ma présence dans ces conditions était quasiment suicidaire. Aucune compagnie d'assurance internationale n'a accepté de m'assurer, plusieurs ont été contactés à New York et Londres par un ami, Ron Bruder, mais unanimement ont jugé la mission trop risquée pour manifester un quelconque intérêt. Finalement, c'est une assurance locale au Caire qui a accepté de m'assurer avec la condition sine qua non que le kidnapping et tout ce qui s'ensuit ne sont pas couverts. Au moins, j'ai eu l'illusion d'être assuré. J'ai peut-être réussi à avoir un dialogue avec toutes les parties irakiennes, des politiques aux chefs religieux en passant par les chefs de tribus et les représentants de la société civile ; je les ai tous écoutés, partis gouvernementaux et oppositions, mais le dialogue n'était pas suffisant. Il fallait passer au statut supérieur de la négociation pour pouvoir imaginer avec eux une vraie réconciliation nationale. Pour cela, il fallait beaucoup de moyens politiques qu'on n'a jamais voulu mettre à ma disposition. C'est d'ailleurs pour cela qu'un an après, n'ayant rien à offrir aux Irakiens, j'ai décidé de partir. Le SG de la Ligue arabe et ses bureaucrates qui excellent à maintenir une tour en miroir pour lui refléter des images roses de réussite, semblait ne pas comprendre ma décision de mettre fin à cette mission absurde (et non-démission) et avait réagi par un communiqué de presse laconique qui stipulait que « Son Excellence » a accepté (ma démission) et qu'il est en train d'étudier les candidatures d'une longue liste... Dix mois après mon départ, l'étude de cette liste semble s'éterniser. Aucun remplaçant n'a été nommé alors que la situation en Irak n'en finit pas de se détériorer. Le SG n'a même pas eu le temps de me dire après cette douloureuse année en Irak : « Merci et au revoir. » Le SG et les pays arabes étaient-ils conséquents de m'envoyer à Baghdad sans aucun moyen politique ou logistique. Une voiture blindée n'a été achetée qu'après 7 mois, quant aux autres moyens rudimentaires demandés, tel l'achat d'un fax crypté pour assurer un minimum de sécurité à mes correspondances, j'ai cessé cette mission sans jamais les obtenir. En dernier lieu, le SG n'a jamais jugé utile de s'enquérir, ne serait-ce que par un quelconque coup de fil suite aux dangers, péripéties et menaces courantes dont je faisais l'objet. Enfin par cette aventure irakienne, les Américains ont-ils atteint un point de non-retour ? Ont-ils durement atteint la crédibilité du système démocratique dans une région qui en a un pressant besoin ? Il est probable qu'au cours des mois que durera encore la présidence de M. Bush, ce dernier ne pourra reconquérir de crédit moral suffisant pour convaincre que son pays a toujours un rôle constructif à jouer dans une région éminemment complexe et historiquement fragile. Certains pays arabes semblent avoir objectivement tiré profit de l'enlisement américain dans le bourbier irakien, il leur aurait permis au moins de se soustraire aux fortes pressions du fameux projet du nouveau Moyen-Orient que l'administration américaine a dû se résigner de reporter aux calandres grecques. D'un autre côté, l'influence iranienne se fait de plus en plus pressante et présente, l'Irak devenant ainsi une carte gagnante aux mains du régime théocratique de Téhéran, qui semble convaincu d'appliquer à la lettre l'adage (petit à petit, l'oiseau fait son nid). Le très lourd tribut reste du ressort du pauvre peuple irakien qui a tant souffert et qui continuera de souffrir ; rien que ces trois dernières années ont vu jusque-là le tiers des Irakiens forcés de quitter leur maison, plus d'un demi-million de pertes de vies innocentes et la dislocation du tissu social de la mosaïque irakienne, plusieurs fois millénaire. Peuple irakien, au destin tragico-cynique, dont le triste sort ne semble pas émouvoir son fantomatique gouvernement ni d'ailleurs ses voisins ou encore l'Administration américaine. Malheureusement, on ne peut ramasser l'eau renversée...

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