Au premier balcon du Théâtre régional de Sidi Bel Abbès, entre deux spectacles, Kami Manns, metteur en scène et chorégraphe allemande, livre sa vision personnelle de l'art chorégraphique et de son expérience marquée par la chute du mur de Berlin. Rencontre avec la chorégraphe à l'occasion du festival du théâtre professionnel de Sidi Bel Abbès. Comment en êtes-vous venus à l'art chorégraphique ? Cela a commencé très tôt, à l'âge de 8 ans. Quelques années plus tard, avec la chute du mur de Berlin, ma passion pour l'expression du corps s'est forgée. C'est cette période duelle et un peu paradoxale qui a guidé mon choix. Après, j'ai opté, en 1992, pour une formation professionnelle de danse avant d'intégrer l'équipe nationale d'Allemagne de gymnastique rythmique sportive. La danse peut-elle être considérée comme un sport de haut niveau ? Ce n'est pas que physique. Même si c'est extrêmement difficile de faire dire au corps ce que la parole n'arrive pas à exprimer. Si j'ai choisi la chorégraphie comme moyen d'expression, c'est parce qu'il y'a quelque chose en moi qui bouge et que je n'arrive pas à nommer. Je m'exprime moi-même dans ce que je fais. Dans l'acte artistique même je suis à la recherche de l'art théâtrale. Et je considère que l'organicité constitue ma quête principale sur ce chemin. Ceci dit, chaque chorégraphe apporte sa vision et exprime ce qui est important pour lui. Dans certains de vos travaux, vous faites toujours référence à ces remparts intérieurs et au mur qu'érigent les puissants pour se prémunir de ce qui vient de l'extérieur. Quel lien ? Cela fait partie de ma propre histoire, de l'histoire récente de l'Allemagne et de la chute du mur de Berlin. Pour l'anecdote, juste après la chute du mur je suis passée à l'Est. Et là, j'ai eu l'occasion de sonder la douleur des gens qui souffrent face au mur sans s'en apercevoir. Même chose pour ceux qui vivent de l'autre côté ! Des deux côtés du mur, les gens sont jusqu'à présent dirigés et conditionnés par ce qu'ils ont vécu durant plus de 40 ans. Vous vous apprêtez, dans quelques semaines, à réaliser un spectacle de théâtre avec des prisonniers. Cette fois-ci entre quatre murs … Oui, c'est un spectacle que j'espère réaliser avec un groupe de prisonniers au pénitencier de Lyon (France). C'est à partir d'un texte de Abdres Veiel, Der Kick, que j'essaye de développer avec des personnes incarcérées un concept propre à moi et que j'espère un jour porter sur scène. Der Kick s'inspire du meurtre d'un adolescent par trois de ses copains, en juillet 2002, à Potzlow, un village à 60 kilomètres au nord de Berlin. Concernant le festival de Sidi Bel Abbès, vous avez animé des ateliers de formation sur l'art chorégraphique … J'ai travaillé avec un groupe de dix acteurs qui ont présenté, mercredi, à la clôture du festival, un spectacle improvisé. L'essentiel est de créer une ambiance créatrice. Mon objectif consistait à développer trois axes de travail : le côté psychique (physique - le corps, le mouvement et l'espace) et puis l'aspect dialogue. Au-delà de la mise en scène, ces trois aspects sont importants. En cela, il existe des textes qui sont déjà mis en mouvement par l'auteur lui-même.