La passion maudite » est un court récit écrit par Abdou Semmar et publié en ligne chez Le Manuscrit. Cette romance attire l'attention à plus d'un titre et semble intéressante à signaler, au moins pour les jeunes plumes qui désirent écrire et pour qui il est difficile de trouver un éditeur classique. L'histoire contée est simple et compliquée à la fois. L'amour entre les êtres et l'attirance physique, toutes les attirances sont présentes, sont sublimées dans ce texte dont l'écriture et la maîtrise de la langue française sont tout simplement superbes, bien que parfois un peu trop sophistiquées. Cependant, cette sophistication se prête à la thématique abordée par le jeune nouvelliste. En effet, la narration est un subtil mélange de poésie et de prose, de réalisme et de rêve, de descriptions physiques et d'envolées fantasmagoriques. Les personnages sont à la fois présents et irréels, hommes et femmes, amis et ennemis, où la passion est de toute évidence toujours présente, forte, parfois douce, souvent dévastatrice. Deux hommes, Jacques le pied-noir, le Français d'Algérie, et Mohand le berbère, l'Algérien des origines, se disputent la même femme, Kahina, oscillant entre la femme sensuelle qui attire, exotique, belle dont le physique est un volcan pour les deux hommes. Elle sait être joueuse et amoureuse, ne sachant sur qui jeter son dévolu. Une passion justement dévastatrice mine tous les personnages en présence, au point où le lecteur perd parfois le sens du récit dans la mesure où le nouvelliste mélange, sans toujours le maîtriser, les temps du récit. Ce qui paraît révélateur dans ce récit, c'est la nouvelle génération d'Algériens et d'Algériennes qui se frottent à l'écriture par le biais de la langue française et qui montrent combien ils ont bien intégré l'histoire de l'Algérie et de la France. Abdou Semmar est un exemple frappant et positif de cette nouvelle génération qui contredit certains commentaires pessimistes sur la création en Algérie. La passion maudite est un texte qui montre combien la relation France / Algérie est profonde dans le sens où cette relation fusionnelle dépasse les échanges touristiques et est présente au sein même d'une génération qui n'a pas connu la période coloniale, mais qui reste héritière de Kateb Yacine ou de Mouloud Mammeri. Le personnage de Kahina dans ce texte poétique symbolise fortement l'Algérie attirante et rebelle, qui se donne et se retire, qui refuse la soumission et qui sait être amoureuse et sensuelle. La force de ce texte est l'intégration subtile de l'histoire sans que cela ne soit le sujet essentiel . La question de l'identité est toujours posée, mais cette fois, avec moins d'acrimonie, avec une pointe d'acceptation de soi face à l'histoire comme le montre cet extrait où Mohand s'exprime avec force : « Je joue à décrasser les barrières qui font les hommes d'un certain genre, je me produis sur leur théâtre et je m'affuble de toutes les toges, pour échapper à moi que je suis toujours trop. Je suis un berbère gaulois, un indigène colon, un homme sans identité, un monstre affamé d'amour, un enfant en quête de reconnaissance ». Le texte décline les diverses facettes de ce pays convoité non seulement à travers Kahina mais aussi à travers Myriam/Marie ou « le métissage parfaitement réussi », l'autre amante, l'émigrée, de Mohand et de Jacques. L'Algérie attire les âmes fortes car la passion guide les êtres de cette terre Algérie et comme l'auteur le dit lui-même dans son épilogue La passion maudite possède les défauts d'une première œuvre, c'est-à-dire la précipitation, la confusion des genres entraînée d'ailleurs par cette précipitation et une certaine tendance à vouloir tout dire et tout exprimer à la fois. Cette première écriture signale sans équivoque la passion d'un jeune auteur qui de toute évidence aime les mots, se passionne pour l'écriture et possède un sens aigu de l'histoire de cette Algérie multiple et riche. Abderrahmane Semmar, « La passion maudite », Paris : Le Manuscrit, 2008. Livre disponible sur : www.manuscrit.com