L'affaire des 16 patients ayant perdu la vue après avoir subi des injections dans les yeux à l'hôpital Beni Messous, à Alger, vient de connaître un rebondissement. L'enquête de police a pris fin après la présentation, au parquet de Bir Mourad Raïs, du chef de service ophtalmologie et d'un médecin. Les deux ont été placés sous contrôle judiciaire. Décision qui sera examinée aujourd'hui par la chambre d'accusation près la cour d'Alger. L'enquête sur la tragédie qui a coûté la vue à 16 patients du service d'ophtalmologie de l'hôpital Beni Messous, à Alger, s'est terminée avec la présentation, mercredi dernier, du médecin et du chef de service au parquet de Bir Mourad Raïs, près la cour d'Alger. Le magistrat instructeur a placé ces derniers sous contrôle judiciaire pour avoir provoqué la cécité des 16 victimes et la chambre d'accusation doit statuer aujourd'hui sur ces décisions, contestées par les prévenus. Cette dramatique affaire a éclaboussé le service d'ophtalmologie du CHU de Beni Messous, en juillet 2007, lorsque les familles des patients ont saisi et alerté l'opinion publique. Si pour les médecins, il s'agit là des conséquences « d'une épidémie nosocomiale liée à l'hygiène », pour les policiers qui ont mené l'enquête, les patients ont perdu la vue « du fait de l'utilisation expérimentale d'un produit inconnu sur le marché. Le laboratoire scientifique de la police a établi la relation entre la cécité et le produit en question ». Le produit Bevacimab, utilisé dans de nombreux pays, a été introduit en Algérie sur une simple autorisation de mise sur le marché (ATU), dans le cadre du traitement des cancers colorectaux métastasés. Les spécialistes sont unanimes à relever que la plus importante complication qui peut découler d'une injection intra-vitréenne est l'infection, même si celle-ci peut être traitée avec des antibiotiques, car elle conduit à la perte de la vue. Les témoignages des patients victimes de la perte de vue sont émouvants et n'ont pas laissé indifférentes les autorités judiciaires, qui ont ouvert une enquête. La plupart ont déclaré avoir été surpris de voir l'équipe médicale leur administrer ce nouveau produit à la place de la Visudyne sans être informés des risques qu'ils encourent, à savoir la perte de vue. Une fois le mal fait, ils ont été hospitalisés dès la première semaine de juillet pour perte de l'œil. Tous les malades, qui ont fait du porte-à-porte au niveau des rédactions de la presse écrite, affirment avoir reçu une convocation pour le même jour, adressée par le service ophtalmologique de Beni Messous, leur expliquant qu'ils allaient bénéficier d'un nouveau traitement importé des Etat-Unis. Interrogé sur ces infections, le Pr Nouri, chef de service à l'hôpital de Beni Messous, a déclaré à la presse : « Seulement onze patients ont eu une infection de l'ensemble des tuniques oculaires d'origine exogène par inoculation directe du germe ou endogène due à une bactérie. Les vingt autres se sont bien sentis et l'état de leurs yeux s'est amélioré après un traitement antibiotique. Effectivement, nous avons constaté ces infections d'origine nosocomiale et elles n'ont rien à voir avec le médicament injecté. Des malades opérés pour la cataracte, à ce moment-là, ont été aussi touchés par ces infections nosocomiales. Nous leur avons proposé cette injection et nous les avons informés qu'il n'y a plus rien à faire pour eux. Ils étaient pour la majorité en cécité. Leur acuité visuelle était pratiquement d'un dixième. » Le professeur reconnaît néanmoins que l'état du bloc n'offrait pas les bonnes conditions d'asepsie et laisse croire qu'il s'agit là des conséquences d'une infection liée au manque d'hygiène hospitalier (infection nosocomiale). Quelques mois plus tard, une enquête interne au CHU de Beni Messous révèle que « les malades ont été infectés par un germe connu, le staphylocoque epidermidis. Il s'agit donc d'une infection nosocomiale maniportée (transmise par les mains) ». C'est ce qu'a déclaré le Pr Soukhal, ajoutant que de nouvelles dispositions ont été prises au niveau du ministère de la Santé afin de réactiver les Comités de lutte contre les infections nosocomiales (CLIN) dans tous les établissements de santé au niveau national. Mais le dossier avance au niveau de la police judiciaire près la sûreté de wilaya d'Alger, qui entend toutes les victimes, les médecins et spécialistes en ophtalmologie. Une expertise scientifique est demandée au laboratoire scientifique de Châteauneuf qui, une année après, confirme que la cécité des 16 patients est due à l'inoculation du produit et non pas à une infection nosocomiale. Le professeur chef de service d'ophtalmologie ainsi que l'ophtalmologue qui a pratiqué les inoculations ont été présentés au tribunal de Bir Mourad Raïs, qui les a placés sous contrôle judiciaire. Les deux prévenus font appel auprès de la chambre d'accusation, qui doit statuer aujourd'hui.