Il n'était guère, dans le vieil Alger, de citadin aisé, commerçant maure, fonctionnaire du beylik ou patron corsaire, qui ne possédât une maison de campagne. Au retour de la belle saison, toute la famille s'y transportait avec allégresse. Les femmes y échappaient à la claustration du harem, à la surveillance des vieilles et aux médisances des voisines ; les enfants y retrouvaient le jardin et la basse-cour, et le maître du logis y oubliait les soucis de son métier. Tout le monde y savourait les fruits et les légumes que les esclaves cultivaient à longueur d'année et qu'avait arrosé la noria. Beaucoup de ces villas parsèment encore de leur tache blanche, enveloppée de cyprès et d'oliviers, les coteaux du Sahel, les croupes de Bouzaréah, les pentes du Hamma ou d'El-Biar, les vallons d'Hydra ou de Bir Mourad Rais. Le thème architectural que la maison urbaine nous a permis d'esquisser, engendre ici des variations ingénieuses, logiquement adaptées à l'espace moins mesuré, à l'absence de voisins et à la vie plus libre. La maison à patio central en est encore l'élément essentiel, mais elle y prend une autre tournure et une cour plus vaste s'y adjoint. C'est dans cette cour que nous pénétrons tout d'abord. L'entrée en est parfois défendue par une lourde porte bardée de ferrures et surveillée, comme à la villa du Bardo, par une logette de gardien qui domine le passage. Parfois, elle est précédée d'une “sqifa” où le visiteur attendra qu'on l'admette à l'intérieur. La cour dallée de marbre où il débouche est vaste, mais close de murs, bordée de portiques et de pavillons d'angles. Ces observatoires accueillants où, selon sa fantaisie, la maîtresse du logis passe unie partie de ses loisirs, est l'un des charmes de la villa. Cependant, cette maison de campagne offre aussi des commodités que la société musulmane considère comme précieuse entre toutes. Il n'en est guère qui n'ait son bain de vapeur. La noria, qui permet d'arroser le potager, fournit aux besoins de la cuisine et remplit les réservoirs d'un hammam. Une petite étuve occupe l'un des angles des bâtiments et se révèle sur les terrasses par des cheminées et la coupole qui la couvre. Non loin de cet ensemble architectural de la maison et de sa cour dallée, se groupent les communs, le logement des domestiques, l'écurie et les hangars. Mais souvent aussi, les villas importantes de la banlieue algéroise ont pour dépendance une douira (petite maison), logis pour les hôtes de passage et, mieux encore, pavillon d'été.