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Ils racontent cette nuit d'horreur
Publié dans Horizons le 16 - 10 - 2010

• Bakhouche Abdelkader : «Le FLN avait réussi à constituer un Etat dans l'Etat» Il est arrivé de sa ville natale Drean, près de Annaba en 1955 à Marseille à bord d'un bateau en provenance de Annaba. «J'avais déjà tâté à la politique en distribuant le journal du PPA- MTLD, mais j'avais surtout l'enthousiasme et la témérité de la jeunesse intactes». L'homme du haut de ses soixante-douze ans conserve encore une allure alerte et une mémoire intacte. Membre de la «spéciale», commando de six personnes ayant subi un entraînement à Larache au Maroc et chargé d'éliminer les personnalités françaises, il n'a pas vécu le 17 Octobre dans les rues au milieu des cortéges. «J'avais été déjà arrêté le 1er octobre 1958 comme membre du groupe de choc qui avait tenté d'exécuter Jacques Soustelle le 14 Septembre de cette année-là».Ils étaient six dont deux Cherouk Abdelhafid et Ouraghi Mouloud qui, arrêtés sur les lieux de l'attentat, seront condamnés à mort. Bakhouche de son coté écopera d'une condamnation à perpétuité et ne quittera la prison de Fresnes qu'en avril 1962. Les prisonniers algériens vont pourtant bénéficier des retombées de cette journée. «Quand on est en prison et qu'on entend de telles nouvelles, c'est la délivrance qui se profile. On se dit surtout que l'idée pour laquelle on se sacrifie n'est pas oubliée. On ne se sent plus seul». Le FLN avait réussi à constituer un Etat dans l'Etat. Il prenait en charge les émigrés même dans les prisons. «Ce jour-là, on a senti que la lutte des Algériens était près d'aboutir», se rappelle Bakhouche qui voit dans ces manifestations «le signe de la victoire définitive du FLN notamment contre le MNA de Messali Hadj». «En 1956, j'ai tiré, c'était mon premier coup sur un messaliste à la rue des Chapeliers à Marseille avant d'intégrer une même équipe chargée de «nettoyer» tout au long de 1957 les réfractaires aux ordres et directives du FLN dans la ville de Lyon».
Le 17 Octobre est pour lui comme un aboutissement, ou même de Gaulle s'est rendu à l'évidence qu'il n'y avait plus de troisième force qui aurait pu contester la représentativité du FLN. En prison, les événements du 17 Octobre donnèrent plus de combativité aux hommes qui dès le1er Novembre1961 entamèrent une longue grève de la faim qui dura vingt jours. «Nos avocats comme maîtres Oussedik, Vergès nous permettaient de savoir ce qui se passait dehors et à partir du 17 Octobre on savait que même si d'autres sacrifices étaient nécessaires, l'indépendance était au bout et que le rêve tant attendu allait se réaliser». L'homme considère les manifestations comme un événement certes grandiose mais qui risque d'en cacher d'autres qui témoignent de l'engagement de l'émigration algérienne. Il veut rappeler un épisode quelque peu oublié. «De Gaulle avait ramené des centaines de personnes d'Algérie pour défiler le 14 Juillet 1958 aux Champs Elyséés. Récupérés et travaillés par la Fédération de France, certains d'entre-eux vont déployer devant la tribune officielle le drapeau algérien».
• Tahar Saadi : «Une vraie chasse à l'homme à Paris»
L'homme originaire d'Akbou était alors tourneur ajusteur. «J'étais, se souvient-il encore, responsable de section dans le troisième arrondissement de Paris». A ce titre, il fut informé à sept heures du matin que ce jour-là, le 17 Octobre, il fallait se regrouper à 20h00 à la place de l'Etoile pour clamer le refus du couvre-feu imposé par Papon. La Fédération de France avait gardé secrètes ses consignes par peur d'éventuelles fuites. Seules les responsables étaient informés. Les 80 000 Algériens pour la plupart de simples ouvriers installés dans des hôtels n'apprirent que le jour J la tenue de la manifestation. Ils devaient converger vers divers points à pied, par le métro. Presque un demi-siècle après, notre interlocuteur retient surtout l'organisation tatillonne qui était derrière les manifestations. Saadi est formel. On avait surtout insisté à ce qu'elles soient pacifiques. «Sur l'itinéraire de la manifestation on nous traitait d'assassins mais aucun débordement de notre part». Les mots d'ordre circulaient entre des niveaux de responsabilité très cloisonnés. «Moi, dit-il, j'avais affaire à des chefs de groupe et eux à des chefs de cellule qui comptaient cinq personnes. On ne badinait pas sur le respect des horaires et la hiérarchie». Le lieu de ralliement pour le 3e arrondissement était la place de la République. «Nous avons démarré en groupes compacts le long du boulevard Hausseman. Brusquement sur l'avenue de l'Opéra et à hauteur du cinéma Rex, la police a commencé à embarquer sans ménagement les hommes. Nous étions près de 2000 personnes. Il fallait fuir parce que les coups pleuvaient de tous les côtés. Je me suis retrouvé dans un fourgon de police avec une quarantaine de personnes. À un policier qui demandait où il fallait se rendre, un autre répondit «la Seine, la Seine». J'avais compris que nous étions destinés à une mort par noyade». Le réflexe de survie survient tout seul. «Je lance en kabyle à ceux qui me poussaient reculez, reculez et je saute sur le policier. Aussitôt, je prends mes jambes à mon cou et je me faufile dans des ruelles pour éviter cette chasse à l'homme et l'encerclement de la ville par des centaines de policiers qui lançaient des chiens à nos trousses. J'étais blessé mais j'ai pu m'extraire de cet enfer.
Les gardes mobiles, les policiers étaient partout. Au lendemain de ces tragiques événements, les temps furent très durs pour l'organisation tant la surveillance policière s'est renforcée. «La levée du couvre-feu était pourtant un signe que nous n'étions plus loin du but», affirme notre témoin. De cette folle nuit, il garde sur son corps une trace indélébile. Il s'est blessé en sautant du fourgon et il claudique encore.
• Tidjani Ali : «Ils ont jeté des Algériens dans des égouts»
Il était alors chef de région à Lyon mais quelques jours auparavant ses responsables l'avaient prié de «monter» à Paris. Le responsable à qui il rendait compte était Krazgui Rabah. Il ne battra pas seulement le pavé mais sera parmi ceux qui allaient encadrer la marche. «Nous nous étions installés et on nous prit en charge, nous dit-il dans le bidonville de Nanterre où à l'époque vivaient de nombreux Algériens dans des conditions difficiles». Le 17 Octobre se rappelle t-il encore, il pleuvait à torrents. Comme tous les autres responsables de la manifestation, il avait reçu l'ordre de ramener des ouvriers vers l'Etoile, le lieu de ralliement général. Chacun devait se débrouiller, venir par train, par le RER. Il fallait surtout faire attention à ne pas former dès le départ des masses sinon, la police allait immanquablement soupçonner quelque chose. Ceux qui venaient de Nanterre se sont regroupés à la défense et ont aussitôt entamé la marche. Il y avait surtout des hommes parce que les femmes allaient protester plus nombreuses le lendemain. Tidjani n'a pas perdu son temps auparavant. «Il fallait préparer quelques banderoles, solliciter des patrons de cafés algériens pour accueillir des blessés, réquisitionné des pharmacies pour avoir des médicaments et des pansements mais on n'avait jamais soupçonné que la police de Papon allait faire preuve d'une telle brutalité et d'une telle sauvagerie dans la répression». De cette journée, il garde deux images. Celle d'abord d'une femme française qui arrivait avec son bébé dans une poussette.
«Tous les manifestants l'ont laissée passer, nous voulions montrer que nous étions des gens civilisés. On avait insisté pour que personne ne mette dans ses poches même pas un couteau». Aux premières heures, le cortège s'avançait et les cris «Vive le GPRA, Négociations, Pas de couvre- fe ,» fusaient. Mais en un clin d'œil tout a basculé. Des policiers montés sur des chevaux et des motos sont apparus. Les policiers surgissant de partout tapaient dans le tas et traînaient les gens vers les camions ou dans les coins pour les frapper sans aucune pitié. Les flaques de pluies se coloraient de sang vermeille et le lendemain, selon Tidjani, on a «ramassé des milliers de chaussures de ceux qui n'avaient rien à faire que de courir».
C'est plus tard que l'on a su que des dizaines des nôtres furent noyés dans les flots glacés et tumultueux de la Seine. Moi, je me suis retrouvé au stade de Vincennes où nous fumes triés et laissés sans couverture toute la nuit. Nous eûmes droit à toutes sortes d'humiliations et nous fumes battus à coups de poings et à coups de pieds. On a eu droit aux insultes, aux vexations. Il a été relâché le lendemain mais blessé à l'œil «mais j'ai vu, dit-il, des camarades menottés et balancés dans les égouts». C'est la seconde image douloureuse dont il n'arrive pas à se défaire depuis presque cinquante années après.


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