Les soldats français rebrousseront également chemin, car la nuit commençait à étendre son voile d'obscurité. Les habitants qui ont suivi le déroulement de notre bataille ont applaudi, devant la subite volte-face de l'aviation en fuite refusant le combat. La bataille de Sidi Mohand Aklouche, qui fut à notre avantage le plus complet, avait ainsi duré du petit matin jusqu'au soir. Un commando de l'A.L.N. composé d'une poignée de valeureux moudjahidine, commandés par un chef sage, courageux et hautement expérimenté, avaient réussi à tenir tête et à mettre en échec des milliers de soldats français, appuyés par des avions de chasse, dont deux devaient être détruits. Après cela, nous nous sommes dirigés vers un douar proche où des refuges avaient été préparés à notre intention. Nous y fûmes accueillis très chaleureusement par la population qui, de loin, avait pu suivre en direct toutes les péripéties de cette mémorable bataille. Une heure après, Si Moussa désignera trois moudjahidine en les chargeant d'aller récupérer le corps de Si «l'Istiklal» qui gisait au fond de l'oued. Ayant rencontré des civils en cours de route, ces derniers leur apprendront que les soldats français qui nous poursuivaient avaient découvert Si «l'Istiklal» agonisant à l'endroit où nous l'avions laissé. S'adressant à lui, un lieutenant français lui lança : «Alors, sale fellaga, on t'a bien eu !» Dans un ultime et surhumain effort, Si «l'Istiklal» aura le courage et la force de se redresser sur ses genoux pour cracher sur l'officier français, qui, fou de rage et d'humiliation, l'acheva en lui tirant trois balles à bout portant. Dès que les soldats français furent partis, les civils l'ont enterré. Si «l'Istiklal» aura ainsi été jusqu'au bout de son idéal. Heureux les Martyrs comme lui pour lesquels seule la mort au combat est une vraie vie... ! C'était un moudjahid simple et entier qui ne vivait que pour sa foi et son idéal d'accéder au Paradis et rien d'autre. La vie et la mort exemplaires de ce saint homme ont laissé en nous tous, qui l'avions connu, aimé et apprécié, des traces indélébiles. Ainsi, dans la grande bataille de Sidi Mohand Aklouche, qui eut lieu le vendredi, vingt-septième jour du mois de ramadan, coïncidant avec la Nuit du Destin (Leïlat el-qadr), nous avons pu avoir le dessus sur un nombre impressionnant de soldats français. A un certain moment, cernés de toutes parts, nous nous trouvions certes dans une situation alarmante, tout à fait désespérée et sans issue. Mais Dieu, qui entend et voit tout, a exaucé nos prières, et ne nous a pas abandonnés à la merci de l'ennemi français et de ses ignobles supplétifs. Ce sont là des miracles de l'intervention divine au secours de ceux qui combattent sincèrement pour le triomphe de leur cause et de leur parole. L'ennemi, qui, comme à son incorrigible habitude, pensait n'avoir affaire qu'à un petit groupe de moussebiline dénués d'armes automatiques, s'était finalement trouvé aux prises avec des moudjahidine équipés d'un armement moderne, qui avaient pu repousser deux puissantes offensives qu'il avait lancées contre eux, laissant sur le carreau plusieurs morts et blessés, sans compter, comble de toutes les pertes essuyées ce jour-là, la destruction de deux avions de chasse T6. (à suivre...)