Résumé de la 3e partie n Quand on ouvre la porte, le commissaire Pierangeli s'enfonce dans un trou noir, d'où montent des odeurs nauséabondes... Puis, tout d'un coup... sur un grabat pourri, la vision atroce : squelette vivant, avec des os qui semblent vouloir transpercer la peau, il est bien tel que l'a décrit le grutier Corrado Barone. Une sorte de cadavre vivant, aux yeux morts, enfoncés dans leurs orbites, cheveux et barbe hirsutes, collés de crasse. L'être tout d'abord, n'a pas une réaction. Nu, accroupi dans un coin, sa tête repose dans un trou creusé dans le mur. L'enquête révélera que ce trou a été fait au long des heures, au long des jours, des mois, des années par le grattement de ses ongles. Puis, dans la lueur du briquet, le commissaire Pierangeli voit ce fantôme se contracter, relever lentement les bras au-dessus de sa tête et les replier pour se protéger, comme s'il s'attendait à recevoir des coups. Le commissaire Pierangeli sort un instant du réduit pour reprendre une bouffée d'air : «Venez nous aider, dit-il aux deux hommes qui attendaient debout à côté des deux jeunes femmes. Nous allons le transporter dans la chambre.» Puis, il se tourne vers la petite blonde et l'opulente brune : «Préparez la chambre, et préparez-vous aussi à répondre à mes questions.» Avec une douceur inattendue chez des policiers, ils soulèvent le malheureux. Mais aussi doux que soient leurs gestes, de la bouche décharnée aux lèvres pâles et sèches s'échappent des gémissements, comme les plaintes d'un petit enfant. Le voici maintenant allongé sur le lit de la chambre, long et mince, sur l'édredon moelleux où il semble flotter, dessinant autour de lui un petit ourlet, comme fait une aiguille lorsqu'elle flotte sur un verre d'eau. A le voir dans la lumière du jour, il y aurait presque de quoi fuir d'épouvante, comme a fui le témoin Corrado Barone. Le commissaire Pierangeli se penche sur lui : «Vous m'entendez ?» La voix est blanche, incertaine. «Oui, je vous entends.» Plus tard, l'enquête établira qu'il fallait que l'homme entende et même qu'il entende bien : son réduit est infesté de rats qu'il devait entendre, faute de les voir, pour ne pas être mordu : «Vous souffrez ? demande le commissaire. — J'ai faim... J'ai faim.» Aux deux soeurs muettes et pâles qui se tiennent à la porte de la chambre, le commissaire demande des aliments. «Apportez du lait et du pain... Il doit bien y en avoir à la cuisine.» Quelques instants plus tard, le malheureux engloutit avidement la tranche de pain trempée dans du lait que l'un des policiers a portée à sa bouche. «Quel âge avez-vous ? — Je ne sais pas.» Le commissaire s'adresse alors aux deux sœurs. C'est la petite blonde qui répond. «Il a trente-huit ans. — C'est un parent à vous ? — C'est notre frère. — Bravo ! Et ça fait combien de temps qu'il vit enfermé là-dedans ?» Cette fois c'est le misérable lui-même qui répond : «Oh ! ça fait longtemps. Depuis toujours. Depuis que je suis devenu aveugle.» Devant le regard du commissaire, l'opulente brune explique : «Umberto a perdu la vue à la suite de la variole, lorsqu'il avait sept ans.» Les quatre hommes ont le même sursaut effaré. «Lorsqu'il avait sept ans ? Il serait là-dedans depuis trente et un ans ?» A suivre Pierre Bellemare