Rituel n Rien n'est plus symbolique dans l'art de vivre en famille, dans la Médina de Constantine, depuis bien longtemps déjà, que «Kahouat el-Asr», le café servi en milieu d'après-midi dans les foyers de l'antique Cirta. Ce rituel séculaire du café servi avec de petits gâteaux maison sur une snioua (plateau de cuivre ciselé), autour de laquelle se rassemblent les familles constantinoises après la prière d'el-Asr, est toujours ancré dans la cité du Rocher malgré l'évolution des mœurs et le changement de certaines habitudes de vie. Certains citadins, fiers de leurs coutumes, affirment que s'ils peuvent rater le déjeuner ou le dîner, il ne saurait être question pour eux de faire l'impasse sur ce fameux «café du Asr», une tradition adoptée à Constantine depuis plus d'un siècle. «Kahouat el Asr», appréciée par toute la famille, grands et petits, est surtout une occasion pour les mères de famille de s'offrir quelques instants de répit après une dure journée de labeur. Mohamed Salah, étudiant, évoque avec un plaisir mêlé de nostalgie la petite maison familiale où il résidait, enfant, du côté de Aïn Smara. «Le plus beau moment de la journée, c'était lorsque nous nous regroupions en famille au milieu de notre petite cour, à l'ombre d'une ‘'dalia'' (vigne) pour siroter un café, grignoter un petit gâteau et surtout nous retrouver», raconte Mohamed Salah. D'autres citadins de la ville des Ponts se trouvent, en raison de leurs obligations professionnelles, contraints d'apprécier assez tard leur café d'el-Asr «en solo», mais pas question de le rater. Il n'est pas exagéré d'affirmer, aujourd'hui, que ce style de vie purement citadin est devenu l'image de marque d'une grande partie de la société constantinoise qui continue d'obéir au rituel de «Kahouat el-Asr», car il s'agit bien d'un comportement social qui encourage la convivialité et les bons rapports entre les membres d'une même famille. Si «Kahouat el-Asr» est toujours de mise, vainquant sans rémission les «agressions» de la vie moderne et ses diversions, c'est parce que cela reste l'un des rares moments de la journée où tous les membres de la famille, grands-parents, parents, enfants, petits-enfants et cousins peuvent se retrouver pour faire un «break», débattre de sujets sérieux ou plaisanter et, surtout, savourer cet incommensurable plaisir que procure le fait de se sentir parmi les siens. R. L. / APS