«Une histoire algérienne», un film documentaire du journaliste de France 3 Ben Salama, a été projeté mardi en avant-première à l'Institut du monde arabe à Paris, avec l'objectif avoué de son auteur de porter un regard «apaisé» sur une histoire faite surtout d'atrocités coloniales. 52 minutes durant, le réalisateur s'arrête peu sur ces atrocités, évoquant plus les arrestations sans motif établi de «civils musulmans», soupçonnés par la force coloniale d'être de connivence avec le FLN et dont les principaux animateurs avaient opté pour les armes en réaction au «refus par la France d'intégrer la population autochtone», selon des témoins intervenant dans le film. La caméra de Ben Salama fait, en revanche, la part belle aux «camps de regroupement familiaux» où des milliers d'Algériens, des femmes et des enfants pour l'essentiel, étaient parqués loin de leur terre. Les conditions de séjour dans ces camps sont relatées par l'ancien Premier ministre français, Michel Rocard, qui, en sa qualité d'inspecteur financier affecté en Algérie en 1958, a réalisé une enquête sur ces camps. Il y décrit des espaces à ciel ouvert, «sans fils barbelés», mais où la mort frappait surtout les enfants. «J'ai vu un enfant mourir de faim dans un de ces camps. Son enterrement n'est intervenu que quatre jours plus tard», a-t-il témoigné, affirmant retenir en mémoire la réponse d'un officier à qui il demandait s'il n'était pas ému devant un tel drame humain : «C'est le quatrième enfant décédé que j'enregistre en l'espace de quatre jours. Plutôt changer de métier que d'exprimer de l'émotion», cet état d'esprit n'était pas le propre de tous les officiers français de ces camps, ajoute M. Rocard. Présentant les séquelles indélébiles de la guerre, le réalisateur brosse les portraits croisés de deux femmes ayant vécu l'horreur. Maïssa Bey, écrivaine algérienne et fille de chahid, et Fatima Besnaci-Lancou, écrivaine française et fille de harki (supplétif de l'armée française). Selon Yannis Chebbi, coproducteur du film, ce documentaire «ne cherche pas à rétablir une vérité historique», a-t-il dit lors de la présentation du film au public.