C?est le football qui a introduit dans les langues algériennes le mot grigri, que tout le monde croit africain. On se rappelle l'émotion des joueurs et des spectateurs algériens quand ils virent des Africains s'approcher des bois, murmurer des incantations ou faire des gestes. On n?hésita pas alors à crier à la magie : «Ils veulent ensorceler nos joueurs ! Ils cherchent à les paralyser pour les empêcher de marquer des buts !» Les personnes rationnelles rirent bien sûr et du comportement des «magiciens» et de la réaction des spectateurs? Le grigri, répétait-on alors, c?est du folklore, de la superstition. C'est vrai, puisqu?à plusieurs reprises et en dépit du grigri, les équipes algériennes ont remporté les compétitions. «Notre grigri est plus puissant que le leur», répondent les joueurs et les supporters. Le grigri, on l'aura compris, c'est la magie africaine, le s?hour de chez nous, incantations et rituels destinés à jeter un mauvais sort à l'adversaire, à annihiler sa volonté pour mieux le dominer. Ce sont aussi des objets magiques que l'on met sur son chemin. Il y a aussi des grigris protecteurs, pour éloigner le mauvais ?il... Le mot, entré dans le vocabulaire français, est également orthographié «gris-gris»,«amulette des peuplades noires d'Afrique. Par extension, toute sorte de fétiches», dit le dictionnaire. Le mot vient du français colonial et on le donne comme emprunté à quelque langue africaine. En fait, il est d'origine? berbère ! Il provient plus exactement d?un verbe du zénaga (dialecte berbère de Mauritanie) smagrey (murmurer en crachotant une prière, jeter un sort, faire un exorcisme). Le mot grigri est un raccourci de la formule smagrey-i (dis-moi des incantations). C'est le français qui a fait passer ce mot en Afrique noire... et il nous est revenu par les langues africaines. On conviendra que le cheminement des mots est des plus curieux !