L'église de cette petite commune de la banlieue parisienne est bondée. Au milieu du chœur, un cercueil ; rien qu'à la taille, on devinerait qu'il contient le corps d'un adolescent. On voit qu'il s'agit d'une fillette, car sur le coffre de bois vernis repose une robe blanche, jamais portée : la robe que la défunte aurait dû enfiler dans quelques jours pour la célébration de sa première communion. A chaque fois que le prêtre, dans son sermon, prononce le prénom de la morte, Augusta, toute l'assistance regarde la robe et le cercueil. Les parents, un couple d'ouvriers portugais, Amalia et Jacinto, les camarades de sa classe, les voisins, les amis portugais, tout le monde se pose la même question : comment est-il possible qu'une enfant de douze ans se soit suicidée ? Augusta, si vive, sérieuse, un peu tête en l'air, bavarde et distraite selon ses professeurs, insouciante, dirons-nous. Comment, pourquoi a-t-elle pu en arriver là ? Soudain, sur un banc, du brouhaha : Christian, un petit camarade d'Augusta, vaincu par l'émotion, vient de perdre connaissance. On s'affaire, on l'emmène au-dehors pour lui faire respirer un air plus frais. La cérémonie s'achève dans les chants mélancoliques des petites filles qui se demandent pourquoi Augusta est morte... Quelques jours plus tôt, Amalia, la mère, rentre de son travail. Son mari, Jacinto, est encore à l'usine et elle sait que, normalement, elle va, comme chaque jour de la semaine sauf le mercredi, trouver Augusta qui vient d'arriver de l'école. Mais, ce jour-là Augusta n'est pas là. Les minutes passent. Amalia est tout d'abord un peu déçue, puis un peu énervée ; elle se répète déjà ce qu'elle va dire à Augusta lorsque celle-ci va finir par arriver. Les minutes passent. Augusta ne revient pas. Alors Amalia, inquiète, se décide à téléphoner à plusieurs familles, chez des «petits copains» de sa fille. L'a-t-on vue ? Est-elle chez l'un ou l'autre, s'est-elle attardée pour jouer ? Est-il arrivé quelque chose ? Non, personne ne peut lui fournir de renseignements. La seule chose qu'on signale c'est qu'Augusta, comme toute sa classe, a, ce jour-là, quitté l'école un peu plus tôt, car un des professeurs étant souffrant, il n'a pas pu assurer le dernier cours prévu dans l'après-midi. De plus en plus inquiète Amalia se précipite à l'usine où son mari travaille et l'attend à la sortie pour lui faire part du retard inexplicable de leur fille. Ils ne parlent pas encore de disparition, mais ils s'angoissent davantage à chaque minute. Augusta sait que son père ne plaisante pas avec la discipline et il faut qu'elle ait une bonne raison pour s'attarder loin de la maison. Elle doit bien savoir qu'à son retour la colère paternelle lui fera passer un bien mauvais moment... Quand Amalia et Jacinto rentrent chez eux, ils espèrent un peu y trouver leur gamine, mais leur espoir est déçu. Bientôt la nuit va tomber et l'enfant manque toujours à l'appel. En tant que président de l'Association des Portugais de la commune, Jacinto a vite fait de prévenir toute la communauté et de demander l'aide de ses compatriotes. Bientôt tous les Portugais valides, dont beaucoup sont aussi parents de jeunes enfants, apportent leur concours affectueux pour une recherche dans la nuit. On se munit de «mégaphones» pour appeler l'absente, de lampes puissantes pour fouiller les buissons. On sait maintenant qu'Augusta, une fois sortie de l'école, s'est rendue chez deux de ses copains, Ahmed et Christian, et qu'après y avoir passé quelques minutes, elle est repartie, en leur compagnie, pour cueillir des cerises dans un lotissement, ancien jardin abandonné où des cerisiers sans propriétaires offrent aux passants leurs sanglants «pendants d'oreille», comme dit la chanson. (A suivre...)