H'mimed est aux anges. Son fils rentre enfin au pays. Il a terminé ses études et il est maintenant médecin cardiologue. Le logement du bas qu'il lui avait toujours réservé, va enfin servir. H'mimed a décidé de faire les choses en grand et il va commencer par les plaques, pour que tout le monde sache que la roue a tourné et que les autres cardiologues n'ont qu'à bien se tenir. H'mimed a commandé une dizaine de grandes plaques montées sur poteaux, comme celles de la signalisation routière, mais en bien plus grand. Il a fait appel à un «artiste peintre» réputé pour les meilleures enseignes. Sur toutes les plaques, il a fait dessiner de gros cœurs rouges, dégoulinant de sang et il a fait reproduire tous les titres de son fils, les facultés où il a étudié et tout l'équipement spécialisé dont il va se servir. Tous ces panneaux seront plantés ou accrochés aux endroits stratégiques de la ville. Un fonctionnaire de l'APC a bien essayé d'empêcher les ouvriers de casser les trottoirs pour installer ces panneaux indicateurs sans autorisation, mais H'mimed l'a envoyé balader, les poings sur les hanches, le regardant dans le blanc des yeux et lui demandant si tous les autres médecins, avocats, notaires, huissiers, bureaux d'études et jusqu'aux taxiphones, dont les plaques se comptent par centaines à tous les carrefours de la ville, ont bien des autorisations. Le fonctionnaire rentre la tête dans les épaules et file dare-dare chez lui, jurant qu'on ne l'y reprendrait plus à être plus présidentiel que le président d'APC qui était très content que l'on veuille bien ornementer sa ville de jolis panneaux de toutes les couleurs. H'mimed n'en resta pas là. Il fit appel à «l'artiste peintre» et lui confia la gigantesque tâche de dessiner sur toute la façade de la résidence familiale, au-dessus du cabinet médical, un immense panneau, plus grand que celui de tous les médecins, «encore plus grand et plus beau que celui de l'Onaco», insista H'mimed. Des représentants du Conseil de l'Ordre des médecins essayèrent de lui expliquer que la taille des plaques était normalisée, de même que leur contenu, qu'un médecin n'est pas un supermarché et que ces méthodes déloyales et mesquines rabaisseraient son fils et toute la médecine, mais H'mimed leur rit au nez et comme au fonctionnaire de l'APC, il leur dit qu'il ne voyait aucun inconvénient à se contenter d'une minuscule plaque, quand tous les autres médecins en feraient de même. Les représentants du Conseil de l'Ordre rentrèrent la tête dans les épaules et rentrèrent dare-dare chez eux. Lorsque le fils de H'mimed rentra au pays, il fut très content de toutes ce belles plaques.
