Jugement ■ Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a jugé ce jeudi qu'il n'était «pas réaliste» d'envisager que la Turquie mène seule une intervention militaire terrestre contre les djihadistes du groupe Etat islamique (EI). Le ministre Turc a fait cette déclaration à la presse à l'issue d'un entretien à Ankara avec le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg. Des incidents violents ont opposé dans la nuit d'hier dans de nombreuses villes de Turquie la police turque et des manifestants kurdes qui dénoncent le refus du gouvernement d'Ankara d'intervenir en Syrie. Malgré le couvre-feu militaire imposé dans six provinces du sud-est turc à majorité kurde, des centaines de manifestants sont à nouveau descendus dans les rues de Diyarbakir, Batman, Van ou Siirt, où ils ont lancé pierres et projectiles sur les forces de sécurité qui ont riposté avec des canons à eau et des gaz lacrymogènes. Des incidents similaires se sont déroulés dans d'autres grandes villes du pays comme Istanbul, Ankara ou Mersin, ont rapporté les médias turcs. Le couvre-feu imposé par les autorités dans une partie du sud-est du pays, au lendemain de violentes émeutes prokurdes a été levé ce matin dans les grandes villes du sud-est mais devait être réinstauré en soirée. Sans précédent depuis plusieurs années, ces émeutes kurdes ont débuté dès lundi soir, après un appel lancé par le principal parti kurde du pays à manifester contre le refus du gouvernement de venir en aide militairement à la ville frontalière kurde de Syrie, Kobané, assiégée par les djihadistes du groupe Etat islamique. Les incidents ont été particulièrement violents avant-hier et ont souvent dégénéré en affrontements entre militants proches des rebelles kurdes turcs du Parti des travailleurs du Kurdistan (NKK) et des partisans de mouvements islamistes ou islamistes. Selon le dernier bilan cité ce jeudi par les médias turcs, ces affrontements ont fait au moins 22 morts, de très nombreux blessés et d'importants dégâts matériels. L'essentiel des affrontements s'est concentré à Diyarbakir, considérée comme la «capitale» du sud-est kurde, où dix personnes ont été tuées. «La plupart des victimes (recensées à Diyarbakir) sont mortes par balles» a précisé le ministre de l'Agriculture Mehdi Eker. Outre Diyarbakir, des morts ont ainsi été recensés à Mus, Siirt, Mardin, Batman et Van (sud-est), où de nombreux bâtiments publics, véhicules et commerces ont été détruits ou endommagés lors des émeutes de la nuit. Hier, des soldats et des blindés y ont pris position aux principaux carrefours ou patrouillé dans les rues, dans une ambiance souvent tendue. Le Premier ministre islamo-conservateur, Ahmet Davutoglu, a dénoncé les «vandales» à l'origine de cette vague de protestation, qui menace de faire dérailler le fragile processus de paix engagé entre le PKK et Ankara. Le chef du gouvernement turc, qui avait promis de faire «tout ce qui est nécessaire» pour éviter la chute de Kobané (Aïn al-Arab en langue arabe), s'est également défendu d'avoir abandonné à leur sort les combattants kurdes qui la défendent. «La Turquie est le pays qui a fait le plus de sacrifices sur le plan humanitaire», a-t-il dit, en rappelant que son pays avait accueilli depuis trois semaines plus de 200 000 Kurdes de Syrie, portant à près de deux millions le nombre de réfugiés présents sur son sol.