Les dérives du ministre français de l'Intérieur font gloser. Stratégie concertée ? Elus et proches y voient plutôt les conséquences de tensions familiales et gouvernementales. Sarkozy a-t-il pété les plombs ? C'est la question que d?aucuns se posent en France. Déclarations à l'emporte-pièce, surexcitation permanente, insolences à l'égard de Jacques Chirac et confidences mal maîtrisées : depuis quelques semaines, il alimente, par son comportement agressif et désordonné, les doutes sur sa capacité à gérer sereinement ses fonctions gouvernementales et son statut de candidat putatif de la droite à la présidentielle. «Il est fort, mais il fout les jetons», résume un dirigeant de l?UMP. La semaine dernière, le numéro 2 du gouvernement français a multiplié les sorties de route verbales. Au sujet du drame de l'enfant algérien tué par balle à La Courneuve, à Paris, il se transforme en Rambo et promet de «nettoyer au Karcher la Cité des 4 000». Trois jours plus tard, il demande que le juge, qui a remis en liberté un des meurtriers présumés de Nelly Crémel, «paye». «Il a trop fréquenté la Corse», commente, gêné, un député UMP. Le patron de l'UMP revendique depuis toujours son parler vrai contre les «droits-de-l'hommiste» et «bonnes consciences» de tout poil qui cherchent, selon lui, à donner des leçons sans résoudre les problèmes de leurs concitoyens. «Moi, je dis la vérité aux Français» ; «Je parle comme le peuple», martèle-t-il. Sûr d'être en phase avec une opinion qui le place très haut dans les sondages, il flirte depuis longtemps avec le populisme, n'hésitant pas à parler de «monstre» et de «barbarie» dès qu'un fait divers sordide est sous les feux de l'actualité. Mais les excès de langage de ces derniers jours sont particuliers. Nicolas Sarkozy est clairement dans la surenchère. On le dit Premier ministre bis, homme le plus puissant de la droite, mais c'est Dominique de Villepin qui est aux manettes sur le dossier chaud de l'emploi. Et ça l'énerve. Tout ministre d'Etat qu'il est, il est redevenu ministre de l'Intérieur. Or, il estime lui-même avoir déjà fait tout ce qu'il avait à faire lors de ses deux ans place Beauvau. Sa logorrhée provocante masque une réelle difficulté à trouver des marges de man?uvre et des idées nouvelles. Mais ce n'est pas tout. Le ministre est «fébrile» depuis quelques semaines. «Il n'est pas bien» depuis sa brouille avec son épouse Cécilia, note un de ses collègues du gouvernement : «C'est un homme de clan qui ne fait confiance qu'à une poignée de personnes, la fissure au sein de son couple est terrible pour lui.» Il y a dix jours, lors d'une rencontre informelle avec la presse à l'occasion d'un raout UMP, Sarkozy, faussement décontracté, aborde lui-même le sujet en ironisant sur les maîtresses qu'on lui prête. Son entourage jure qu'«il n'est pas nerveux du tout». Tellement pas qu'à peine arrivé place Beauveau, il a limogé le sous-préfet Gérard Dubois, conseiller au cabinet du préfet de police de Paris et chef du service de presse depuis douze ans, au motif qu'il aurait «alimenté et colporté des rumeurs sur Nicolas et Cécilia dans le Tout-Paris et jusqu'à l'Elysée».