«La dictature c?est : «Ferme ta gueule !» Et la démocratie c?est : «Cause toujours !» (Woody Allen) - Du temps du parti unique, les parrains du régime, décideurs et autres grands commis de ce pays, se servaient abondamment et s?essayaient à toutes sortes d?expériences saugrenues et mortifères sur un peuple qui n?avait pas d?autre droit au chapitre que de mettre des enveloppes dans des urnes et applaudir à tout rompre des discours fleuves qui encensaient ces lions d?Algériens et qui s?étalaient sur le génie et l?héroïsme du peuple. Ceux qui osaient émettre la moindre petite remarque, voire le plus petit doute, apprenaient vite ce qu?il en coûtait de respirer librement. Les Algériens montrèrent pourtant qu?ils avaient vraiment du génie et pratiquaient une forme d?humour et d?autodérision qui valaient bien, par leur impact sur les mentalités, une sorte de révolution passive. C?étaient des blagues politiques d?une causticité redoutable qui venaient compenser les carences de liberté d?expression et même de pensée. Aujourd?hui, les partis politiques pullulent, le parti unique s?est bizarrement refait une virginité, au point qu?il est redevenu la première force politique et qu?il s?essaie même à faire de «l?opposition», les journaux foisonnent, la caricature tourne tous les maîtres de l?heure en dérision, des révélations fracassantes sur leurs frasques et leurs abus sont quotidiennement étalées à la une des journaux, des barricades, des manifestations, des marches pacifiques ont lieu tous les jours que Dieu fait. Mais, comble du mépris, ceux qui dirigent ce pays n?accordent pas la plus petite attention à tout ce bruit de casseroles qui retentissent de partout et qui, en fin de compte, ne font que cautionner sans risque, l?image trompeuse d?Etat de droit qu?ils veulent donner de ce pays. Ce qui rappelle cette histoire de chiens tunisiens qui se sont introduits frauduleusement dans notre pays. Etonnés, leurs congénères algériens leur demandèrent pourquoi ils s?étaient enfuis d?un pays tranquille, plein de bons touristes européens et de délicieux nonoss, pour venir se fourrer dans un bled de tous les périls, où la race humaine leur dispute les os et la maigre pitance des poubelles. «C?est juste parce qu?il n?est pas interdit d?aboyer chez vous et que nous avons besoin de nous défouler un peu, car chez nous, il est strictement interdit d?émettre le moindre grognement !», répondirent les chiens clandestins. Et pendant que tous les représentants de la race canine se livraient à gorge déployée à un remarquable concert d?aboiements, la caravane passa sans s?en s?inquiéter.