Ingéniosité n Les adeptes du système D ne laissent pas passer l'aubaine que constitue l'introduction, ces dernières années, de nouvelles formules d'accès au logement et au véhicule. Au fil des discussions avec des citoyens rencontrés au hasard, les astuces auxquelles ont recours les Algériens pour se tirer d'une mauvaise passe s'avèrent d'une ingéniosité à faire passer Mac Gyver pour un amateur. Accéder à un logement, avoir un véhicule ou monter une affaire rentable sans trop de privations, cela est possible pour peu qu'on exploite toutes les ficelles existantes. Un cadre moyen, père de famille, reconnaît : « Avec mon salaire qui suffit à peine à couvrir les besoins de mes trois enfants, je n'aurais jamais prétendu à posséder un logement spacieux. Jusqu'au jour où j'ai eu vent de la formule de location-vente (AADL). Au début, je me suis dit que je n'arriverais pas à faire vivre ma famille décemment tout en remboursant les mensualités arrivées à échéance. J'allais donc renoncer. Mais quand j'ai décortiqué les modalités d'attribution et de remboursement, une idée géniale m'est venue et un plan s'est mis à germer dans ma tête : louer le logement une fois les clés en main.» L'appartement lui a été livré en 2004 dans la banlieue Est de la capitale et, aujourd'hui encore, il habite dans son vieux et exigu deux-pièces. C'est que le bon monsieur a mis son plan à exécution. Il a loué le toit de ses rêves immédiatement après l'avoir obtenu pour, excusez du peu, vingt-cinq mille dinars. Bien entendu, le locataire est une connaissance et la transaction s'est faite, pour ainsi dire, sans aucune trace écrite. La coquette somme permet à l'ingénieux père de famille de régler rubis sur l'ongle toutes les mensualités arrivées à échéance et les charges d'entretien (environ 8 000 DA) et faites vos comptes pour déduire le dividende qu'il engrange chaque mois que Dieu fait. Au bout de quelques années, il se retrouvera avec un appartement bien à lui et un compte bancaire bien garni. Déjà, une autre idée, qu'il refuse toutefois de dévoiler, commence à germer dans sa tête. Mohamed, lui, est agent de sécurité. Il travaille la nuit dans une société privée et sa maigre rémunération ne lui permet pas de rapprocher l'échéance de son mariage. A trente-cinq ans, plus de temps à perdre. Au grand bonheur de l'heureuse élue, et au hasard d'une discussion après une longue nuit de veille, un collègue a suggéré à Mohamed de se procurer un véhicule qui lui fera rentabiliser les longues journées qu'il passe à faire du lèche-vitrines dans les rues d'Alger. Le conseiller ne s'arrête pas là puisqu'il propose un plan tout échafaudé : avoir recours au crédit-véhicule et rembourser le prêt avec le fruit de la nouvelle activité, le taxi clandestin appelé communément «la fraude» par les Algérois. Ce qui fut fait. Le courageux veilleur de nuit se retrouve au volant, non pas d'un tacot, mais d'une belle petite «asiatique» flambant neuf et fait la navette à longueur de journée entre Bab El-Oued et la place du 1er-mai. Au moment où il fait cette belle confession, il est toujours agent de sécurité dans la même société mais avec une situation beaucoup plus enviable : une voiture à lui – puisqu'il a remboursé la totalité du prêt – et un revenu suffisamment respectable pour satisfaire les caprices de …son premier enfant.