Résumé de la 2e partie n Jean Forsith apprend que l'intervention de son frère dans une conférence des Amis de Haggard est annulée car ce dernier est malade... Le public applaudit poliment et Jean se leva, s'apprêtant à repartir. Presque aussitôt, elle se ravisa. Vu qu'elle s'était donné le mal de venir jusqu'ici, autant se renseigner sur la nature de ce groupe et, si possible, sur le rôle qu'y tenait Eugène. Mince comme son épouse, Grist avait le visage creusé de rides et il perdait ses cheveux. Il se dirigea vers le micro d'un pas décidé. — Merci Antonia, dit-il d'une voix étrangement grave. Je ne prétends pas, me substituer à M. Forsyth, que nous espérons compter parmi nous lors d'une prochaine réunion, mais je vais tenter de faire de mon mieux. Que tous ceux d'entre vous qui ont déjà entendu ce qui va suivre veuillent bien m'excuser. Il s'interrompit pour boire un verre d'eau, et continua : — Celle-à-qui-il-faut-obéir est la plus marquante des créations littéraires de H. Rider Haggard. Il s'agit d'une femme à la fois belle, sensuelle, déterminée et égoïste, cruelle envers ses ennemis, mais tendre avec ses amants. Depuis qu'elle est apparue pour la première fois dans le roman Elle, publié en 1886, les lecteurs n'ont cessé de la trouver aussi fascinante que dangereuse. J'ai découvert, quant à moi, les écrits de Haggard en tombant sur une édition tout écornée des Mines du roi Salomon dans la bibliothèque de mon lycée. — Jean n'en croyait pas ses oreilles. Il s'agissait d'une société littéraire consacrée à un auteur anglais du siècle dernier ! Et son frère, qui n'avait jamais pu terminer un livre de sa vie, avait été désigné pour parler, en public ! Elle commençait à penser qu'il y avait erreur sur la personne en dépit de la photographie à l'entrée. Pendant trente-cinq minutes, Martin Grist débita son exposé d'une voix monotone, passant en revue de manière très superficielle la vie et les œuvres de H. Rider Haggard. Jean, qui avait lu un ou deux de ses romans lorsqu'elle était adolescente, en gardait un souvenir bien plus palpitant que la conférence de Grist qu'il conclut en rappelant l'image la plus saisissante du roman : — C'est le feu, déclara-t-il à son public. La flamme de la Vie, censée conférer l'immortalité mais n'entraînant en fait qu'un lent et terrible déclin. Le public applaudit sans enthousiasme à la fin de sa présentation, et Grist demanda s'il y avait des questions. Un homme s'enquit du prix que pouvait valoir un exemplaire de la première édition de Elle. Il y a une erreur d'impression dans le premier tirage de l'édition originale, expliqua Grist. On trouve, à la page 269, «bonté» au lieu de «beauté». Cette version est estimée à environ six cents dollars. La version corrigée n'en vaut que la moitié. Une femme voulut en savoir plus sur les années que Haggard, encore jeune homme, avait passées en Afrique, et sur les liaisons qu'il aurait eues avec des femmes indigènes. Grist parut légèrement pris de court. (à suivre...)