Dans un de ses livres, le prolifique et polyvalent auteur et artiste Jean Cocteau assume une appropriation : «Puisque ces mystères me dépassent, feignons d'en être l'organisateur.» Rien n'interdisant de passer sans transition de Jean Cocteau à Saadani du FLN (les deux sont artistes), le second aussi se singularise, au gré des conjonctures et rapports de force politiques, par des déclarations d'oracle abreuvé aux meilleures sources de ce qui se dit et se prépare. Il n'est pas sûr que ce fut une prédiction validée, mais citons ces propos, qu'il a tenus le 29 mars dernier : «Laksaci est l'une des catastrophes de l'économie nationale. Il est responsable, de la dévaluation de la monnaie algérienne, il est en partie responsable de la situation économique dans le pays.» Rien que ça. Même les institutions monétaires et financières internationales issues de Bretton Woods ne s'étaient jamais autorisées à porter un tel jugement, cassant et sans la moindre nuance, sur l'ancien gouverneur de la Banque d'Algérie. Et ce n'est pas tout, car la suite est à l'avenant. Encore obnubilé par un célèbre général connu pour son goût du cigare, le secrétaire général du FLN, dans sa volée incontrôlée, ajoutait dans son prêche urbi et orbi : «La Banque d'Algérie n'a jamais été gérée par Laksaci, mais par un général à la retraite.» Apparemment, les choses ne vont pas mieux pour la Banque centrale d'Algérie depuis qu'il a été mis fin, le 31 mai dernier, aux fonctions de M. Laksaci et, du même coup, à celles exercées dans l'ombre par le mystérieux maréchal de corps d'armée (ou quelque chose comme ça) qui lui dictait les mesures à prendre, selon M. Saadani. La preuve : le successeur de l'ancien gouverneur n'a pas fait mieux. En effet, un mois ne s'est pas écoulé depuis son installation à la tête du navire amiral du secteur bancaire algérien que le nouveau gouverneur, M. Loukal, laissait filer sans broncher le dinar. Hier, le dinar algérien poursuivait - et poursuivra- sa dégringolade : 110, 74 dinars pour un dollar et 122, 29 pour un euro ! Moralité : si des poches de bon sens existent encore dans ce pays, le «limogeage» de M. Laksaci, le 31 mai dernier, ne peut et ne doit pas être imputé à la philippique, d'une rare violence, de M. Saadani contre lui. Maintenant, il reste à savoir, surtout pour ceux qui ne le savent pas encore, pourquoi que le secrétaire général du parti majoritaire -à l'Assemblée nationale- et quelques dizaines de ses affidés du groupe parlementaire du même nom ont fait tout un forcing pour maintenir le dinar dans une fausse parité qui le surévalue par rapport aux devises étrangères. Prière à ceux qui ont compris d'expliquer à ceux qui n'ont pas compris. Parce que là, et vu l'amphibologie qui caractérise à dessein déclarations, confidences, propos présentés comme de première main…là, si les balivernes et les intentions propagandistes continuent à se parer de vertu politique, il y aurait lieu de sérieusement s'inquiéter si les nominations et les dégommages en découlaient à leur tour. A. S.