Photo : Riad Par Samir Azzoug La gouvernance moderne tend à s'appuyer de plus en plus sur le modèle de la démocratie participative. Celle-ci requiert une certaine maturité de la part de la société civile qui doit jouer un rôle de lien entre les institutions d'Etat et les citoyens. Ces derniers ont un cadre réglementaire qui leur permet de s'organiser en associations de divers caractères pour arriver à juguler la somme des volontés populaires. Qu'elle soit à thématique sociale, culturelle, sportive ou autre, une association devient un porte-voix pour ses membres et ses sympathisants. En Algérie, plus de 80 000 associations nationales et locales agréées sont régies par la loi n°90-31 du 4 décembre 1990. D'après le ministère de l'Intérieur (document figurant sur son site Internet), le nombre d'associations nationales agréées est d'à peine 962. Ce qui reste dérisoire si l'on compare avec les chiffres des sociétés dites évoluées. Au vu des difficultés que rencontre le simple citoyen à faire aboutir ses doléances, l'importance qu'ont pris certains fléaux sociaux tels que la toxicomanie, la haraga, la violence dans les stades la crise du logement, l'absence d'espaces d'échange et de partage… même le nombre de 80 000 associations est très bas. En France, par exemple, 63 000 associations, tous domaines confondus, naissent chaque année. D'ailleurs, les associations internationales sont devenues incontournables dans la conscientisation des citoyens sur les dangers de certains produits, le déséquilibre des écosystèmes, le tabagisme… Il est aberrant que, pour n'importe quelle revendication, la population recoure à des mouvements de violence comme cela s'est passé récemment à Diar Echems (Alger) et ailleurs. Si le collectif des habitants était organisé en associations ou en comités de quartier réellement actifs, représentatifs et crédibles, la population n'aurait pas eu recours systématiquement à la violence en coupant les routes, en brûlant des pneus et en criant sa haine pour se faire entendre. En Algérie, rares sont les associations qui arrivent à sortir de l'anonymat. Il faut dire que la majorité écrasante de ces organisations n'ont aucune influence sur le cours des choses. Beaucoup d'entre elles ont simplement été créées dans l'espoir de se voir attribuer le label «d'utilité publique» et, ce faisant, s'assurer un financement offert «gracieusement» par le Trésor de même nature (public). L'absence d'un organisme chargé d'évaluer le travail des associations est flagrante. Les dispositions pénales prévues dans la loi 90-31 sont bien maigres. Les articles 45, 46 et 47 ne visent que la création d'une association non agréée, l'utilisation des biens de l'association à des fins personnelles ou le refus de fournir régulièrement les renseignements relatifs à l'effectif, à l'origine des fonds et à la situation financière. Donc, pas d'obligation de résultats. Forcément, les associations deviennent des fourre-tout, où se côtoient bonnes intentions, volontariat, cupidité, allégeance et convoitise.L'année dernière, le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Noureddine Yazid Zerhouni, avait fustigé le mouvement associatif en annonçant que 95% de ces entités n'avaient pas présenté leurs rapports financiers et moraux et qu'une grande partie a été détournée de sa vocation. Triste constat, qui restera cependant sans suite. De l'efficacité du travail des associations en Algérie, on peut aisément dire que la plus-value apportée à la société reste très minime. En dehors de leurs participations aux salons, séminaires et commémorations de dates historiques, ces entités restent très timides sur le terrain. Même si, faut-il l'avouer, certaines arrivent tant bien que mal à faire bonne figure. La première cause mise à l'index par certains membres est le manque de moyens financiers. Les autres pointent un doigt accusateur vers les citoyens qui ont perdu tout sens de mobilisation. Des arguments, certes, plausibles mais qui n'excusent en rien le manque d'entrain, de réflexion et de don de soi. Adhérer à une association, ou en créer n'est pas obligatoire. La démarche est censée résulter d'une prise de conscience qui pousse l'intéressé à vouloir apporter sa touche en offrant de son temps, de son argent et de son savoir-faire afin de contribuer à «rendre service» à une frange de la société précisément définie. Cela exige donc un effort continuel que l'adhérent a choisi de fournir. En principe, la vraie satisfaction que peut tirer une association n'est pas financière, mais la joie de simplifier la vie à autrui. Malheureusement, les détournements de biens mobiliers et immobiliers, l'utilisation des cachets officiels à des fins obscures et/ou personnelles et autres perversions par des membres d'associations défrayent régulièrement la chronique. Il n'est pas rare, en effet, d'entendre ici et là, un président d'association poursuivi pour des délits plus ou moins graves. Quant à l'utilisation de ces entités à des fins politiques (plutôt politiciennes), elles sont légion, alors que, dans l'article 11 de la loi précédemment citée, il est stipulé que «les associations sont distinctes, par leur objet, leur dénomination et leur fonctionnement, de toute association à caractère politique et ne peuvent entretenir avec elle aucune relation qu'elle soit organique ou structurelle, ni recevoir des subventions, dons ou legs sous quelque forme que ce soit de leur part, ni participer à leur financement». Ces pratiques ont pour effet la décrédibilisations de toute organisation sociale. Il faut noter également que l'année dernière, les Directions de la réglementation des affaires générales avaient opéré un travail de fond dont les résultats furent la poursuite judiciaire de plus de 6 000 associations, soit entre 100 et 300 dans chaque wilaya importante. Pour cerner les besoins de la société, ses centres d'intérêts et son état de conscience, il suffit (normalement) de faire l'inventaire des associations créées. La typologie des associations nationales agréées, qui, rappelons-le, sont au nombre de 962, indique que ce sont celles activant dans les domaines de la «culture, art, éducation, formation» (114), «professionnelles» (192) et de «la santé» (131) qui sont les plus représentées. Celles-ci sont talonnées par «sport et éducation physique» avec 91 associations, «jeunesse» (46), «sciences et technologie» (40) et «environnement et cadre de vie» (32). Les associations nationales agréées dédiées à la «solidarité, secours et bienfaisances» sont au nombre de 25 soit autant que celles consacrées à l'«amitié, échanges et coopération». Concernant l'encadrement des catégories de citoyens dites «fragiles», la répartition se fait comme suit : «enfance et adolescence» (12), «femmes» (23), «handicapés et inadaptés» (17) et «retraités et personnes âgées» (8). Notons, également, l'existence de 29 associations dédiées aux «anciens élèves et étudiants», 34 aux «mutualités», 26 au «tourisme et loisirs», 7 aux «droits de l'Homme», 9 à la «famille révolutionnaire» (19) au «patrimoine historique» et 10 à la «religion» en plus des 18 associations étrangères et 54 à caractères divers.