Si l'analphabétisme expliquait aisément le recours aux charlatans pour endiguer des souffrances, éclairer les perspectives sombres, guérir des maladies, il est difficile cependant d'admettre que des intellectuels puissent faire appel à des voyantes et à des guérisseurs en herbe. Pourtant, des professeurs d'université, des hommes d'affaires, des gestionnaires de grandes entreprises et des hommes politiques n'hésitent pas à solliciter des services de charlatans convaincants. Ce phénomène, qui prend de l'ampleur à l'ère de la société de l'information et du développement extraordinaire des sciences, est manifeste dans toutes les sociétés, y compris les plus avancées. Parallèlement au progrès scientifique, à la socialisation des connaissances devant favoriser l'esprit rationnel, on assiste à une régression de pans entiers de la société qui cherchent leur salut dans des voies métaphysiques et irrationnelles. Le recours au charlatanisme comme solution aux problèmes sociaux, de santé, et psychologiques, est semblable dans ses motivations et sa finalité au recours à la drogue pour fuir la réalité insupportable et s'évader dans un monde «onirique rassurant». En d'autres termes, la science et la médecine ne font plus recette chez ces catégories socioprofessionnelles de plus en plus importantes, qui préfèrent le mensonge et l'illusion donnant plus d'espoir que les discours rationnels de spécialistes qui ne tournent pas autour du pot. La voyance, la cartomancie, la médecine miraculeuse attirent de plus en plus d'adeptes des deux sexes et de niveaux sociaux et intellectuels divers. Dans son édition en line du 18 mai dernier, le Quotidien d'Oran nous apprend que «des pouvoirs publics ont financé une clinique de roquia et de soins coraniques». Si cette information qui n'est pas démentie publiquement se confirme, ce serait un signe révélateur du degré de régression et de déliquescence de l'esprit scientifique et rationnel devant guider les institutions publiques. On peut aisément comprendre que la détresse annihile tous jugement et tout comportement rationnels, ce qui pousse des individus à chercher désespérément des solutions miraculeuses à des problèmes réels, notamment de santé. On peut comprendre aussi que la cupidité et le gain facile pousse des escrocs et des charlatans à exploiter la détresse des gens pour s'enrichir, d'autant plus que le marché des miracles est juteux. Mais rien ne justifie que l'argent public soit investi dans le marché de l'illusion et du mensonge et que les pouvoirs publics puissent se taire et laissent faire. Certes l'autosuggestion a des effets positifs sur la volonté des individus pour faire face à des problèmes de santé. Pour cela, des psychologues existent, qui font mieux leur travail que les charlatans promettant santé et bonheur. Souvent, ce sont les complications qui aggravent la détresse des gens.Sous le couvert de l'invocation de textes coraniques, la roquia est devenu synonyme de solution aux problèmes de santé physique et mentale, dans plusieurs régions du pays, d'autant plus que les praticiens de la roquia recommandent souvent aux malades qui les consultent de suspendre le traitement prescrit par des médecins spécialistes. Quand on connaît le coût de la santé publique, faut-il permettre aux charlatans de compliquer une situation déjà complexe ? A. G.