En ces temps de nouvelles réformes, les experts se mettent de la partie. Ils ont besoin de reconnaissance et leur avis doit être connu de tous. Les critiques fusent de toutes parts concernant le fonctionnement du régime. Les analyses se multiplient et vont toutes dans le même sens : «rien ne fonctionne en Algérie». Les solutions se déclinent sous forme de cours de sciences-po et de manuels de management ou de micro-économie. Les généralités sont là ! Nos experts restent des généralistes qui savent. Nos savants connaissent par cœur leurs manuels.C'est désespérant, car tous nos experts étaient des fonctionnaires de la République. Et si «rien ne fonctionne en Algérie», c'est peut-être un peu de leur faute aussi. A moins que leurs expertises, ils ne la doivent qu'aux erreurs commises lorsqu'ils étaient conseillers de ministres, directeurs centraux ou enseignants de ceux qui nous dirigent.Nos experts ont cette tendance à tout voir noir lorsqu'ils n'ont pas de contrats avec les pouvoirs publics. Ils aiment tenir des discours d'un radicalisme qui ne sied guère avec leurs titres. La pondération est rarement de mise, sauf quand un «grand» de ce régime les sollicite.Les plus critiques d'entre eux deviennent les plus optimistes dès qu'ils rejoignent une institution. Si un expert veut être membre du Conseil économique et social, il lui suffit de le critiquer un certain temps pour espérer attirer l'attention. Si un autre veut qu'on le consulte pour les programmes juteux de mise à niveau, il lui suffira d'expliquer quelque temps l'obsolescence de la démarche ministérielle.Après le «tous pourris» pour les politiques, nous nous dirigeons vers le «tous hypocrites» pour nos experts.Cette situation a une cause, et une seule : la nature du régime algérien depuis l'indépendance à nos jours. La dépense publique étant le seul moyen d'enrichissement, les décideurs politiques se voient octroyés un pouvoir politique et économique. Cette évolution du régime n'a pas permis l'émergence d'un secteur privé capable de couvrir la demande et d'alimenter l'offre. L'envergure réduite de la quasi-totalité des entreprises privées fait qu'elles n'ont nul besoin d'expertise. La taille du marché convenant largement aux entrepreneurs qui peuvent amortir leurs investissements dans des délais défiant toute logique économique.Nos experts n'ont d'autre choix que de passer à l'opposition quand ils n'ont pas de marchés publics et de faire les louanges du gouvernement quand le plan de charge est bien garni.Une boutade qui circulait pendant la crise et concernant les économistes peut être étendue à nos experts. Il s'agit de la définition de l'économiste. En effet, «un économiste est la seule personne au monde qui puisse expliquer aujourd'hui pourquoi il a eu tort hier». Nos experts aussi ! A. E.