De prime abord, il faut situer les enjeux politiques du mouvement des Indignés qui, au-delà des discours et des mots d'ordre, n'envisage nullement le renversement du système capitaliste. Ce mouvement néo-internationaliste, ne se réfère à aucune théorie révolutionnaire et ne repose sur aucune force sociale cohérente de nature à développer une dynamique salutaire pour les prolétaires du monde. Le mouvement des indignés s'apparente à s'y méprendre, au mouvement des soixante-huitards même s'il n'atteindra jamais le radicalisme des années soixante pour parler de «l'imagination au pouvoir», ce qui est déjà loin du «prolétariat au pouvoir». Certes, l'avènement du mouvement des indignés intervient dans un contexte objectif favorable à l'émergence de forces contestataires radicales pouvant évoluer vers une remise en cause violente du système capitaliste. Mais l'état des organisations politiques pouvant encadrer cette dynamique, des secteurs sociaux pouvant alimenter cette tendance, est si effrité, si indigent qu'on risque d'assister à un baroud d'honneur sans lendemain. L'émotion et la rébellion L'indignation est une émotion en réaction contre une situation insupportable et non une action réfléchie pour un objectif clair. L'indignation est un sentiment de lassitude et non une dynamique de changement d'un ordre objectif. La dimension planétaire de ce sentiment n'est ni nouvelle, ni déterminante pour le salut de l'humanité. A ce titre, il faut analyser ce phénomène à sa juste valeur, tout comme il est important de comprendre la nature des révoltes arabes qui ont inspiré dans le fond et la forme, le mouvement des indignés. Le mouvement des indignés a commencé en Europe, et précisément en Espagne, à La Puerta Del Sol, une quête d'une place au Soleil, face à une éclipse qui menace d'obscurcir les lendemains des peuples habitués aux mirages d'une société de consommation où l'illusion démocratique voile les méfaits d'un ordre économique inique et injuste. L'Espagne, la Grèce, l'Italie, sont proches des volcans arabes. Aussi bien en Europe que dans la région arabe, il s'agit en effet d'indignation et de rejet massif de toutes les oligarchies politiques et financières qui concentrent entre leurs mains pouvoir et richesses. Partout, les formes de contestation sont les mêmes et inhabituelles. En effet, les campements sur les places publiques, les assemblées quotidiennes et l'appropriation de l'espace public sont choses très rares dans les contestations occidentales. Elles ont imité en cela les révoltés arabes. A l'image des mouvements de révolte arabe, la contestation en Occident est apartisane, ne se situe ni à droite ni à gauche. Cette remise en cause du système politique et donc aussi du système électoral est aussi majeure. L'initiative citoyenne rejette toute appartenance politique. Elle refuse de rentrer dans la politique traditionnelle truquée, même si elle n'appelle ni à l'abstention ni au vote. La dimension universelle du mouvement des indignés n'est pas le fait de réseaux partisans ou de coordination de collectifs contestataire à l'image des altermondialistes. Cette universalité est le fait de réseaux sociaux que permet internet qui a fait du monde un village planétaire. Selon un article paru en juillet dernier, dans un site électronique, Le Post, l'auteur estime que «la plupart des mouvements sociaux ont pour cause des particularités propres à un seul pays, et, de fait, sont difficilement exportables à l'étranger. En rejetant le système politique qui permet les crises et les injustices, le mouvement s'attaque à un sujet qui est présent sur tout le globe, l'oligarchie. Aussi bien dans les dictatures que dans les «démocraties», une minorité dirige la majorité. Cette minorité est soit, «consentie» par le peuple à l'aide de manipulations électorales qui, avec un système médiatique aidant, contraignent le peuple à choisir entre des candidats choisis qui ne remettent pas en cause le système. Dans le même article, l'auteur explique le caractère hétéroclite du mouvement des indignés qui «peut attirer à droite comme à gauche, au FN comme au NPA. En effet, le lien entre tous les sympathisants du mouvement c'est la recherche d'une vraie démocratie et la critique de notre système politico-médiatique. Tous critiquent la tournure de la société, mais tous ne sont pas d'accord sur les mesures à prendre pour régler les problèmes, tous doivent donc trouver ce qui les lie : la véritable démocratie. Il n'est donc question ni de gauche ni de droite. Un mouvement démocratique, à l'image des révolutions arabes, voilà ce qu'est le mouvement, sauf qu'en Europe, nous connaissons les erreurs à ne pas faire et l'oligarchie ne pourra pas nous avoir encore une fois.»Ce cri du cœur d'un membre du mouvement des indignés de France révèle, si besoin est, la nature émotive du mouvement et sa rébellion contre l'ordre établi sans pour autant formuler une alternative claire autre que «la vraie démocratie» dont le sens est si élastique. «Les hommes politiques et journalistes que l'on entend à la télévision nous rabâchent que le mouvement devra se politiser pour pouvoir marquer l'essai. Problème, le mouvement n'est pas apolitique mais bien politique, et la politique du mouvement c'est justement de rejeter le système politique injuste et oligarchique. Le mouvement n'a donc aucun intérêt à se transformer en parti et en présentant des candidats. Le futur du mouvement se verra dans sa capacité à révéler la nature oligarchique du système politique de notre état. Il faut remettre en cause la légitimité de nos dirigeants pour pouvoir ensuite mettre l'alternative démocratique, la «vraie» démocratie, au devant de la scène, et l'exiger, car, ne nous voilons pas la face, la caste au pouvoir ne nous donnera jamais raison.» Ailleurs, le fond du discours est le même. Le mouvement des indignés fait, néanmoins, preuve d'une générosité et d'un humanisme sans précédent et ne manquera pas de modifier le cours des choses et des politiques s'il venait à s'affirmer et à s'inscrire dans la durée. Les conséquences immédiates Pour certains, c'est une révolution qui se prépare, pour d'autres, il s'agit d'un réveil de conscience de l'humanité contre les injustices, les inégalités et un ordre mondial qui génère la misère et l'exclusion. Ce mouvement pour la dignité humaine aura des conséquences immédiates sur les politiques économiques et financières des puissances mondiales qui ne ménageront aucun effort pour pérenniser le système capitaliste en lui donnant un visage humain, du moins le temps de calmer les esprits et de remettre de l'ordre dans leurs sociétés qui commencent à leur échapper. Ces changements en perspective seront contrôlés et mesurés, certes, mais en y mettant la forme, notamment à travers des mutations qui toucheront les partis traditionnels, les personnels politiques et les institutions nationales. En fait, les oligarchies financières qui agissent à l'ombre des institutions politiques, seront obligées de jouer le jeu du changement en mandatant de nouvelles figures pour exécuter les mêmes politiques. Le tour de passe-passe est d'autant plus aisé que les indignés refusent toute structuration et tout projet politique révolutionnaire de classe. Cependant, le mouvement des indignés qui dénonce également l'hypocrisie de leurs gouvernements dans leur traitement des questions de décolonisation notamment palestinienne et sahraouie, des questions de pauvreté et de famine dans le monde, peut, en effet, influer sur le cours des évènements à travers une forte pression sur l'Europe et les Etats-Unis pour accélérer le règlement des questions palestinienne et sahraouie et de modifier l'approche d'aide qui doit passer de la charité à un plan d'aide au développement des pays pauvres dont certains disposent de richesses importantes, spoliées par les multinationales. A. G. La charte française du mouvement des indigné(e)s lLes principes du mouvement Seules les adhésions au mouvement à titre personnel sont admises afin d'éviter toute récupération. Aucun représentant de quelque mouvement que ce soit ne sera admis s'il se présente en tant que tel. S'il est là, c'est en tant qu'individu, pas en tant que représentant, président, délégué, membre... de quelque organisation que ce soit. Nous encourageons les personnes appartenant à d'autres mouvements et organisations à nous rejoindre et à le faire savoir!L'adhésion au mouvement n'est pas exclusive et l'appartenance ouverte et franche à un autre mouvement considéré comme compatible avec le mouvement est un droit qui ne peut être remis en question. Le mouvement se réserve le droit d'exclure ou de «faire comprendre que la porte, c'est par là» à toute personne tentant de faire la pub d'un autre mouvement, d'une autre organisation par le biais du mouvement (nous ne sommes pas une réserve de membres voués à faire grossir les rangs d'autres mouvements ou organisations) ou tout membre de mouvement / organisation jugé incompatible par lui.Il exclut, de fait, tout membre d'organisations antidémocratiques ou prônant une supériorité fondée sur la «race», la civilisation, la religion, la nationalité, le sexe, la pratique sexuelle et de manière générale tout membre d'organisation fondée sur le principe d'inégalité «souhaitable» entre êtres humains car ces thèses sont incompatibles avec l'idée même de Démocratie qui est la base des revendications du mouvement.Le mouvement ne reconnaît aucun chef (au pire des représentants) et entend fonctionner sur le mode le plus Démocratique possible, s'appliquant à lui -même les revendications qu'il entend faire triompher partout où cela sera possible. lLes moyens Occupation des places de façon pacifique et à vocation de débat. Réseaux sociaux, forums et, de façon plus large, l'Internet.Propositions de sondages, de pétitions.Organisation de manifestations festives à vocation de revendication et de débat.Proposition d'adhésions à titre personnel à des «personnalités».Soutien de manifestations répondant aux revendications du mouvement.Interpellation des médias lLes propositions Le mouvement entend préparer, expérimenter et contribuer à l'instauration de la réelle Démocratie, en proposant des moyens d'entamer le processus Démocratique (une constituante? Comment?), des pistes de systèmes institutionnels, sociaux et organisationnels, des textes fondateurs (chartes de droits et devoirs) et constitutions propres à enrichir l'ensemble des possibles et donc des choix du peuple et à lui ouvrir de nouveaux horizons, lui permettant ainsi de prendre les décisions qui sont le plus en adéquation avec sa volonté et de tendre à la société à laquelle il aspire.
