Ce qui se passe à la faculté des sciences économiques, sciences commerciales et de gestion à Dély Ibrahim (Alger) est très inquiétant. L'établissement est complètement paralysé par un large mouvement de grève, déclenché par des étudiants du système classique, il y a plus de quarante jours. Leurs revendications : baisser la note du rachat à 8/20 et annuler ce qu'ils appellent les «défaillances», c'est-à-dire le cumul des absences aux TD. Les étudiants jugent les deux demandes raisonnables du fait qu'ils n'ont pas eu une année sereine. «Il y a eu la grève des étudiants et après, celle des agents de sécurité. Il y avait aussi les problèmes de transport que nous rencontrions chaque samedi à cause des rassemblements de la CNCD à la Place du 1er Mai… Nous avons eu une année très difficile», raconte l'un des grévistes, membre de la Ligue des étudiants algériens. La veille de l'Aïd El Adha, une réunion a eu lieu entre les représentants de l'administration et les étudiants en grève. Le doyen a cédé aux demandes des grévistes, acceptant à la fois de faire descendre la note du rachat à 8/20 et d'annuler les défaillances. Ce n'est pas forcément une bonne chose, du moment que cela contraste avec les objectifs de la réforme portant sur la formation de qualité, mais c'était, semble-t-il, le seul moyen de faire revenir l'ordre dans la faculté et éviter la contagion vers d'autres établissements. La satisfaction des étudiants protestataires n'aura duré que quelques heures. Et pour cause ! «Des enseignants n'approuvent pas la décision du doyen et s'opposent à l'idée de revoir la note du rachat. Plus intransigeant, l'un d'entre eux refuse toujours de donner son accord pour l'annulation des défaillances… Et nous voilà pénalisés», expliquent des étudiants de la même organisation. Pire encore, des étudiants du système LMD se joignent au mouvement de grève. Pas pour soutenir leurs camarades, mais pour exprimer la même revendication qu'eux : accéder au rang supérieur même avec des dettes. «Nous ne leur demandons qu'à appliquer la loi. C'est clairement stipulé dans les articles 31,32 et 33 des deux lois 136 et 137 que les étudiants en LMD peuvent passer à une année supérieure même avec des dettes, à condition qu'ils aient un crédit de 30 points pour ceux de 1re année et un crédit de 90 points pour ceux de la 2e année», explique Amine, un étudiant en deuxième année, devant passer à la troisième année. Et ce dernier de critiquer sévèrement l'administration pour sa défaillance en matière de communication : «Ils ne nous disent rien, ne nous expliquent rien, ne répondent pas à nos doléances, à nos demandes de recours… Rien, absolument rien. Aucun contact avec les gens de l'administration.» Un autre considère que les représentants de l'administration eux-mêmes n'ont rien compris au système LMD : «Eux-mêmes n'ont rien compris à ce système. Comment voulez-vous qu'ils nous expliquent quoi que ce soit alors le concernant ?» L'étudiant en colère juge que depuis son application en Algérie, ce système «importé» n'a pas donné ses fruits. C'est un grand échec, affirme-t-il. L'autre inquiétude est qu'il ne reste pas beaucoup pour les vacances d'hiver : «Le 15 décembre, ce sera les vacances d'hiver. Aucun de nous n'a eu cours… Nous n'avons rien étudié depuis le début de l'année, voire depuis l'année dernière. Le mois de février, ce sera la période des examens du premier semestre. Après, ils vont prolonger l'année au mois d'août pour, soi-disant, rattraper les cours ratés. Ce sera du bâclage, c'est une évidence… Et voilà comment se font les études universitaires en Algérie ! Y en a marre de cette gestion anarchique.»La faculté est à l'arrêt. Les amphithéâtres, l'administration du doyen et du rectorat fermés par les étudiants. De même que l'accès à l'intérieur de l'établissement. Les étudiants en grève commandent… sans savoir trop où aller. Certains y passent la nuit pour empêcher la réouverture des bâtisses fermées. Le spectre des grands rassemblements devant le siège du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique est de retour… Toute la colère estudiantine, en fait. Et ce sera pire que l'année dernière. K. M.