Focus sur le parcours scientifique et citoyen de la «Dame de la Mitidja»

La conquête de la citoyenneté - Hommage à Claudine Chaulet publié par Barzakh /Naqd

Les éditions Barzakh, en collaboration avec la revue Naqd, viennent de publier les actes du colloque «La conquête de la citoyenneté - Hommage à Claudine Chaulet». Il s'agit d'un recueil des interventions présentées lors du colloque organisé le 19 mai 2011, véritable ode émouvante au parcours exceptionnel de Claudine Chaulet, sociologue et militante de la cause nationale, à travers les nombreux hommages et témoignages de la part de sociologues, historiens, chercheurs, anciens étudiants et personnalités marquantes du mouvement de libération nationale. En introduction de cet ouvrage, il est souligné qu'«Ils montrent combien son histoire, sa vie, ses engagements marquent l'histoire récente de notre pays, y compris dans le domaine de la production de la connaissance», explique le comité d'organisation, composé de Mohamed Benguerna, Naceur Bourenane, Daho Djerbal, Tayeb Kennouche, Fatma Oussedik.
Parmi les présents à cet hommage, et dont l'ouvrage fait échos de leurs apports, il y a de grands historiens, à l'instar de Mohamed Harbi, Daho Djerbal, Abdelmadjid Merdaci et les frères dans le combat pour l'indépendance, à l'instar de feu Abdelhamid Mehri, du commandant Azzeddine et Mohamed Mechati. Les sociologues, anciens étudiants ou disciples, ont également répondu présent, a l'exemple de Fatma Oussedik, Chérifa Hadjij, Chérif Benguergoura, Nadji Safir et Tayeb Kennouche. Dans la présentation de l'ouvrage, il est également souligné qu'en «se donnant comme sujet central et fil conducteur la question de la conquête de la citoyenneté, les organisateurs, en accord avec Claudine Chaulet, ont voulu mettre en exergue le sens d'une vie, mais ont également saisi cette occasion exceptionnelle de poser une question essentielle et d'actualité, celle de la citoyenneté». Pour rappel, une rencontre autour de cet ouvrage a été récemment organisée au siège du Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (Cread), dont Claudine Chaulet est l'une des fondatrices.
L'ouvrage est composé de cinq parties: la première, consacrée à Claudine Chaulet et «la production de savoir», la seconde à «l'encadrement et transmission de savoir», la troisième à «la question de la construction nationale, de la citoyenneté et du statut particulier de la paysannerie», la quatrième est réservée aux hommages et dans la dernière partie, intitulée «Synthèse et perspectives», on retrouve un texte émouvant de Nacer Bourenane, la biographie de Claudine Chaulet, née Guillot, ainsi qu'une liste de ses principales publications.
Concernant son combat contre l'ignorance et pour la construction de l'Algérie indépendante, il est expliqué dans l'introduction de l'ouvrage que l'une des premières qualités de cette femme de science est «le recours à l'observation empirique, permettant de restituer les paroles des plus humbles, mais aussi le soucis exigeant, vis-à-vis d'elle-même comme de ses élèves et collaborateurs, de confronter réalité du terrain et constructions théoriques, ces dernières, nourries des apports les plus riches des sciences sociales, sans négliger la double nécessité d'intégrer la dimension historique et culturelle dans l'analyse». Ainsi, celle qui est surnommée «La dame de la Mitidja» dans la communauté scientifique a travers le monde, après le combat pour la liberté de l'Algérie, s'est attelée à un autre combat tout aussi marqué de bravoure , celui d'être à l'écoute des plus humbles, des travailleurs de la terre, qu'elle considère comme la véritable richesse de l'Algérie. Ainsi, parmi les témoignages, que l'on peut retrouver dans l'ouvrage, celui d'Abdelhamid Bencharif qui est intervenu sur «La contribution de Claudine Chaulet à la construction de l'économie agroalimentaire en Algérie». Il y soulignera que «Claudine Chaulet a toujours mis au service des autres son temps, son énergie et ses compétences sans vouloir en tirer quelque avantage personnel. Cette humilité, cet engagement désintéressé sont la plus belle définition d'une citoyenneté authentique».
A l´époque où la révolution agraire faisait miroiter monts et merveilles aux jeunes chercheurs algériens, le Pr Chaulet s´est attelée à leur inculquer la nécessité d´analyser le réel. «Nous avons été les premiers témoins de ce dérapage (la révolution agraire) où le paysan s´est vu nié et renié».
A travers son intervention intitulée «Il était une fois Thaoura ezziraia», le Dr Tayeb Kennouche démontre la justesse de l´analyse de Claudine Chaulet, dont les conclusions démontraient les limites de la politique agraire de l'époque. Ainsi les travaux du Pr Claudine Chaulet dans la Mitidja, durant les années 1970, restent un modèle de l´authenticité de l´intellectuel dans sa démarche scientifique. Afin de mieux comprendre ce combat il serait nécessaire de se référé au livre «Le Choix de l'Algérie, deux voix, une mémoire», de Pierre et Claudine Chaulet, publié il y a à peine une année aux éditions Barzakh.
Au Final, les actes de ce colloque au-delà de l'hommage à une citoyenne algérienne hors du commun, est aussi un focus sur une approche sociologique qui interpelle les consciences et qui démontre le nécessaire apport des chercheurs et des scientifiques à la construction d'une nation.
S. A.