«C'est Le Buteur ? Après l'entraînement, je serai à vous» Les spéculations allaient bon train depuis plusieurs jours, concernant la venue de Medhi Lacen au prochain stage de l'équipe d'Algérie. D'un jour à l'autre, on dit une chose et son contraire, alors que jusqu'à hier à 20h00, le joueur n'avait pas encore discuté avec le sélectionneur national. La vérité que toute l'Algérie attend est que Lacen n'avait pas encore tranché la question qui le turlupine autant que les supporteurs des Verts. Non pas parce qu'il snobe son pays, non pas parce que soi-disant son père l'a dissuadé de jouer pour l'Algérie comme voudraient le faire croire ses détracteurs et encore moins parce qu'il ne se sent pas Algérien. La vérité est ailleurs et on est sûr aujourd'hui qu'il n'y a rien de tout cela. La seule raison de son hésitation avant la CAN La véritable raison était que Medhi Lacen reste gêné de venir une fois que la guerre des éliminatoires est aujourd'hui terminée. «Hier, j'ai joué une demi-finale de Coupe d'Espagne et on a été éliminés. Si on s'était qualifiés et que quelqu'un venait par la suite jouer la finale à ma place, soyez sûrs que je ne l'accepterais pas et je l'aurais fait savoir. Qu'en sera-t-il pour une phase finale de Coupe du monde ? Je comprends donc parfaitement que des joueurs de l'équipe d'Algérie soient jaloux de leur acquis et de tout ce qu'ils ont réalisé.» Ces explications sont de Medhi Lacen lui-même et tout ce que désire ce joueur est d'être rassuré par l'ensemble des éléments composant ou gravitant autour de l'équipe. Il veut avoir la certitude qu'il ne sera pas rejeté comme un greffon indésirable. Il veut être sûr que sa présence au sein des Verts ne gênera personne. «Je ne veux pas prendre la place de ceux qui se sont battus tout ce temps», martèle-t-il sans cesse. L'on comprend donc la fragilité de la discussion entre le joueur de Santander et Rabah Saâdane qui devait l'appeler hier ou aujourd'hui. Trois pays en un jour, pour voir Lacen ! Cette fois encore, la tradition a voulu que Le Buteur laisse les spéculations pour ses amateurs pour aller au charbon, à la rencontre du principal concerné : Medhi Lacen. Il nous a fallu toute une gymnastique pour rejoindre la très isolée ville de Santander depuis Glasgow où nous réalisions un reportage sur Madjid Bougherra et un autre à Hidenburg sur Ismaïl Bouzid. Il fallait donc rejoindre London, puis Bilbao, y passer la nuit avant de rallier Santander par autocar, tôt le matin. Soit, trois pays en une seule journée ! Après un voyage harassant, nous voilà enfin arrivés à bon port. La Albericia est le centre d'entraînement du Racing de Santander. Une batterie de terrains dont un en tartan, y abritant l'équipe professionnelle et celle des Espoirs. Un décor des plus modestes en fait et qui ne donne pas l'impression que cette équipe joue contre les plus grosses cylindrées d'Europe comme le Real ou le Barça. Autour des terrains, les bureaux et les vestiaires sont en préfabriqué, lorsqu'il ne s'agit pas carrément de containers qui servaient d'annexe des lieux. En effet, ce sont les containers qui sont utilisés pour stocker les maillots et les chaussures des joueurs. De quoi donner des idées à nos clubs… «C'est Le Buteur ? Après l'entraînement, je serai à vous» Lacen ne savait même pas qu'on venait le voir. On a débarqué à l'algérienne, sans avertir. Il était 10h 30 et les joueurs commençaient à sortir des vestiaires les uns après les autres. Lacen jette un coup d'œil furtif vers nous, sans se douter qu'on allait l'aborder : «Eh, il n'y a pas que vous qui parlez français ici !» Sourire en coin et salutations d'usage. Lacen comprend de suite la raison de notre présence. «C'est Le Buteur ? Il n'y a pas de problème, après l'entraînement je serai à vous», nous a-t-il dit subitement mis en confiance. Y a moyen d'assister à l'entraînement ? «Oui, mais vous n'allez pas voir grand-chose aujourd'hui, mais venez si vous le voulez», nous invite-t-il en tournant les talons. «Plaisanteries et complicité avec les Africains» Medhi est, certes, timide et réservé, mais cela ne l'empêche pas de taquiner ses deux coéquipiers, à commencer par les Africains comme lui, que sont le Sénégalais Diop et le Burundais Tchité, sans oublier l'attaché de presse du club Quique Palacio qui lui sert de «souffre douleur», sans méchanceté bien sûr. On l'a constaté hier à l'entraînement lorsque les huit joueurs ayant joué tout le match de Coupe la veille ont été invités à faire des tours de piste. Lacen prend un ballon et trottine balle au pied, Tchité se met de la partie et les deux joueurs se taquinent en français. A la fin de l'entraînement et lorsque Quique Palacio essaye de baragouiner quelques mots en anglais pour nous expliquer où il avait prévu d'organiser l'interview, Lacen intervient pour faire l'interprète en lançant à Quique : «Mais qu'est-ce que tu crois que tu parles là ? De l'anglais ? Tu ne vois pas que tu ne sais pas parler ?» Sans doute habitué à ce genre de plaisanteries, Quique préfère en rire car il connaît très bien Medhi : «C'est un garçon formidable», nous dira de lui un peu plus tard l'Espagnol. Lacen pose pour un photographe espagnol Après quelques tours de piste et des étirements, Lacen et les huit joueurs sont allés s'éclipser loin des regards sous un chapiteau qui leur sert s'expansion du centre, sans doute pour faire de la musculation et un peu pour se réchauffer par ce froid de canard. Nous nous sommes tournés vers le reste des joueurs qui s'affairaient à travailler les coups de pied arrêtés avec le coach. Ce dernier plaçait personnellement ses éléments en leur expliquant ce que devait faire chacun d'eux. Notre regard s'est baladé par la suite un peu partout, pour scruter le moindre détail des lieux. C'est ainsi qu'on a pu apercevoir les jeunes loups du Racing qui s'entraînaient assidûment sur le terrain en tartan, en pensant un jour réaliser leur rêve. Les journalistes et photographes n'étaient pas aussi nombreux que ceux de chez nous, pour couvrir la séance du jour. A peine deux ou trois, dont un photographe travaillant sans doute pour le site officiel du Racing Santander. C'est justement lui qui invitera le premier Medhi Lacen à le rejoindre pour poser devant son objectif. Il ferme la porte pour nous annoncer la bonne nouvelle ! Finie la séance photos, Medhi Lacen vient à notre rencontre comme promis, tout de blanc vêtu. Il avait l'air d'un ange et son sourire laissait penser qu'il était bien dans sa tête et dans sa peau. Et comment ne pas l'être en ce mois de février qui n'arrête pas de lui servir les bonnes nouvelles, après la naissance de sa deuxième poupée. Ajouter à cela, l'approche de la date du 3 mars que tout le monde espère lui sourire un peu plus avec les Verts. Quique nous devance pour nous ouvrir la porte de la salle de conférence où nous nous engouffrons avec grand plaisir pour gagner quelques précieux degrés. Le décor est vite réinstallé par notre hôte qui nous met les deux chaises devant le panneau publicitaire des partenaires du Racing. Quique ne nous quittera que lorsqu'il s'est assuré qu'on n'avait besoin de rien de plus, après lui avoir demandé d'immortaliser l'instant de la rencontre par quelques photos. L'interview avait commencé depuis quelques secondes et la porte claqua bruyamment, poussée par une bourrasque de vent glacial. Lacen se leva aussitôt pour la refermer, comme pour nous signifier que le moment était trop important pour ne pas laisser le vent percer le secret du débat qui allait avoir lieu. Le dictaphone allait enfin enregistrer la bonne nouvelle qu'il allait nous annoncer ! Nacym Djender
