Portugal (ent. Santander) : «Je vous envoie un Lacen sans bobo !» Mohamed Tchité (coéquipier de Lacen) : «Medhi m'a parlé du Mondial juste à la fin du match.» Toute la ville de Santander était mobilisée dimanche pour le dernier match de championnat du Racing en vue de sauver le Racing de la relégation. Les élus de la ville et les célébrités du coin aussi étaient de la partie, en posant dans le journal local et les panneaux publicitaires avec le maillot vert et noir, pour soutenir les joueurs. La hantise d'une défaite de trop En face, il n'y avait pourtant pas de monstre pour envisager l'incroyable scénario d'une défaite à domicile. Le Sporting Gijon était assuré de rester en Liga la saison prochaine, avec un total minimal mais juste sécurisant de 40 points. En fait, ce qui effrayait les socios de Santander avant ce match, ce sont les deux dernières défaites essuyées par le Racing à domicile. D'abord 1-2 face à Villareal, puis ce cinglant et si honteux 1-5 contre Séville devant un public déchaîné de rage. Il y avait donc de quoi s'inquiéter pour ce dernier match qui pouvait envoyer le club au purgatoire. A 100%, sans se soucier des risques de rater le Mondial ! 19h00 sonnantes. Le stade Sardiniero était plein comme une boîte de sardines. Le public donnait de la voix pour pousser ses joueurs à aller de l'avant d'entrée. Le peu de doutes qu'on pouvait avoir sur la titularisation de Medhi Lacen s'envolaient dès l'entrée du numéro 4 du Racing. Il était bien au poste et prêt pour le dernier combat de la saison avec son club. Sans doute qu'il avait beaucoup de peine à chasser de sa tête la hantise d'une blessure dans ce match qui compromettrait sa participation au Mondial sud-africain. Mais comment jouer un match aussi explosif, sans se donner à 100% ? A l'instar de ses coéquipiers, Lacen n'avait pas le droit de tricher, car il s'agissait tout de même de l'avenir du club ! En vrai professionnel qu'il est, Medhi se donnera à 100%, sans se soucier des risques de rater le Mondial. Un engagement total pour… monsieur propre ! Les premiers ballons disputés par l'international algérien vont montrer qu'il ne pensait plus à autre chose que la victoire dès le coup d'envoi du match. Il tacle, dispute les balles aériennes sans reculer, va de l'avant, donne de la voix pour ses coéquipiers pour replacer les retardataires sur toutes les actions défensives. Medhi joue juste et bien. Quelques minutes lui suffisent pour mettre d'accord partenaires et adversaires sur le fait que c'est lui le roi du milieu du terrain. Toutes les balles de son équipe passent par lui et tous les ballons des adversaires sont arrêtés aussi par lui. Lacen est impérial, il n'y a pas le moindre doute. Ses interventions et son travail sont si propres qu'on le surnommerait volontiers monsieur propre et non pas seulement à sa ressemblance avec le personnage du liquide vaisselle ! Son jeu limpide libère peu à peu les derniers réticents dans son équipe. S'il joue comme face à Gijon, il marquera à coup sûr avec les Verts ! La manière de jouer de Lacen est si particulière, si régulière qu'on comprend tout de suite son rôle sur le terrain. Lorsque son équipe est en possession du ballon, Medhi se positionne souvent sur le flanc gauche pour diriger le jeu dans la première partie du terrain, tout en avançant vers le flanc gauche pour apporter des solutions en attaque. Il se retrouvera souvent dans le rôle d'ailier gauche, pour tenter d'offrir un ballon aérien aux attaquants. On ne peut s'empêcher de voir Ghezzal et Djebbour embusqués dans la surface de réparation, admirant la belle trajectoire que prend le centre de Lacen. Trêve de fantasme. Il n'a perdu aucun ballon aérien ! Mehdi s'est repositionné en défense et comme d'habitude, il replace ses coéquipiers. On sent qu'il donne beaucoup d'importance au respect de la tactique. Dans sa tête, tout est réglé comme une horloge. Par exemple, lorsqu'il y a un corner pour son équipe, il laisse toujours les grands gabarits aller tenter leur chance pour se mettre dans le rond central et garder la maison derrière. Est-il pour autant faible dans les airs ? Que non ! Car dans ce match, Medhi a disputé environ une dizaine de balles aériennes et il n'en a perdu aucune ! Pal mal pour un joueur ne dépassant pas les 170 cm. Comment gagne-t-il ses duels sans détente impressionnante ? Tout simplement grâce à un timing de tout premier ordre, aidé par une bonne lecture des trajectoires des ballons. C'est comme cela qu'il se fait respecter et c'est aussi comme cela qu'on n'oublie sa petite taille au milieu des géants aux pieds d'argile. Il a failli marquer trois fois ! Lacen a aussi une autre qualité qui le caractérise des autres milieux défensifs. Celle de ne pas rester cantonné loin derrière, sans porter secours aux attaquants. Son amour pour le ballon est tel qu'on ne le trouve jamais loin du lieu où l'on se dispute les balles chaudes. C'est ainsi qu'il se met souvent en embuscade, légèrement à gauche, attendant un mauvais renvoi de la défense adverse, guettant l'erreur du taureau comme un matador afin de lui donner l'estocade. Contre le Sporting Gijon, l'Algérien a failli marquer de la sorte à trois reprises. Il s'en est fallu de très peu à chaque fois pour le voir ouvrir le score. Cela lui arrivera encore en seconde mi-temps lorsque son ballon a été dévié de justesse. Comme s'il avait parlé au ballon Mais le public qui l'a applaudi vivement à la 29', quand il a manqué de peu de marquer, était trop tendu pour lui pardonner la mauvaise passe transversale qu'il avait «gauchement» tentée et qui a atterri dans les pieds de l'attaquant adverse. Sifflé et hué autant que ses camarades, Medhi ne branchera pas, loin d'être atteint par ce passage à vide collectif, si irritant pour les supporteurs. Il a fallu attendre la 35' et l'ouverture du score par le Congolais Mohamed Tchité, pour sentir plus d'oxygène dans les poumons. Malgré cet avantage, Lacen restait de marbre, ne montrant rien de sa joie interne. Ce n'est que lorsque le gardien de Gijon, Juan pablo, renvoya rageusement le ballon vers le rond central que Lacen dévoilera quelque peu sa joie, en prenant le ballon à pleines mains pour l'embrasser et le rejeter d'un coup de poing du gauche. On aurait juré qu'il lui avait parlé pour lui dire de ne pas le lâcher ce soir-là… «Pernia vete ya ! Portugal vete ya ! » La deuxième mi-temps mettra un peu plus à l'aise les socios locaux avec le second but du même Tchité (55') qui sauvait ainsi une saison extrêmement harassante pour tout Santander. C'est à ce moment-là que le public commençait à sortir les slogans hostiles au président Francisco Pernia et au coach du Racing Miguel Angel Portugal auxquels on adressait tour à tour de cinglants : «Pernia vete ya !!! », «Portugal vete ya !!! » C'est comme cela qu'on les a invités à partir pour laisser la place à plus rassurants et plus compétents. A 2-0, l'affaire était bouclée et ce n'étaient pas les marionnettes de Gijon qui allaient les inquiéter ce soir-là. Le temps de serrer la main à la mascotte et partir se préparer à rejoindre les Verts Place était laissée alors à une ola interminable qui faisait participer même le millier de supporters adverses entassé dans un coin des tribunes. Au coup de sifflet final, Medhi Lacen a eu juste le temps de serrer la main à la mascotte du club et à quelques adversaires pour filer avant tout le monde aux vestiaires où il allait enlever ce maillot vert et noir pour la dernière fois cette saison et partir aussitôt se préparer pour rejoindre Crans-Montana. Il faut dire qu'il était bien impatient de rejoindre les Verts où un autre maillot de la même couleur l'attendait, nettement plus valorisant que celui de son club. -------------------------------------------------------- Portugal (ent. Santander) : «Je vous envoie un Lacen sans bobo !» Le coach du Racing Santander était un peu irrité d'avoir à subir la bronca des supporteurs qui réclamaient sa tête et celle du président en cette fin de saison stressante. Malgré tout, il a affronté les journalistes espagnols en toute quiétude, lors de la conférence de presse de fin de match. Avant de retourner dans le vestiaire, Miguel Angel Portugal fut interpellé par nos soins, afin de nous faire une petite déclaration. On aurait bien compris s'il nous avait invités à repasser un autre jour, mais l'élégant entraîneur du Racing a tiqué à notre accent fort d'étranger. Nous venons d'Algérie pour Lacen, monsieur Portugal. Pourriez-vous nous dire un mot sur votre joueur ? Ah, l'Algérie ! Je ne peux pas vous laisser repartir comme ça chez vous. J'en fais une exception bien volontiers. Allez-y, posez toutes les questions que vous voulez ! Merci beaucoup coach. On admire bien votre disponibilité. Alors dites-nous d'abord un mot sur la prestation de Medhi ce soir… Eh bien, Medhi a été égal à lui-même. Il a été sur toutes les balles en première mi-temps et a tenu un rôle important au milieu du terrain. Il a rassuré ses camarades et je tiens à l'en féliciter encore une fois pour cette prestation. Le lui avez-vous dit dans le vestiaire ? Oui, à lui et aux autres d'avoir gagné ce match si important pour notre club. Il ne fallait pas rater la victoire ce soir et les gars l'ont fait de belle manière. On a marqué avant la mi-temps et c'est cela qui nous a permis de jouer sans inquiétude par la suite. Je crois que les joueurs en voulaient beaucoup. Et Lacen a su jouer comme il le fallait. Il ne s'est pas empêché d'aller au charbon sur tous les ballons qu'il a disputés. Ça se voyait qu'il n'avait pas le Mondial dans sa tête pendant le match, non ? Non, pas du tout. Medhi est un bon joueur professionnel. Il ne triche jamais. S'il se sent un peu mal en point physiquement, il demande aussitôt à laisser la place à quelqu'un d'autre. Il a tout fait pour revenir à 100% pour le dernier match de la saison et il vient de le démontrer sur le terrain. Il a été d'un grand apport dans ce match. Qu'en est-il de cette pubalgie qu'il traînait jusque-là ? C'est définitivement parti ! Il ne ressent plus aucune douleur. La preuve, c'est qu'il s'est entraîné très dur pendant la semaine, sans se plaindre une seule fois. Il a aussi joué tout le match sans ressentir de douleurs. Il est donc bon pour le service avec l'Algérie pour le Mondial. Je sais que c'est ce qui vous intéresse le plus dans cette histoire (il rigole franchement). Vous avez parfaitement raison ! Vous confirmez donc bien qu'il est au mieux de sa forme ? Oui, totalement ! Lacen est revenu à son niveau de jeu rapidement et tant mieux pour le sélectionneur algérien qui va le récupérer entier, et sans bobo. Je vous l'envoie sans bobo ! Vous allez sans doute le suivre pendant la Coupe du monde, non ? Bien évidemment. Je serai à l'affût de tout ce qui se fera autour de l'équipe d'Algérie, mais aussi l'Afrique du Sud pour Nasief Morris (international de Santander, ndlr). Soyez certain que je serai supporteur de l'Algérie et de Medhi Lacen pendant la Coupe du monde. -------------------------------------------------------- Mohamed Tchité (coéquipier de Lacen) : «Medhi m'a parlé du Mondial juste à la fin du match» Mohamed Tchité est l'auteur du doublé qui a sauvé le Racing Santander de la relégation. Il est issu de la République Démocratique du Congo et il est l'un des meilleurs coéquipiers de Lacen. Leur entente sur et en dehors du terrain est aussi visible que leur efficacité dans le jeu du Racing. Nous l'avons abordé dans la zone mixte pour lui soutirer une déclaration sur son ami. Qu'est-ce que ça fait quand on a sauvé le club de la relégation comme vous l'avez fait ce soir avec vos deux buts ? Il n'y avait pas que moi à avoir sauvé le club. Tout le monde a participé à sauver le club, comme je dis aussi que tout le monde a pris part dans cette situation qui a fait qu'on se soit retrouvés à cette place peu confortable et en train de voir comment éviter la relégation. Mais bon, l'essentiel a été fait et on peut maintenant partir en vacances tranquilles. Pas tous, parce que Medhi Lacen, lui, a encore des matchs à jouer, non ? (Il sourit). Oui, bien sûr ! Il a la Coupe du monde à disputer avec l'Algérie. Il a de la chance d'être de la partie. Je vais le suivre à fond pendant le Mondial. Il vous en a parlé ? Et comment ! On en parlait déjà bien avant le match contre la Serbie. On lui a tous conseillé de ne par faire le c… et de foncer vers l'Algérie. Heureusement qu'il nous a écoutés et qu'il est parti. Aujourd'hui, je suis sûr qu'il ne le regrette pas. Il va jouer le Mondial ! Vous vous imaginez la chance ? J'espère qu'il en est bien conscient maintenant, car on avait peur qu'il s'entête encore. Qu'est-ce qu'il raconte quand il parle de Coupe du monde ? Déjà que tout à l'heure dans le vestiaire, juste à la fin du match on en parlait. On lui a souhaité bonne chance en Coupe du monde et il était tout heureux de faire très vite son sac pour aller rejoindre l'équipe d'Algérie en Suisse, c'est ça ? Oui, ils sont à Crans-Montana sur les hauteurs suisses pour s'habituer à l'altitude. Vous serez supporter donc de l'Algérie ? Bien évidemment de l'Algérie, pour Medhi Lacen et toutes les autres équipes africaines. J'espère que ce sera une grande réussite pour l'Afrique, car tout le monde va nous guetter.
