«C'est un joueur qui a une bonne frappe et une excellente vision de jeu. Aussi, il n'hésite pas à aller au charbon et à se montrer féroce quand il le faut» Le nouveau venu en sélection, Saphir Taïder, est encore méconnu du grand public algérien. Peu de monde connaît ses réelles qualités et sa valeur sur le terrain de football. Pour cela, on a pris attache, hier, avec son ancien entraîneur Mécha Bazdarevic, celui qui l'a lancé avec les professionnels à Grenoble, pour qu'il nous parle de lui et apporte certaines informations techniques sur cet élément à nos lecteurs. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le technicien bosnien n'a pas tari d'éloges sur le néo-Vert. Vous avez coaché le joueur Saphir Taïder lors de ses débuts en professionnel à Grenoble, en 2010. Parlez-nous un peu de lui, et présentez-le au public algérien qui ne le connaît pas véritablement bien ? Déjà, je suis content qu'il soit appelé en sélection d'Algérie. Vous savez, j'ai été longuement critiqué à Grenoble, à cause de lui. C'est moi qui l'ai lancé, alors qu'il avait à peine 18 ans, avec les professionnels. Je n'ai pas hésité à le titulariser, ce qui m'a valu pas mal de critiques à cette époque. J'ai insisté à ce qu'il s'entraîne avec le groupe pro et qu'il y joue aussi les matches de championnat, car j'avais décelé en lui beaucoup de qualités. J'ai aussi insisté auprès des dirigeants pour qu'il lui fasse signer un nouveau contrat rapidement. Parlez-nous de ses qualités, de ses points forts... Saphir est un joueur très polyvalent, et c'est ce qui fait sa force. Il peut jouer en 6 et sur les couloirs aussi. Techniquement, il est très bon, et a une très bonne frappe et des passes très précises. Ce qui m'a encouragé à le faire jouer très jeune, c'est son sérieux. Il a un fort caractère et un bon mental. C'est un garçon qui ne lâche rien. Il ne parle pas beaucoup sur le terrain, mais c'est un féroce, et tout entraîneur aimerait avoir un joueur de cette trempe dans son équipe. Comme Sofiane (NDRL : Feghouli), c'est moi qui lui a fait découvrir le monde professionnel et je n'hésitais pas à lui donner pleins de conseils. Je me souviens lui avoir dit un jour : «Si tu continues à travailler davantage, tu seras récompensé très bientôt et tu auras un bel avenir.» Selon vous, le joueur s'exprime mieux dans quel registre, au milieu du terrain ? Ecoutez, quand il a débuté avec nous, il jouait souvent sur les côtés avec le 4-4-2, comme le fait actuellement Feghouli avec Valence. Toutefois, c'est un joueur qui peut aisément jouer en 6 et même en 10. Il est capable d'éliminer facilement ses adversaires et servir admirablement les attaquants de pointe. Il est droitier, mais joue parfaitement avec les deux pieds. Il est très précieux dans l'animation offensive et qu'actuellement, il est nettement meilleur dans l'axe du milieu de terrain. C'est aussi un gars qui ne se laisse pas faire et qui va au charbon. Maintenant, c'est à Vahid de lui trouver la bonne place. En Italie, avec son club de Bologne, il a franchi encore un palier et qu'aujourd'hui, il est convoité par plusieurs grands clubs européens. Etes-vous surpris par son éclosion assez rapide ? Non, je ne suis pas du tout surpris. Je lui ai fait comprendre qu'il fallait qu'il travaille s'il voulait vraiment progresser. Il a du talent et c'est quelqu'un de très posé. Dès le départ, il savait ce qu'il voulait, et je vous affirme que je n'ai jamais eu de problèmes avec lui, ce qui est rare avec des joueurs de 18 ans, notamment ceux qui ont du talent comme lui. Lui conseilleriez-vous de quitter Bologne pour un grand club cet été ? Il faut qu'il fasse très attention. Le mieux pour lui est de rester encore une saison supplémentaire à Bologne, histoire d'enchaîner les matches et gagner en expérience et maturité. Ensuite, il peut rejoindre un grand club, qui lui permettra de progresser davantage et de côtoyer le très haut niveau. Le joueur dispose de la triple nationalité. Il a longuement hésité entre l'Algérie, la Tunisie et la France, avant d'opter finalement pour le pays d'où sa maman est originaire. Pensez-vous qu'il a fait le bon choix ? Ça relève de son choix et on doit le respecter. Vous savez, j'ai travaillé en Tunisie et j'ai pas mal d'amis là-bas. D'ailleurs, je me souviens que des responsables tunisiens s'étaient renseignés à cette époque (NDLR : 2010) sur le joueur et m'avaient demandé de le convaincre d'opter pour la Tunisie. Je n'ai pas voulu faire ça, car c'est une décision personnelle et je n'avais pas à m'interférer. L'Algérie a de la chance de l'avoir, en tout cas. S'il a opté pour ce pays, c'est qu'au fond de lui, il se sent pleinement algérien. Qui vous a demandé de convaincre le joueur, la fédération tunisienne ? Je ne me souviens pas très bien, mais je crois que c'était un responsable des équipes de jeunes de la Tunisie. A cette époque, Saphir évoluait avec les jeunes de l'Equipe de France. Boudebouz, que vous avez entraîné la saison dernière à Sochaux, n'a pas été convoqué par le sélectionneur national pour le prochain match. On évoque une affaire d'indiscipline. Vous connaissez parfaitement le joueur. Est-il réellement un gars à problèmes ? J'avoue que j'ai rencontré d'énormes problèmes à Sochaux, mais avec Ryad, ça s'est toujours bien passé. C'est un joueur qui a un fort caractère, et les seuls ennuis qu'il avait à cette époque, c'était avec la direction du club, sur son contrat. Concernant son comportement, il était irréprochable avec moi, même s'il n'a pas fait une grande saison, au bout. C'est un joueur qui a énormément de talent, et c'est dommage que la sélection algérienne ne puisse pas en bénéficier totalement. Et Feghouli, le suivez-vous encore ? Oui, évidemment. Avec Sofiane, on s'est fâchés au début. Il fallait que je le bouscule un peu et le remettre sur les rails, et heureusement, il a compris plus tard que je faisais ça pour son intérêt. A présent, on a de bons rapports, et je suis content du progrès qu'il a fait. Je suis fier de lui et de Saphir, et j'espère qu'ils s'éclateront ensemble en sélection. Je profite de l'occasion pour souhaiter à mon ami Vahid bonne chance pour les prochains matches.
