Le transfert électronique d'argent représente l'un des thèmes d'une conférence sur le développement des services financiers postaux annoncée par l'Union panafricaine des postes (UPAP) en février 2011 à Ouagadougou au Burkina Faso, en rapport avec son programme d'actions 2010-2011 adopté au terme de sa 29e session ordinaire lundi et mardi à Yaoundé. Enjeu crucial faisant office d'alternative pour leur croissance, le transfert d'argent en général est un mode de circulation de fonds sur lequel les services postaux en Afrique, non aptes à créer des banques commerciales spécialisées, ont emprunté aux opérateurs nationaux et surtout internationaux ( multinationales), et fondent aujourd'hui en partie leur raison d'être. Dans un continent où 64% des opérateurs offrent des points d'accès à Internet, " les services financiers représentent désormais une part importante des revenus de nombreuses postes africaines ", a indiqué le directeur général du Bureau international de l'Union postale universelle (UPU), Edouard Dayan, présent à la réunion de l'UPAP à Yaoundé. En 2008, l'UPU a adopté un accord multilatéral sur les transferts électroniques d'argent (IFS). A l'heure actuelle, 18 pays membres de l'UPAP l'appliquent pour leurs échanges, selon M. Dayan. " En Tanzanie et en Ouganda, a-t-il précisé, un partenariat avec l'Organisation internationale des migrations [OIM] a permis de développer le réseau IFS (..) Ce partenariat sera prochainement élargi à d'autres pays d'Afrique de l'Est ". l'enjeu est d'autant plus important que L'Afrique reçoit annuellement près de 40 milliards de dollars de ses migrants éparpillés à travers le monde malgré la crise financière internationale. Problème : aucune structure adéquate n'existe pour convertir ces fonds en investissements productifs. Ces importants transferts de fonds représentent entre 9% et 24% des PIB des pays africains et entre 80% et 750% de l'aide publique au développement selon Séverine Deboos du projet BIT/Migrant basé à Dakar. Une récente étude du Bureau international du travail souligne que de facto, les migrants sont ainsi considérés comme premiers bailleurs de fonds de bon nombre de pays africains. Il y'a cependant un besoin réel de structurer ces transferts et d'en assurer une meilleure gestion pour les travailleurs immigrés, les expéditeurs et bénéficiaires de transferts ainsi que les pays d'origine. Il y a au moins trois principaux défis à relever en matière de transfert de fonds en Afrique. Il s'agit de l'incertitude du volume des transferts, de la concurrence limitée, du manque d'innovation technologique et surtout des coûts élevés des transferts. On constate un quasi monopole des services de transferts d'argent de la part de deux géants du système : Western Union et Money gram qui contrôlent 65% de tous les locaux de déboursement. Résultat, les commissions font parfois 20% des montants envoyés en raison de cette situation. En Afrique de l'Ouest, " le projet visant à raccorder les zones rurales de 6 pays africains au réseau de transferts de fonds de l'UPU, cofinancé par le Fonds international de développement agricole [FIDA] et la poste française, est un autre exemple de réussite ", a par ailleurs fait savoir le directeur général du Bureau international de l'UPU. Il a appelé à faire la promotion de ce service pour encourager les bailleurs de fonds à faire le pari du réseau postal africain et développer le réseau électronique de l'UPU. Selon lui, " c'est un potentiel énorme pour les services postaux africains et une occasion unique de connecter les populations et de mettre en place des politiques d'inclusion financière ". Pour la plupart exsangues car minées par la mal-gouvernance associée à la difficulté d'assurer efficacement par des méthodes de gestion et de travail rigoureuses leur mission de service public, d'où des crises sociales au cours des années écoulées, les postes africaines ont pu se maintenir et se refaire une santé grâce au transfert d'argent, mécanisme dit innovant pour l'économie mondiale. Contrairement à leurs concurrents, ces institutions ont l'avantage d'offrir des services qui couvrent y compris les zones rurales, mentionne Claude Defoundoux, chef du Programme régional pour l'Afrique de l'UPU portant sur 44 des 53 pays du continent. " En plus, observe celui-ci encore, les postes sont en train de restructurer les institutions de caisses d'épargne et des chèques postaux pour les coupler avec les transferts d'argent et permettre aux bénéficiaires de cet argent qui leur vient par voie électronique de le mettre dans un compte et l'épargner. C'est un mouvement qui est en train de s'intensifier ". Directeur général de la Poste béninoise, Zakari Bourahima confirme cette position de leader incontesté dans son pays où, d'après lui, le transfert d'argent est une activité fondamentale caractérisée par le "mandat flash " effectué par le truchement des TPE, autrement dit les terminaux de paiement électronique. " A partir du moment où nous avons le signal d'un réseau GSM dans une localité, nous pouvons faire le transfert instantané d'argent. Nous utilisons le GPS. Donc, tous les 100 bureaux, aussi bien urbains que ruraux, participent au transfert d'argent local ", assure-t-il. Au plan international et régional, des partenariats sont annoncés avec des opérateurs comme Western Union et Money Express. De l'avis de Mme Foutama Alassane Boukar, coordinatrice de la cellule des chefs postaux de la Caisse d'épargne, la poste nigérienne s'appuie sur de tels partenariats avec des organismes comme Choice Money et Money Gram pour ses opérations de transfert de fonds à travers le Mandat Express International. " Nous sommes le réseau le plus étendu au niveau national. Donc, pratiquement tous les Béninois, entre 85 et 90%, ont accès à ce service. Nous sommes presque incontournables, parce que nous sommes jusque dans les arrondissements. Donc, tous les Béninois qui allaient dans les banques sont obligés de venir chez nous, parce que les banques ne sont pas partout ; il n'y a que la poste ", affirme M. Bourahima.