Face à l'inflation faible en zone euro, la Banque centrale européenne (BCE) va-t-elle annoncer de nouvelles mesures jeudi? La question divise les analystes tandis que le président de l'institution monétaire semble considérer qu'il n'y a pas urgence.Certes l'inflation est basse et le restera encore un moment, ce qui est loin d'être confortable, a admis à maintes reprises Mario Draghi. Mais la zone euro est loin d'avoir sombré dans un cycle déflationniste qui viendrait menacer la fragile reprise économique à l'œuvre. "Avec un taux moyen d'inflation de 0,8% en janvier, nous ne sommes clairement pas en déflation", a-t-il dit jeudi, ajoutant qu'"à ce jour, nous n'avons pas de preuve de consommateurs reportant leurs décisions d'achat", un phénomène typique des situations déflationnistes. En outre, les projections d'inflation pour la zone euro à moyen terme "continuent d'être fermement ancrées, et conformes à notre objectif de maintenir l'inflation sous, mais proche de 2%", a encore déclaré le patron de la BCE. Cette analyse semble confortée par le chiffre de l'inflation en février, publié vendredi. Alors que la plupart des analystes s'attendaient à ce qu'il ralentisse, il est resté stable à 0,8%. C'est "quelque peu une surprise", a réagi Howard Archer, chef économiste Europe du cabinet IHS. Avant de souligner que ce chiffre restait bien en-dessous de l'objectif de la BCE et que l'éventualité d'une action de sa part n'était donc pas exclue. "Nous pensons que si la BCE agit, cela prendra très probablement la forme de mesures destinées à augmenter les liquidités" en circulation, estime-t-il. Par exemple, en arrêtant de "stériliser" les achats de dette publique opérés dans le cadre du programme SMP entre 2010 et 2012. Cette stérilisation, qui consiste à inciter les banques à déposer des liquidités sur un dépôt hebdomadaire, doit éviter un surplus de liquidités sur le marché et donc une menace inflationniste. Selon lui, la BCE pourrait aussi lancer un nouveau prêt à long terme (LTRO) en faveur des banques, "spécialement taillé pour encourager le crédit au secteur privé" qui peine à reprendre de l'élan. Il juge en revanche peu probable l'éventualité d'une baisse du principal taux directeur de la BCE, déjà à 0,25%, son niveau le plus bas historique auquel il avait été porté en novembre, même "s'il reste possible que la BCE le porte à 0,15%, voire 0,10%".
L'OMT, le meilleur instrument Jonathan Loynes, chef économiste Europe chez Capital Economics, pense lui "qu'il y a une très grande possibilité soit d'une baisse de taux, soit d'une forme d'assouplissement quantitatif (quantitative easing)", c'est -à -dire l'achat en gros d'actifs financiers. Au contraire Cédric Thellier, de Natixis, considère que le niveau de la hausse des prix en février "réduit clairement la probabilité d'une baisse de taux". La BCE actualisera jeudi, comme chaque trimestre, ses prévisions de croissance et d'inflation pour 2014 et 2015 et donnera celles pour 2016, se risquant pour la première fois à des projections à deux ans. Certains analystes s'attendent à ce qu'elle révise à la baisse ses attentes d'évolution des prix pour cette année et l'an prochain, actuellement de +1,1 et +1,3%. Mais s'il s'avère que le chiffre pour 2016 est attendu autour de 1,7%, "le conseil des gouverneurs pourrait l'interpréter comme un retour progressif au seuil de 2%" et donc éviter d'agir, pronostique Cédric Thellier. Pour Holger Schmieding, chef économiste de la banque Berenberg, la BCE n'interviendra que si elle perçoit des risques pour la croissance, ce qui n'est pas le cas. Si cela l'était, "son meilleur instrument" reste son programme de rachat de dette d'Etat, dit programme OMT, annoncé en septembre 2012 mais qui n'a jusqu'ici jamais été utilisé. La Cour constitutionnelle allemande a récemment émis des doutes sur sa légalité, sans aller jusqu'à l'interdire. M. Draghi a contre-attaqué jeudi en réaffirmant que cet outil était complètement conforme au mandat de maintien de la stabilité des prix de la BCE et en réclamant de la souplesse "face aux défis" auxquels la zone euro est confrontée.