L'indice de confiance des grandes firmes manufacturières japonaises s'est étonnamment maintenu au même niveau dans l'édition de juin de l'enquête Tankan de la Banque du Japon, mais les autres catégories de société se montrent plus inquiètes dans un contexte économique globalement médiocre. Alors que les économistes s'attendaient à un recul du moral des importants groupes industriels, il est resté à +6, un niveau auquel il était tombé en mars (contre +12 auparavant), selon les résultats de cette étude trimestrielle du "sentiment à court terme". Les réponses à cette enquête conduite pendant le mois de juin auprès de plus de 10'000 sociétés sont en très grande partie parvenues à la banque centrale avant l'annonce de la décision de la Grande-Bretagne de sortir de l'Union européenne. Ce Brexit n'est donc pas pleinement pris en compte, même si des craintes existaient et que les cours des monnaies notamment en subissaient l'impact.
Moral fragile Les grandes entreprises manufacturières, qui ont pris des dispositions contre la flambée de la devise nippone, ne s'alarment apparemment pas outre mesure. "Elles prévoient même qu'elles auront toujours le même niveau de confiance dans la prochaine vague", relève dans une note Marcel Thieliant de Capital Economics. "Certes, mais il est probable que cela change dans un contexte mondial mouvant et alors que le yen s'est plus renforcé", répond dans un commentaire publié sur un site du groupe Nikkei Mari Iwashita, de SMBC Friend Securities. Si le dollar venait à tomber durablement sous le seuil psychologique des 100 yens (il y est passé furtivement après l'annonce du Brexit), le moral des grands patrons de l'industrie serait plus affecté. Les autres catégories d'entreprises (petites et moyennes, non manufacturières) voient déjà le contexte de façon un peu plus pessimiste que trois mois plus tôt, selon les détails de l'étude. La confiance des grandes sociétés des secteurs non-manufacturiers a reflué de 3 points à +19, ce qui reflète, selon les économistes, un certain scepticisme sur l'évolution des rentrées liées au tourisme étranger au Japon. Le nombre de visiteurs dans l'archipel continue de croître mais leurs dépenses n'augmentent pas nécessairement au même rythme. La hausse du yen ces dernières semaines est susceptible de rendre plus précautionneux les voyageurs étrangers dans l'archipel. Tous secteurs confondus, le moral des grandes entreprises a baissé d'un point, à +12.
Regards braqués sur la BoJ Du côté des PME (tous secteurs confondus), le repli est de 3 points à +9 pour les firmes de moyenne envergure, et la confiance est devenue négative pour les plus petites (à -1, en repli de 2 points). Ces données viennent globalement confirmer que les entreprises de la troisième économie mondiale ne sont pas dans leur meilleure forme même si le Premier ministre Shinzo Abe se félicite des résultats de sa politique "abenomics" qui, dit-il, a permis de doper l'emploi et de faire progresser les salaires. Certes, tout va bien sur le front de l'emploi, sur le papier du moins, puisque le taux de chômage est resté en mai à 3,2% de la population active et que les conditions du marché du travail se sont encore améliorées avec un ratio de 136 offres pour 100 demandes, du jamais vu en 24 ans et demi. Les autres statistiques publiées jeudi et vendredi confirment que le Japon est cependant loin d'avoir atteint les objectifs fixés par les autorités, à savoir se débarrasser de la déflation et recouvrer une consommation croissante des ménages. Hors ceux des produits périssables, les prix ont fléchi de 0,4% en mai comparés à leur niveau un an plus tôt, et les dépenses des foyers ont décliné de 1,1% sur un an. Reste à savoir quelle influence auront ces éléments combinés (Brexit compris) sur les décisions de politique monétaire de la Banque du Japon qui doit se prononcer fin juillet. "Il paraît inévitable que l'enquête Tankan va conduire la banque centrale à étudier de nouvelles dispositions", estime Mme Iwashita. Le gouvernement, lui, a promis un nouveau plan de relance pour l'automne et M. Abe insiste sur la nécessité de poursuivre sur la même ligne politique, espérant convaincre la population de conforter sa position lors du scrutin sénatorial du 10 juillet.