La première route solaire au monde a été inaugurée ce week-end en Normandie par la ministre de l'Environnement, Ségolène Royal, une technologie qu'elle espère étendre largement en France et à l'étranger, malgré des critiques sur son coût et son efficacité. Ce prototype en phase test promeut le concept de routes à énergie positive, des surfaces routières ayant la particularité de transformer le rayonnement solaire en énergie. Cernée par une foule de journalistes, la ministre a officiellement raccordé au réseau électrique le premier kilomètre de ce prototype de revêtement innovant, constitué de cellules photovoltaïques encapsulées dans une résine et collé sur la chaussée. Les 2 000 automobilistes qui empruntent en moyenne chaque jour la RD5 pour sortir de Tourouvre vont donc désormais rouler pendant un kilomètre sur 2 800 m2 de dalles photovoltaïques aux allures de carrelage plastifié. Selon les initiateurs de ce projet baptisé Wattway, co-inventé par Colas et le CEA Tech, la route solaire normande doit produire l'équivalent de l'éclairage public d'une ville de 5 000 habitants. Les cellules photovoltaïques sont fabriquées par la Scop SNA, à Tourouvre. L'ensemble des travaux est couvert par une subvention d'Etat de 5 millions d'euros hors taxe. C'est un prototype qui commence à intéresser au niveau international, a observé la ministre, relevant que les Chinois, les Africains, et les Marocains ont manifesté leur intérêt en visitant le stand dédié à cette technologie lors de la COP22 à Marrakech. C'est une idée de génie, on utilise un espace qui sert à autre chose et qui ne va pas consommer des terres agricoles dans les pays très peuplés, a-t-elle plaidé. Déploiement national Confiante dans cette technologie, Mme Royal a développé lors d'une conférence de presse les caractéristiques de son plan de déploiement national des routes solaires, avec pour objectif la réalisation de 1 000 km de voies solaires d'ici cinq ans. L'?tat va conduire en 2017 un plan d'expérimentation de route solaire sur le réseau routier national, première étape d'un programme de déploiement sur les 4 années à venir, a indiqué le ministère. La route 164, en Bretagne, a été choisie pour expérimenter le premier tronçon de route solaire sur une voie nationale. Le plan se traduira également par le lancement en janvier d'un appel d'offres innovation pour encourager le développement de technologies solaires innovantes. La Commission de régulation de l'?nergie (CRE) sera saisie dès janvier d'un projet de cahier des charges pour la réalisation d'installations solaires innovantes, a précisé le ministère. Si le concept de route solaire présente de nombreux avantages, notamment celui d'utiliser, pour produire de l'électricité, des chaussées qui ne sont en moyenne occupées par les voitures que 20% du temps, selon Colas, des critiques se font néanmoins entendre. Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), se dit ainsi interrogatif. On a un prototype à environ 17 euros par watt alors qu'on arrive à 1 euro par watt pour des centrales (photovoltaïques) au sol. La question est donc de savoir quel est le potentiel de réduction de ce coût, a-t-il expliqué. Le représentant de la principale organisation professionnelle du secteur s'interroge aussi sur la quantité d'énergie produite en conditions réelles. Les panneaux photovoltaïques sont en position horizontale, ce qui n'est pas l'inclinaison optimale, remarque-t-il, ajoutant que le passage de véhicules diminue la production d'énergie. Enfin, la durée de vie du produit, beaucoup plus sollicité qu'un panneau sur une toiture, pose aussi question, selon lui. Pas de quoi décourager le volontarisme de la ministre, qui a lancé au public en partant: bonne route!. Si la route solaire ornaise est une première mondiale, au nord d'Amsterdam, une piste cyclable solaire de 70 m est en service depuis deux ans, sur une voie où passent quelques 2 000 vélos par jour. Si le revêtement a mal résisté au premier hiver, le problème a été résolu depuis. L'Allemagne est aussi sur les rangs, et projette une route test de 150 m près de Cologne. Aux Etats-Unis, le Missouri travaille à l'installation d'environ 19 m2 sur un trottoir. Décourager les Français d'acheter des voitures diesel La ministre de l'Environnement et de l'?nergie Ségolène Royal s'est dite favorable jeudi à une interdiction complète à terme des voitures diesel en France, à l'image de ce que la maire de Paris Anne Hidalgo veut appliquer dans la capitale à partir de 2025. A la question de savoir s'il ne serait pas plus simple de tout bonnement interdire la vente de voitures diesel en France, la ministre a répondu positivement. Mais si, il faut préparer l'après-diesel, malgré les résistances, a déclaré Ségolène Royal sur France Inter, estimant que l'interdiction des voitures diesel prévue à Paris dès 2025 était une bonne idée parce qu'il faut anticiper. Mais on ne peut pas faire les choses du jour au lendemain, il faut être aussi responsable par rapport aux emplois industriels, a toutefois tempéré la ministre. Je vais dire aux Français de ne pas acheter de diesel parce que progressivement, l'avantage donné à la fiscalité du diesel va être supprimé, a-t-elle affirmé. Le diesel verra en effet sa fiscalité alourdie à compter du 1er janvier: son prix augmentera d'environ 4 centimes, tandis que la taxation de l'essence sera légèrement amoindrie. On rapproche la fiscalité, c'est-à-dire qu'on fait plus un sur le diesel et moins un sur l'essence, a précisé Mme Royal. On ne peut pas à la fois dire que le diesel et les particules provoquent de très très graves problèmes de santé publique et en même temps continuer à donner un avantage au diesel, c'est fini cela, il faut passer à l'après-diesel, a justifié la ministre de l'Environnement. Mme Royal a par ailleurs rappelé que pour tous les citoyens qui remplacent un vieux diesel de plus de 10 ans par une voiture électrique, le gouvernement a mis en place une aide de 10.000 euros ainsi qu'une prime de 1.000 euros pour l'achat d'un scooter électrique à compter du 1er janvier. Dans le sillage d'un rapport parlementaire présenté début octobre qui préconisait une suppression progressive de tous les avantages fiscaux au diesel en cinq ans, le gouvernement a annoncé un rééquilibrage fiscal entre diesel et essence, au bénéfice de cette dernière, dont la première étape entrera en vigueur dès le 1er janvier. Les entreprises pourront à terme déduire 80% de la TVA appliquée sur l'essence, comme c'est le cas actuellement pour le gazole, une mesure qui se fera de façon progressive; en cinq ans pour les véhicules particuliers, et en six ans pour les utilitaires légers, comme adopté dans le budget 2017. Début octobre, Ségolène Royal avait évoqué une durée de deux ans. Un projet qui intéresse à l'étranger La ministre de l'Environnement, Ségolène Royal, s'est dite confiante jeudi que son coût était appelé à baisser et qu'elle aurait des débouchés en France et à l'étranger, notamment en Afrique. Q: La route solaire est-elle un marché d'avenir à l'étranger, notamment dans les pays en développement? R: C'est un prototype qui commence à intéresser au niveau international: lors de la COP22 (à Marrakech en novembre), les Chinois, les Marocains sont venus voir le stand, les Africains aussi. Il y a un potentiel. Les perspectives du déploiement du photovoltaïque sont considérables, par exemple en Afrique où il faut à la fois faire les routes, où il y a des besoins d'énergie: ça peut être des parkings, des bords de route, le long des voies ferrées. C'est réutiliser aussi toutes les voies de circulation, ça ne prend pas de terres agricoles. C'est une idée de génie car on utilise un espace qui sert à autre chose, qui ne va pas consommer des forêts, des terres agricoles dans les pays très peuplés. Q: Que représente dans le plan de transition énergétique français l'inauguration de cette petite route solaire d'un kilomètre, même si elle est une première mondiale? R: Il s'agit de montrer que la France est à la pointe des innovations technologiques dans les énergies renouvelables. Nos entreprises sont extrêmement performantes en matière d'innovation dans toutes les filières de la transition énergétique. Tout notre travail consiste à encourager la créativité industrielle. On ne fait pas que de la route solaire! Le plan photovoltaïque français porte sur 1.300 projets pour 1,64 milliard d'euros. La route solaire, c'est 5 millions d'euros, elle s'inscrit dans le cadre de ces 1.300 projets qui ont été attribués dans toute la France. Cette route solaire est aussi un investissement qui rapporte déjà puisqu'il génère 70 emplois. Cela fait des salaires, c'est un investissement qui va aussi dans les entreprises publiques, ce sont des travaux, des fabrications de dalles photovoltaïques. C'est réinjecté dans les entreprises locales, cela crée du travail. Q: Des critiques et des doutes sont émis sur ce projet: certains experts parlent d'un gadget à la productivité faible et qui peut se dégrader rapidement R: Ces critiques sont complètement déplacées. A les écouter, il ne faut jamais innover. La France -- c'est dans sa loi de transition énergétique - prévoit 40% d'énergies renouvelables dans l'électricité à l'horizon 2030. Donc c'est maintenant qu'il faut investir. C'est vrai qu'il y a une compétition dans ce domaine. Personne n'est obligé de construire des routes solaires. La route solaire est un prototype. Comme tous les prototypes de recherche, au départ, le prix est élevé proportionnellement. Mais les prix du photovoltaïque ont considérablement baissé, de 60%, et plus il y aura de réalisations de routes solaires, de parkings solaires, qui vont à terme permettre de recharger les voitures électriques (...) plus le prix va baisser.