De nouveaux tests confirment que certaines Renault et Fiat dépassent la norme. La fraude n'est pas encore prouvée et l'excuse reste la même : les systèmes de dépollution ne peuvent fonctionner tout le temps, à plein, sans risquer la panne. Qu'ils soient indépendants ou officiels, les tests pratiqués en France comme en Allemagne à la suite de la révélation des pratiques frauduleuses du Groupe Volkswagen n'ont pas été à l'avantage des moteurs Diesel produits par le constructeur français Renault et par l'italien Fiat. Non contents de figurer parmi ceux qui émettent le plus d'oxydes d'azote (NOx), certains de leurs modèles dépassent outrageusement la limite légale. Ce constat dérangeant est confirmé ce 5 mai 2017 par l'ultime fournée de résultats des tests conduits par l'IFP Energies nouvelles, un organisme de recherche et de formation financé par des fonds publics et privés. Ils relèvent que la Fiat 500X se permet dans certaines phases de fonctionnement de recracher environ quatre fois plus de NOx que durant les tests normalisés qui servent à l'homologation des véhicules (le fameux cycle NEDC). Le dépassement est encore de 2,5 fois le seuil légal pour ce qui est de la Renault Clio conforme à la norme Euro 5 et de la Renault Captur Euro 6. Obligatoire pour tout nouveau véhicule homologué depuis le 1erseptembre 2014, la norme Euro 6 est surtout connue pour la réduction drastique du seuil maximal de NOx qu'elle impose (de 180 à 80 mg/km). Avant elle, en 2010, la norme Euro 5 avait conduit les constructeurs à généraliser le filtre à particules. Hormis la Renault Clio Euro 5, la Renault Captur Euro 6 et la Fiat 500X Euro 6, les sept autres véhicules testés par l'IFPEN sont l'Audi Q3, l'Audi A1, la Volkswagen Polo, la Peugeot 5008 (toutes Euro 5), la Ford Kuga, la Mercedes-Benz S 350 et l'Opel Astra (Euro 6). Coordinatrice du réseau santé et environnement au sein de France nature environnement, la fédération française des associations de protection de la nature et de l'environnement, Charlotte Lepitre déplore ces "écarts complètement inacceptables". Karima Delli, députée européenne écologiste et vice-présidente de la Commission d'enquête du Parlement européen sur le Dieselgate estime quant à elle que ces résultats "confirment notamment que les constructeurs automobiles ont rivalisé d'ingéniosité pour déployer des stratégies de dépollution" et l'existence d'un "contournement massif des normes européennes anti-pollution." L'une comme l'autre regrettent que les constructeurs n'aient pas organisé un rappel massif des modèles incriminés.
L'IFPEN a testé 10 élèves parmi les moins bons Neuf mois durant, de novembre 2015 à juillet 2016, les techniciens de l'organisme indépendant UTAC-CERAM mandatés par la Commission Royal ont mesuré les quantités de dioxyde de carbone (CO2) et d'oxydes d'azote (NOx) émises par quatre-vingt-cinq véhicules à motorisation Diesel, jugés représentatifs du marché. Objectif, quantifier de décalage entre les émissions mesurées en conditions réelles d'usage et durant les tests d'homologation d'une part ; tenter de déceler la présence de logiciels frauduleux, d'autre part. Le 29 juillet 2016, la Commission Royal livrait ses conclusions et déplorait que plus de la moitié des véhicules testés étaient "en anomolie" pour ce qui est des émissions de CO2, et un tiers environ pour ce qui est des NOx. Autrement dit, un véhicule sur trois émet davantage d'oxydes d'azote que le seuil prévu par la norme en vigueur au moment de sa commercialisation (Euro 5 ou Euro 6). Les décalages les plus importants (jusqu'à dix fois le seuil légal) sont à mettre au débit de Renault et de Nissan, de Fiat, d'Alfa Romeo et de Jeep, d'Opel et de Mercedes-Benz. Les constructeurs entendus par les membres de la Commission Royal ont donné des explications et des justifications qui reprennent peu ou prou les termes de celles livrées aux eurodéputés, membres de la Commission d'enquête sur la mesure des émissions dans le secteur de l'automobile (EMIS). Elles peuvent se résumer en deux points essentiels.
La règle européenne offre un échappatoire Premièrement, la grande variabilité des conditions de roulage en Europe implique un décalage inévitable entre les chiffres "réels" et les chiffres officiels d'homologation. Deuxièmement, la réglementation européenne autorise les constructeurs à diminuer l'efficacité de leurs systèmes de dépollution dès lors que la sûreté de fonctionnement et la longévité du moteur sont menacées. Autrement dit, les constructeurs prétendent que les systèmes de dépollution ne peuvent fonctionner de manière continue au maximum de leur capacité sans risquer la panne (encrassement). En réponse, la Commission Royal s'est émue du fait que ses relevés tendent à démontrer que cette exception de sauvegardeest actionnée par les constructeurs "bien avant que les limites physiques ne soient effectivement rencontrées par les systèmes utilisés, soit par prudence, soit par absence de réévaluation des contraintes de fiabilité au fil de l'évolution des moteurs". Une opinion partagée par les eurodéputés membres de la Commission EMIS. C'est pour s'assurer que certains constructeurs n'abusent pas de cette excuse que le Ministère de l'Environnement a décidé l'été dernier de mandater l'IFPEN pour mener des "investigations approfondies, et de nouveaux tests" afin d'évaluer si les dix véhicules les moins bien notés sur les quatre-vingt-cinq testés à l'origine "ne doivent pas faire l'objet d'un retrait de leur certificat d'homologation". Il n'appartient pas à l'IFPEN de prendre ce genre de sanction. En revanche, il est très probable que les conclusions de son enquête viendront s'ajouter à celles de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) pour alimenter l'information judiciaire ouverte par le Parquet de Paris sur Renault, Fiat Chrysler Automobiles et le Groupe PSA.
La conformité des véhicules en circulation bientôt testée ? Avant même la présentation de l'intégralité des résultats des tests de l'IFPEN, le Ministère de l'Environnement avait exprimé sa volonté de consulter les constructeurs, les administrations et les ONG sur la pertinence d'un projet de décret qui consisterait à "[prélever] chaque année un nombre minimum de véhicules et de composants destinés à ces véhicules chez les opérateurs économiques (constructeur, importateur, distributeur...) afin de vérifier leur conformité". Cette ambition trouve un écho favorable chez la vice-présidente de la Commission d'enquête du Parlement européen sur le Dieselgate, Karima Delli qui recommande la création d'une autorité de surveillance indépendante à l'échelon communautaire. Le 4 avril 2017 cependant, le Parlement de Strasbourg a voté contre ce projet de création d'un gendarme des marchés automobiles, au prétexte qu'il reviendrait à doter un organe communautaire du pouvoir discrétionnaire de mettre à l'amende l'administration des Etats-membres. Le rapport d'enquête de la Commission EMIS montre pourtant que les Etats-membres ne se sont pas donnés la peine d'enquêter pour tenter d'expliquer le décalage important et croissant entre les émissions d'oxydes d'azote relevés en conditions réelles de circulation et durant les tests d'homologation.