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Tunisie: La gauche tunisienne a abandonné sa raison d'être
Publié dans Le Maghreb le 21 - 10 - 2019

Les élections générales tunisiennes ont consacré la montée de nouveaux courants politiques et l'écroulement de forces plus traditionnelles. À commencer par le Front populaire, en déliquescence aujourd'hui. Pour l'historien Abdejlil Bouguerra, la gauche tunisienne paie le prix de son renoncement au socialisme. Entretien.

Originaire de Kairouan, dans le centre de la Tunisie, Abdejlil Bouguerra est docteur en histoire contemporaine de l'université de Tunis. Il est considéré aujourd'hui comme le principal historien de la gauche tunisienne. Au début des années 1970, il a fait partie du Groupe d'étude et d'action socialiste de la Tunisie (GEAST), actif dans les milieux studiantins en Tunisie et en France.
Plus connu sous l'appellation de Perspectives, du nom de la revue éponyme qu'il publiait, le GEAST est devenu une faction d'action clandestine, basculant au fil des décennies du marxisme-léninsime au maoïsme en passant par le trotskisme. Depuis la création de ce mouvement, en 1963, ses militants ont été persécutés à intervalles réguliers par le pouvoir de Habib Bourguiba.
Dans un entretien avec Sputnik, Abdejlil Bouguerra revient sur la situation de la gauche dans la Tunisie postrévolutionnaire. Il décrypte les vicissitudes qui traversent, aujourd'hui, ce courant politique, au premier rang desquelles le renoncement au socialisme, qui fait pourtant partie de "sa raison d'être". Il regrette que la gauche lui privilégie une approche droit-de-l'hommiste, "incohérente et peu rapporteuse politiquement" de son point de vue.

Sputnik: Le Front populaire, la coalition la plus importante des partis de gauche, a été laminé aux dernières élections présidentielle et législatives. Ce camouflet vous a-t-il étonné?
Abdejlil Bouguerra: "Disons que c'est un juste retour à l'ordre des choses. Le Front populaire n'a recueilli, cette fois-ci, qu'un seul siège de député et son candidat à la présidentielle n'a pas dépassé 1%. C'est effectivement un camouflet par rapport aux élections de 2014, quand le Front populaire avait recueilli 15 sièges à l'assemblée, constituant ainsi la troisième force politique du pays. Toutefois, ce palmarès - de 2014 - était moins le résultat d'une force intrinsèque que d'un concours de circonstances."

Par concours de circonstances, vous entendez l'assassinat, en 2013, de deux de leaders de la gauche, ChokriBelaïd et Mohamed Brahmi?
"Absolument. Politiquement, la gauche a tiré profit, en quelque sorte, de ces deux assassinats. Mais il y a également autre chose, puisqu'elle a compris que la division jouait contre elle. C'est la création, en 2012, du Front populaire qui regroupait une douzaine de partis, allant de la gauche marxiste aux nationalistes arabes, baathistes et nasséristes. Une union de cette ampleur est historique dans les annales de la gauche tunisienne."

Dans ce cas, pourquoi ne pas avoir construit sur cet acquis pour progresser encore plus en 2019?
"Il y a plusieurs raisons à cela. Sur le plan structurel, d'abord, ses dirigeants n'ont pas cherché à avoir un ancrage régional. C'est la raison pour laquelle, par exemple, leurs résultats aux élections municipales ont été médiocres. La seule véritable structure dont ils disposent, c'est le Conseil des secrétaires généraux, et il se réunit à Tunis!
Il y a également une attitude psychologique, si caractéristique de la gauche tunisienne, qui explique cette incapacité à aller de l'avant. La gauche tunisienne se complaît dans le rôle de l'opposition. Certes, et pour leur défense, en 2014, c'était le Président de l'époque, Béji Caïd-Essebsi, qui avait choisi de s'allier avec les islamo-conservateurs d'Ennahda plutôt qu'avec eux. Tout de même, leur carte mentale politique n'est pas faite pour gouverner, mais pour s'opposer."

Insinuez-vous qu'ils ne se sont pas encore départis des réflexes contestataires, acquis au terme de si longues années d'opposition?
:"Absolument. Et ce constat emporte un corollaire: celui que la gauche a renoncé, depuis longtemps, au socialisme comme revendication politique globale, pour se recentrer sur les droits et libertés. Or, en devenant essentiellement droit-de-l'hommiste, la gauche abandonne sa raison d'être. C'est, en outre, un créneau pas très rapporteur politiquement puisque la gauche n'est pas seule sur ce terrain. Je parle du droit-de-l'hommisme comme d'un corollaire aux réflexes contestataires puisque les contraintes de l'exercice du pouvoir dépassent le paradigme des droits humains dans lequel ils se sont volontairement confinés. Il faut comprendre que sous les régimes de Bourguiba et de Ben Ali, l'essentiel de leur énergie était tourné vers leur survie politique et la dénonciation de la persécution qu'ils subissaient. Il y a eu, à un moment donné, une communion dans la démarche dénonciatrice, entre la gauche et la société civile. La confusion date de cette époque."

Il n'y a donc, aujourd'hui, aucun parti politique représentant la gauche socialiste?
"Sur la scène politique partisane, il n'y en a pas vraiment. Il y a, par contre, un fort courant à l'intérieur de la centrale syndicale UGTT qui prêche ce socialisme et œuvre dans ce sens. En fait, quand les leaders de la gauche tunisienne se sont convertis au droit-de-l'hommisme, c'est au profit de cette puissante organisation qu'ils ont "délégué" le socialisme économique."

De quand date ce revirement?
"C'était dans la foulée des premiers grands procès de la gauche tunisienne, au début des années 1970. Au début, les militants de la gauche, qu'ils soient du Parti communiste ou de Perspectives, considéraient que la question des droits de l'homme n'intéressait pas le prolétariat. Mais quand ils ont été persécutés et emprisonnés pour leurs idées politiques, ils ont compris l'importance de ces valeurs, si bien que, bientôt, celles-ci ont pris le pas sur le socialisme en tant que revendication politique globale."

Aujourd'hui, à côté du Front populaire laminé, qui représente la gauche droit-de-l'hommiste?
Abdejlil Bouguerra: "La relève est assurée par Mohamed Abbou (secrétaire général du Courant démocratique, ndlr) qui représente, aujourd'hui, à merveille la gauche droit-de-l'hommiste. Abbou jouit d'une certaine crédibilité chez les jeunes, beaucoup plus que les dirigeants du Front populaire. Son succès tient notamment au fait qu'il s'est éclipsé, pendant quelques années, pour faire oublier son passage au sein du Congrès pour la République (CPR), mais surtout à son discours qu'il a rationalisé de façon à ce qu'il ne heurte pas les traditions de la société tunisienne.
Il faut dire que la question identitaire a souvent été le parent pauvre de la gauche tunisienne, qui a fait preuve de maladresse en essayant de la gérer. On peut dire que c'est le "moteur" islamo-conservateur d'un parti comme le Courant démocratique, ou nationaliste arabe, comme Le Mouvement du peuple, qui sauve relativement la mise pour ces deux partis de la gauche droit-de-l'hommiste. Le reste de la gauche a abandonné son "moteur" socialiste, pour ne garder que la coquille droit-de-l'hommiste."

Comment expliquez-vous qu'une partie d'une jeunesse de gauche ait soutenu le président élu, Kaïs Saïed, dont les positions conservatrices sur le plan sociétal sont pourtant connues?
"s'agit d'une jeunesse qui, bien que pouvant avoir des affinités à gauche, ne réduit pas ce courant à la seule expression des valeurs libérales qu'il incarne. Cette jeunesse-là voit ainsi dans Kaïes Saïd un citoyen simple, s'inscrivant en faux contre le système politique traditionnel, un citoyen qui incarne la probité et la méritocratie. Cela est suffisant, à ses yeux, pour que Kaïs Saïed mérite son soutien."

Des leaders du Front populaire ont parlé de la nécessité de se remettre en question après les résultats de ces élections, qu'en pensez-vous?
"Je ne pense pas qu'il puisse y avoir, au sein de cette gauche, une remise en question sérieuse. D'abord, parce que cela n'a jamais été fait. Ensuite, parce que le fait de revoir sa copie politique et idéologique nécessite d'avoir des penseurs. Or, le drame de la gauche tunisienne, c'est qu'elle n'a jamais enfanté des penseurs, des économistes, des philosophes. En France, il y avait des gens comme Bourdieu ou Deleuze; en Égypte, Samir Amine. En Tunisie, il faut remonter aux années 1930 pour trouver une trace - la seule - d'un penseur socialiste tunisien, qui est Tahar Haddad. Lui avait un projet intellectuel abouti qu'on peut encore retrouver dans ses œuvres."


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