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«Je suis né à la Casamance…»
Portrait de l'auteur par lui-même
Publié dans Le Midi Libre le 17 - 06 - 2008

«Mon père m'a envoyé à l'école, c'était par erreur, car dans ma famille j'étais le premier à y aller…Je suis né en Casamance. Avant ma naissance, cette région appartenait aux Portugais, et puis ils l'ont vendue aux Français, et toujours par erreur je me suis retrouvé Français! Toute ma vie est ainsi faite d'erreurs! Je me dis parfois que ma vie elle-même est une erreur ? Par exemple je suis né un premier janvier (en 1923) c'est un record ! Mais mon père m'a déclaré le 8 ; il a attendu une semaine pour aller à la mairie, pour marquer ma date de naissance, qu'est ce qui s'est passé pendant ces huit jours ? Je me pose toujours la question ! Ma mère me disait « tu es né le jour ou il y'avait la fin de l'année. » je n'ai pas pu faire de grandes études ;à l'époque coloniale c'était facile mais par erreur on a trouvé que je n'étais pas très docile …En 1937, j'ai giflé le directeur de l'école, un Blanc, un Corse, qui voulait nous enseigner le corse ! Je ne sais pas comment certaines choses arrivent, je vous en parle, mais je ne peux pas les analyser parce que j'évite de les analyser … On m'a sorti de l'école, à partir de ce moment-là, j'ai fait de multiples apprentissages dans cette famille élastique, j'ai appris la maçonnerie chez un frère, la mécanique chez un autre, j'ai travaillé pour gagner mon pain. La guerre est arrivée, je me suis retrouvé militaire comme sujet français, d'abord on nous a dit que nous défendrions notre patrie avec Pétain – encore une erreur de l'histoire ! – le lendemain on a renversé Pétain et je me suis retrouvé gaulliste ! La situation coloniale n'avait cependant pas changé et je continuais toujours à être soldat ! Apres la guerre je me suis retrouvé à Dakar ; là il s'est passé quelque chose de nouveau il y'avait le parti S.F.I.O. de Lamine Gueye, qui parlait d'une assimilation outrancière …C'était la revendication de l'époque mais, même avant la première guerre, le revendication des intellectuels du Sénégal était l'assimilation. A partir de ce moment des professeurs sont venus à Dakar, Suret-Canale et d'autres, des communistes qui se sont mis à nous parler de Marx et communisme. (…). Dakar, dans un quartier ou j'habitais rien qu'en ouvrant la porte j'étais dans le meeting politique ! Comme un fait exprès, il fallait que les gens s'occupent de politique devant ma porte ! Et ainsi je me suis retrouvé mêlé à des choses qui m'ont dépassé, que je n'arrivais pas à saisir, sincèrement… Je voulais parler, mais comme j'étais analphabète et je n'y parvenais pas bien. Je me suis dit bon, je retourne en France ! déjà, au fond de moi-même, je ne me sentais pas en accord avec ce que j'entendais, mais je n'avais pas assez d'arguments, je n'avais pas de quoi affirmer ces discours. J'ai pris un bateau sans payer le ticket, clandestinement; je me suis retrouvé à Marseille (c'était en 1948), je suis allé à Paris puis je suis retourné à Marseille, toujours sans payer le ticket, comme si les chemins de fer français appartenaient à mon père.
‘'... j'ai pu juger que le Noir était né imbécile, mais que le Blanc était encore plus bête''
Lépoque coloniale n'était comme même pas mal j'ai pu juger que le Noir était né imbécile, mais que le Blanc était encore plus bête ! Chaque fois que j'étais en contradiction avec la loi, je faisais l'imbécile, je ne voulais rien comprendre, les Blancs concluaient (ils ne comprennent absolument rien !) Et moi je passais. Vraiment, je pensais alors que Marseille était ma base. Je me suis inscrit à la CG T, j'ai travaillé au port. Le hasard a fait que j'étais le plus gueulard. Je me suis affilié en 1950 au parti communistes, je me suis retrouvé responsable syndical, responsable de cinglés qui n'étaient pas plus intelligents que moi, et je n'ai pas la prétention d'avoir plus d'intelligence que les autres ! Pendant cette période, il y a eu la première guerre du Vietnam ; je n'avais pas pris encore conscience du fait colonial mais avec cette guerre cela a changé. J'ai compris à la différence peut être de nombreux intellectuels, que le fait colonial de cette époque était plus économique que culturel. Pendant trois mois, nous avons bloqué le port de Marseille pour empêcher l'embarquement des armes à destination de l'Indochine. Je me suis retrouvé au milieu de cette grève comme responsable; c'était ma seconde lutte, après la grève des cheminots. J'avais à parler à 5000 bonshommes d'une manière quotidienne; il fallait se lever à cinq heures du matin et se coucher parfois très tard. J'avais à lire et à comprendre, parce que j'avais envie de dire des choses, mais je n'avais pas encore la possibilité de les formuler… A partir de ce moment-là, je me suis donc remis à l'école et j'ai commencé à dépasser une certaine étape. Après cette grève, comme Marseille était la porte de l'Afrique, j'ai vu défiler des gens. Nous avons créé la première Association des travailleurs sénégalais en France; je me suis trouvé investi d'une responsabilité morale, et j'ai commencé à fréquenter des écrivains, car j'avais le désir d'écrire et je n'étais pas d'accord avec leurs écrits. Chaque fois qu'il passait un écrivain, ou que chaque fois que la possibilité m'était donnée d'aller à Paris, je rendais visite à un écrivain africain, quelque soit sa nationalité…Par chance ou par curiosité pour les jeunes, ils me recevaient. Et je me suis mis à écrire. Ce fut le Docker noir. Avec Cheikh Anta Diop, parallèlement à cette période, nous avons pu créer l'Association des étudiants noirs».
Senghor a son quartier, le Plateau, Sembene le sien, le Quartier indigène
«Nos bons bourgeois, ceux qui sont devenus des «patrons» ne peuvent plus écrire, peut-être leurs enfants vont-ils écrire sur ce milieu ? Comme je ne le connais pas, je ne peux pas écrire que sur le monde du bus et de la rue, parce que j'y suis tout le temps, à telle enseigne qu'on dit à Dakar que Senghor a son quartier, le plateau, et Sembene le sien, le quartier indigène ! Quand les gens viennent à Dakar, et qu'ils disent au président « Nous voulons visiter la quartier indigène », il leur répond « il faut aller voir Sembene ! ». Je connais ce quartier en toute profondeur, les maisons, les femmes, les prostituées, les parasites, les lépreux. Je fais des projections aux prisonniers, gratuitement, aux enfants délinquants ; je leur parle de la culture, c'est tout, ils n'ont même pas besoin d'applaudir».
(Montage à partir de propos recueillis
par le regretté Pierre Haffner).
«Mon père m'a envoyé à l'école, c'était par erreur, car dans ma famille j'étais le premier à y aller…Je suis né en Casamance. Avant ma naissance, cette région appartenait aux Portugais, et puis ils l'ont vendue aux Français, et toujours par erreur je me suis retrouvé Français! Toute ma vie est ainsi faite d'erreurs! Je me dis parfois que ma vie elle-même est une erreur ? Par exemple je suis né un premier janvier (en 1923) c'est un record ! Mais mon père m'a déclaré le 8 ; il a attendu une semaine pour aller à la mairie, pour marquer ma date de naissance, qu'est ce qui s'est passé pendant ces huit jours ? Je me pose toujours la question ! Ma mère me disait « tu es né le jour ou il y'avait la fin de l'année. » je n'ai pas pu faire de grandes études ;à l'époque coloniale c'était facile mais par erreur on a trouvé que je n'étais pas très docile …En 1937, j'ai giflé le directeur de l'école, un Blanc, un Corse, qui voulait nous enseigner le corse ! Je ne sais pas comment certaines choses arrivent, je vous en parle, mais je ne peux pas les analyser parce que j'évite de les analyser … On m'a sorti de l'école, à partir de ce moment-là, j'ai fait de multiples apprentissages dans cette famille élastique, j'ai appris la maçonnerie chez un frère, la mécanique chez un autre, j'ai travaillé pour gagner mon pain. La guerre est arrivée, je me suis retrouvé militaire comme sujet français, d'abord on nous a dit que nous défendrions notre patrie avec Pétain – encore une erreur de l'histoire ! – le lendemain on a renversé Pétain et je me suis retrouvé gaulliste ! La situation coloniale n'avait cependant pas changé et je continuais toujours à être soldat ! Apres la guerre je me suis retrouvé à Dakar ; là il s'est passé quelque chose de nouveau il y'avait le parti S.F.I.O. de Lamine Gueye, qui parlait d'une assimilation outrancière …C'était la revendication de l'époque mais, même avant la première guerre, le revendication des intellectuels du Sénégal était l'assimilation. A partir de ce moment des professeurs sont venus à Dakar, Suret-Canale et d'autres, des communistes qui se sont mis à nous parler de Marx et communisme. (…). Dakar, dans un quartier ou j'habitais rien qu'en ouvrant la porte j'étais dans le meeting politique ! Comme un fait exprès, il fallait que les gens s'occupent de politique devant ma porte ! Et ainsi je me suis retrouvé mêlé à des choses qui m'ont dépassé, que je n'arrivais pas à saisir, sincèrement… Je voulais parler, mais comme j'étais analphabète et je n'y parvenais pas bien. Je me suis dit bon, je retourne en France ! déjà, au fond de moi-même, je ne me sentais pas en accord avec ce que j'entendais, mais je n'avais pas assez d'arguments, je n'avais pas de quoi affirmer ces discours. J'ai pris un bateau sans payer le ticket, clandestinement; je me suis retrouvé à Marseille (c'était en 1948), je suis allé à Paris puis je suis retourné à Marseille, toujours sans payer le ticket, comme si les chemins de fer français appartenaient à mon père.
‘'... j'ai pu juger que le Noir était né imbécile, mais que le Blanc était encore plus bête''
Lépoque coloniale n'était comme même pas mal j'ai pu juger que le Noir était né imbécile, mais que le Blanc était encore plus bête ! Chaque fois que j'étais en contradiction avec la loi, je faisais l'imbécile, je ne voulais rien comprendre, les Blancs concluaient (ils ne comprennent absolument rien !) Et moi je passais. Vraiment, je pensais alors que Marseille était ma base. Je me suis inscrit à la CG T, j'ai travaillé au port. Le hasard a fait que j'étais le plus gueulard. Je me suis affilié en 1950 au parti communistes, je me suis retrouvé responsable syndical, responsable de cinglés qui n'étaient pas plus intelligents que moi, et je n'ai pas la prétention d'avoir plus d'intelligence que les autres ! Pendant cette période, il y a eu la première guerre du Vietnam ; je n'avais pas pris encore conscience du fait colonial mais avec cette guerre cela a changé. J'ai compris à la différence peut être de nombreux intellectuels, que le fait colonial de cette époque était plus économique que culturel. Pendant trois mois, nous avons bloqué le port de Marseille pour empêcher l'embarquement des armes à destination de l'Indochine. Je me suis retrouvé au milieu de cette grève comme responsable; c'était ma seconde lutte, après la grève des cheminots. J'avais à parler à 5000 bonshommes d'une manière quotidienne; il fallait se lever à cinq heures du matin et se coucher parfois très tard. J'avais à lire et à comprendre, parce que j'avais envie de dire des choses, mais je n'avais pas encore la possibilité de les formuler… A partir de ce moment-là, je me suis donc remis à l'école et j'ai commencé à dépasser une certaine étape. Après cette grève, comme Marseille était la porte de l'Afrique, j'ai vu défiler des gens. Nous avons créé la première Association des travailleurs sénégalais en France; je me suis trouvé investi d'une responsabilité morale, et j'ai commencé à fréquenter des écrivains, car j'avais le désir d'écrire et je n'étais pas d'accord avec leurs écrits. Chaque fois qu'il passait un écrivain, ou que chaque fois que la possibilité m'était donnée d'aller à Paris, je rendais visite à un écrivain africain, quelque soit sa nationalité…Par chance ou par curiosité pour les jeunes, ils me recevaient. Et je me suis mis à écrire. Ce fut le Docker noir. Avec Cheikh Anta Diop, parallèlement à cette période, nous avons pu créer l'Association des étudiants noirs».
Senghor a son quartier, le Plateau, Sembene le sien, le Quartier indigène
«Nos bons bourgeois, ceux qui sont devenus des «patrons» ne peuvent plus écrire, peut-être leurs enfants vont-ils écrire sur ce milieu ? Comme je ne le connais pas, je ne peux pas écrire que sur le monde du bus et de la rue, parce que j'y suis tout le temps, à telle enseigne qu'on dit à Dakar que Senghor a son quartier, le plateau, et Sembene le sien, le quartier indigène ! Quand les gens viennent à Dakar, et qu'ils disent au président « Nous voulons visiter la quartier indigène », il leur répond « il faut aller voir Sembene ! ». Je connais ce quartier en toute profondeur, les maisons, les femmes, les prostituées, les parasites, les lépreux. Je fais des projections aux prisonniers, gratuitement, aux enfants délinquants ; je leur parle de la culture, c'est tout, ils n'ont même pas besoin d'applaudir».
(Montage à partir de propos recueillis
par le regretté Pierre Haffner).


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