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Gestion coloniale de l'islam
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 02 - 08 - 2010


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« En agissant ainsi, ces hommes visent à maintenir l'orientale sous la coupe de l'occidentale. » (Abdallah al-Nadim (1843-1896))
Dans les terres d'islam occupées par la France, l'administration coloniale a mené une politique de dépersonnalisation et d'assimilation qui s'attaqua prioritairement à la langue arabe et à l'islam. Cette politique était en parti inspirée par les Croisades initiées par Urbain II en 1095. Plus de dix ans avant la conquête de l'Algérie, le 9 avril 1816, Chateaubriand réclama une expédition contre l'Algérie à la Chambre des Pairs en ces termes : « C'est de France que fut prêchée la première Croisade, c'est en France qu'il faut lever l'étendard de la dernière »[1]. En 1830, Charles X partit à la conquête de l'Algérie avec le soutien du Pape et de l'Eglise catholique. Après la chute d'Alger, les missionnaires chrétiens se répandirent sur toute l'Algérie alors que les militaires commencèrent à détruire des mosquées et à accaparer les biens religieux des musulmans. Durant plus d'un siècle, en Algérie, la France ne s'est pas contentée d'usurper les terres, d'asservir les hommes, de mutiler les corps, elle a aussi violé les consciences.
A son retour en France, Louis Veuillot qui commença sa carrière comme secrétaire du Maréchal Bugeaud, écrivit un ouvrage dans lequel il mit en avant l'esprit de croisade animant les hommes de la conquête. Mettant en avant cet esprit de croisade, il écrivait : « Les derniers jours de l'islamisme sont venus. Alger, dans vingt ans, n'aura plus d'autre Dieu que le Christ. En ce moment même, l'œuvre divine est consommée. […] Attaqué sur tous les points, le Croissant se brise et s'efface ». Cet esprit de croisade était intimement lié à un nationalisme français conquérant qui lui faisait écrire : « Le retour général vers Dieu sera le symptôme à quoi je reconnaîtrai que la France gardera l'Algérie. Les Arabes ne seront à la France que lorsqu'ils seront chrétiens » [2].
Cette politique d'évangélisation continua d'être menée par les différents régimes que connut la France au XIXème siècle. Suivant les mots de Gambetta affirmant que « l'anticléricalisme n'est pas un article d'exportation », la République laïque continua à soutenir l'Eglise catholique dans sa politique d'évangélisation menée, notamment, par le cardinal Lavigerie, fondateur de la société des Pères Blancs. Malgré ses multiples tentatives d'imposition du christianisme, la politique d'évangélisation butta sur les peuples musulmans qui restèrent profondément attachés à leur religion, notamment au Maghreb. Cet attachement à l'islam renforça l'hostilité envers les peuples musulmans qui furent décrits presque unanimement comme « fanatiques » en raison de leur refus d'abjurer leur foi. Cette perception des peuples musulmans était loin d'être cantonnée au milieu catholique.
Les républicains laïcs « fervents », à l'instar de Jules Ferry, mettaient en œuvre leur « mission civilisatrice » afin d'éloigner l'« indigène » de ses « obscures coutumes », au premier rang desquels l'islam. Pour cela il fallait couper les peuples musulmans vivant sous le joug français du reste du monde musulman. Les forces d'occupation allèrent jusqu'à organiser le pèlerinage à la Mecque et à faire surveiller les pèlerins pour couper les musulmans colonisés de leur sphère civilisationnelle d'appartenance. Cela était particulièrement prégnant en Algérie où ceux qui étaient appelés les « français musulmans »[3] par les autorités coloniales, étaient soumis à une politique assimilationniste active. Pour l'historien socialiste Charles-André Julien, l'accès des « français musulmans » d'Algérie à la citoyenneté française devait être « le plus sûr obstacle au nationalisme et, plus encore, au panarabisme en établissant un écran de « francisation » entre la Tunisie et le Maroc »[4].
La conquête, la colonisation des terres, la destruction des sociétés colonisées et le pillage de leurs ressources provoquèrent de nombreux bouleversements sociaux. A partir des premières années du XXème siècle, un nombre de plus en plus important d'hommes furent obligés d'émigrer, de quitter leur pays, pour survire. La France qui pouvait trouver là une main d'œuvre « bon marché », puisa largement dans ses colonies les ressources humaines dont elle avait besoin. L'immigration est une conséquence directe de la colonisation et l'histoire de l'islam et des musulmans vivant actuellement en France est intrinsèquement liée à cette histoire coloniale.
Un islam de résistance
Depuis un siècle et l'arrivée des premiers immigrés maghrébins en France, l'islam est présent dans l'hexagone. Déjà, pour ces pionniers de l'immigration, la question de la pratique quotidienne de l'islam dans un pays occidental où la religion musulmane n'était pas présente en dehors de représentations négatives liées à l'histoire des croisades, de l'orientalisme et de la colonisation, s'est posée de manière particulièrement prégnante. Comment pratiquer sa religion dans un pays où il n'existait ni mosquée, ni même de simple lieu de réunion ? Comment pratiquer l'islam dans un pays non-musulman où ils représentaient une minorité religieuse ? Comment vivre sa foi dans un pays où ces pionniers de l'immigration étaient victimes de la domination coloniale, de l'exploitation capitaliste, de la police coloniale de l'hexagone et de la xénophobie érigée en politique ?
Malgré l'hostilité générale, ces premiers immigrés musulmans n'ont pas baissé la tête et ont résisté pour préserver leur identité culturelle et religieuse. Ils se sont battus, avec les moyens qui étaient les leurs, pour leur dignité, pour la justice et pour la liberté. Ils donnèrent naissance, au milieu des années 1920, au premier mouvement de libération nationale algérien, l'Etoile Nord Africaine, qui revendiqua l'indépendance du Maghreb.
Dans ce combat global, la défense de leur foi et de leur culture eut toujours une place centrale. Cela provoqua de nombreuses altercations avec les « fraternalistes » de gauche françaises qui voulaient bien dénoncer le colonialisme à condition que les colonisés se défassent de leurs spécificités alors que la préservation de celles-ci étaient l'un des axes majeur de leur combat. Selon l'historien Mohammed Harbi, la séparation entre nationalistes révolutionnaires maghrébins et communistes français se formalisa sur deux questions fondamentales : premièrement, les Maghrébins refusaient d'être considérés uniquement comme des instruments d'un appareil qu'ils ne contrôlaient pas ; deuxièmement, ils n'acceptaient pas le mépris affiché par les communistes français vis-à-vis de l'Algérie et de l'islam[5].
La volonté de préserver leur identité islamique poussa ces militants à créer une organisation totalement autonome des organisations politiques françaises et à apprendre à compter uniquement sur leurs « propres forces ». Ces principes d'autonomie et d'auto-organisation politique étaient intrinsèquement liés à celui de préserver leur identité culturelle et religieuse. Dirigeant de l'Etoile Nord Africaine dans les années 1930, Belkacem Radjef expliquait : « Nous parlions d'Islam, ce qui déplaisait aux communistes. Plus que jamais, il fallait que nous comptions sur nous-mêmes et sur nos propres moyens »[6]. Marquant l'identité islamique du mouvement, à la suite de l'Assemblée générale du 28 mai 1933, le programme de l'Etoile Nord Africaine affirmait : « Pour notre salut, pour notre avenir, pour occuper une place digne de notre race dans le monde, jurons tous, sur le Coran et l'islam, de travailler d'arrache-pied pour sa réalisation et pour son triomphe final »[7].
Dès les années 1920, les premiers immigrés maghrébins commencèrent à s'organiser afin de pouvoir pratiquer leur religion et transmettre leur culture. Dans ce but, l'Etoile Nord Africaine puis le Parti du Peuple Algérien ouvrit des médersas dans la banlieue parisienne – notamment la médersa El Hayat de Clichy et celle de La culture arabe d'Asnières. De son côté, l'association des Ouléma qui délégua un représentant en France à partir du milieu des années 1930, le cheikh Fodil el-Ouarthilani, chargé de promouvoir l'islam et la culture arabe au sein de l'immigration, forma des cercles d'Education sur l'ensemble du territoire français.
Après la guerre 1939-1945, la France fit venir un grand nombre de travailleurs des territoires sous son contrôle. Entassés dans des foyers, des bidonvilles et autres cités de transit, ces hommes et ces femmes luttèrent pour la libération nationale de leur pays et pour leur dignité. A partir des années 1970 des luttes furent organisées dans les foyers pour travailleurs immigrés afin de faire valoir les droits de ceux qui y logeaient. Dans le cadre de ces luttes, ils revendiquèrent l'ouverture de salles de prière au sein des foyers. Ces salles représentaient, souvent, un lieu de dignité et de spiritualité pour des hommes dont la vie était particulièrement difficile.
Racisme et islamophobie structurel
Malgré les luttes de ces hommes, l'islam et les musulmans sont depuis des années la victime expiatoire de tous les maux de la société française. L'esprit de croisade, souvent plus laïc que chrétien, et l'idéologie coloniale sont renouvelés et redéployés contre les musulmans vivant en France. Les descendants de ceux qui étaient décrits comme des « mahométans fanatiques », sont désormais des terroristes voleurs, violeurs, voileurs, exciseurs. Les termes utilisés durant la période coloniale varient à peine. Si l'on gratte un peu le vernis d'un discours affirmant que le « temps béni des colonies » est révolu, c'est bien les structures du discours et de l'action coloniale que l'on retrouve. Comme par le passé, les musulmans sont le symbole même de la sauvagerie et l'islam demeure la religion des « fanatiques » et « barbares ».
Pour surveiller et punir les « fanatiques » et « barbares » musulmans , l'Etat français a mis en place une politique de répression et de contrôle de l'islam et des musulmans dans la plus « pure » tradition coloniale : contrôle de l'islam par l'instauration du CFCM, et de ses multiples succursales régionales, pour rétribuer les nouveaux bachaghas de la communauté ; répression contre l'islam et les musulmans par des lois d'exception (loi sur le « voile », loi « antiterroriste », plan Vigipirate, loi sur la « burqa »…) et une discrimination institutionnalisée.
Voyant quels profits politiques ils peuvent tirer de ce climat islamophobe, la majorité des responsables politiques français attisent la haine contre les musulmans. De la dénonciation des agitateurs « khomeynistes » par le premier ministre socialiste Pierre Mauroy, au moment des grèves de Poissy en 1983-1984, aux imprécations contre les exciseurs polygames égorgeant les moutons dans leur baignoire de Nicolas Sarkozy en 2007, l'islamophobie est systématiquement utilisée pour justifier des politiques d'oppression et de répression sociales contre les classes subalternes. Toutes les revendications sociales sont présentées comme irrecevables car émanant d'une population irrémédiablement considérée comme illégitime.
Cette oppression structurelle de la population musulmane est nécessaire à la reproduction sociale. Le racisme institutionnalisé qui est l'un des piliers du capitalisme historique, sert à assigner les musulmans à une place subalterne au sein de l'espace social. Pour que la domination de ceux qui sont économiquement et politiquement exploités, soit rendue « acceptable », il est nécessaire qu'ils soient culturellement « inférieurs ». Le discours islamophobe vient donc donner une justification idéologique à l'exploitation des masses musulmanes et aux hiérarchies sociales existantes en France.
Les conséquences socio-économiques de cette islamophobie structurelle sont peu mises en avant et peu étudiées ce qui les rendent d'autant plus légitimes. Intitulé « Les Français musulmans sont-ils discriminés dans leur propre pays ? », le rapport de la French-American Foundation et de Sciences-Po explique une situation qu'il qualifie d'« alarmante » : « Nos résultats mettent au jour une discrimination considérable à l'égard des musulmans ». Selon l'étude, les discriminations à l'embauche s'expliquent « avant tout par une discrimination à raison de l'affiliation religieuse supposée de ce candidat ».
Selon le rapport de la French-American Foundation et de Sciences-Po, « les ménages musulmans [étudiés dans le cadre de cette étude] ont un revenu mensuel inférieur de 400 euros en moyenne à celui des ménages chrétiens. La discrimination dont souffrent les candidats musulmans sur le marché du travail français semble donc avoir des répercussions concrètes sur leur niveau de vie ». Le rapport ajoute : « Nos résultats soulignent donc une réalité dérangeante : dans la République française théoriquement laïque, les citoyens musulmans issus de l'immigration rencontrent, toutes choses égales par ailleurs, des obstacles à l'intégration par l'accès à l'emploi bien plus élevés que leurs homologues chrétiens » [8].
La crise du capitalisme menace de renforcer l'islamophobie structurelle existante en France car pour maintenir leur hégémonie les classes dominantes risquent de jouer sur les sentiments racistes et chauvins des classes moyennes menacées socialement. Les frustrations provoquées par la crise du capitalisme trouveraient ainsi un exutoire dans des politiques et des mouvements hostiles aux musulmans. Les débats à l'œuvre actuellement en France sont des marqueurs de cette « dérive » organisée afin de faire des musulmans les victimes expiatoires des crises économiques et sociales que traversent le monde occidental. Les actes islamophobes qui se multiplient, ne sont peut-être que les signes avant coureurs d'une vague déferlante qui pourrait tout emporter sur son passage.
Youssef Girard
31 juillet 2010
Notes :
[1] Ruscio Alain, Le credo de l'homme blanc, Bruxelles, Ed. Complexe, 2002, page 114
[2] Ibid., page 115
[3] Cette dénomination servait à nier leur qualité d'Algériens puisque l'Algérie n'était pas reconnue en tant que nation.
[4] Julien Charles-André, L'Afrique du Nord en marche, Algérie, Tunisie, Maroc, 1880-1952, Paris, Ed. Omnibus, 2002, page 114
[5] Harbi Mohammed, Le FLN mirage et réalité, des origines à la prise du pouvoir (1945-1962), Paris, Ed. Jeune Afrique, 1980, page 18
[6] Ben Khedda Benyoucef, Les origines du premier Novembre 1954, Alger, ECNERMNR, 2004, page 41
[7] Kaddache Mahfoud, Histoire du nationalisme algérien, 1919-1939, Tome 1, Paris, Ed. Paris-Méditerranée, 2003, page 318
[8] « Les Français musulmans sont-ils discriminés dans leur propre pays ? Une étude expérimentale sur le marché du travail », URL : http://frenchamerican.org/cms/webfm_send/140


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