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Mais pourquoi est-ce que la rente devient une malédiction?
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 12 - 07 - 2012

«Si tu peux regarder, vois, si tu peux voir, observer»
In livre de consultations cité par José Saramago (1922-2010)
Une question en regard de laquelle on ne puisse se prévaloir d'aucune analyse définitive qui tient lieu d'une sentence irrévocable. Mais pourquoi donc? La raison coule de source, l'expérience algérienne dans tous les domaines (politique, social, économique et même culturel) est enfermée dans un moule à la base unique mais ouvert à plusieurs interprétations possibles par la suite. L'économie, s'il en existe bien une, fut et est victime de disjonctions successives (blocages administratifs, anarchie et incompétence managériale, volonté de pérennisation du statu-quo…etc). L'amateurisme aventurier, l'inexistence ou l'étiolement des valeurs de l'entreprise, la prégnance du virus de la rente avec son long chapelet de dérivatifs (assistanat, je m'en foutisme, mentalité de Beylek, mâarifa…etc) et la prolifération ainsi que l'éparpillement des sédiments empoisonnés de la mauvaise gouvernance (refus d'assumer la responsabilité de l'échec, fuite en avant, et atermoiements…) sur toutes les classes sociales ont enfoncé encore davantage le clou dans le champ combien miné des contradictions algériennes. Dans la foulée, le flou, l'incohérence et même dans certains cas «l'incongruité» des discours politiques ont aggravé les conséquences de cette tumeur bénigne qu'est la rente. En conséquence, l'addition des malheurs et des gênes est trop salée pour un peuple en quête de ses repères (identitaire, idéologique, et économique) et un régime en souffrance de légitimité depuis pratiquement plus de 50 ans. Personne ne puisse nous contredire si l'on ose affirmer que lorsque la cleptomanie, la corruption et la cécité civique s'arrogent les lettres de noblesse de l'éthique socio-politique d'un pays donné, l'Etat devient un corps sans vitalité et le peuple, un ramassis de masses dégénérées et réduites en poussière politique.
Il est un fait avéré, la force «décatalysatrice» de la rente se percevrait dans le corps social dès lors que les décideurs politiques cessent de penser en termes de rentabilité, de performance et d'efficacité économique. En effet, «ce tourniquet de vertige», la rente s'entend, empêche la société de prendre sereinement son envol et l'élite de se faire une idée claire et précise de son propre environnement social immédiat. Son absorption progressive de l'énergie sociale achève d'un coup l'harmonie générale du pays. Aussi serait-il utile de le répéter, les nations en mutation qui veulent vraiment penser à une modernité vivable ont intérêt à tâter les pouls de leurs sociétés et d'en mesurer la cadence ainsi que les échos à chaque fois que le besoin s'en ressent. Les frustrations des «desperados», le calvaire des «hittistes» adossés au mur du désespoir et de l'attente lassante, le cri de rage des laissés-pour-compte pour qui, s'attabler à une terrasse de café ou se permettre un dessert dans un déjeuner est un luxe inouï ne sont que l'expression de ce malaise social tentaculaire qui ronge le cartilage de la patrie. Il est vrai au demeurant que la capacité d'indignation d'un quelconque peuple est fonction de sa mobilisation et de son degré du civisme. Or, en Algérie, l'individu est presque «un sujet» politique et non point «un citoyen» dans la mesure où celui-ci espère plus une répartition équitable des recettes de «l'or noir» qu'une réelle production ou création de richesses. Ce qui est, par ailleurs, très dramatique et inquiétant en même temps car subsidiairement, la culture du fisc n'y existe pratiquement pas et «le travail comme force créatrice» est absent de l'imaginaire collectif à force d'être contaminé par la contagion rentière. Mais serait-on encore, nous autres algériens, aux ères de «l'éloge de l'assistanat et de la paresse» ou attendrait-on un miracle divin qui allait nous sauver de nos maladresses et de nos turpitudes? Nul n'est dupe pour ne pas s'en apercevoir, notre pays semble être un colosse aux pieds d'argile! Car, bien que possédant une manne pétrolière considérable et des réserves de change enviables, il reste à raison de 98 % tristement dépendant des fluctuations du marché économique mondial. L'augmentation du prix du sucre et des matières alimentaires de base ne fut-elle pas un mobile parmi d'autres à l'origine du déclenchement des révoltes erratiques de janvier 2011? L'Algérie, encore faudrait-il le reconnaître ici, n'est pas un pays indépendant stricto sensu car il n'a pas la main basse sur son appareil économique. Affirmer la justesse de cette triste réalité en ce papier est un lieu commun mille fois ressassé ailleurs. Autant dire, ce n'est plus du misérabilisme bas étage si l'on accepte ce constat mais ce serait au contraire de la pure franchise si l'on s'y résout. Quoi de plus encombrant qu'une pécule financière que l'on extraie de la terre sans génie, ni savoir-faire ni moins encore effort? Par les temps qui courent, faire l'éloge de la rente est à mon humble avis un flagrant délit passible d'une longue réclusion criminelle d'autant que celle-ci encourage l'oisiveté au sens terre-à-terre du terme et accroît «la corruptibilité sociale», les privilèges indûment octroyés ou obtenus, les prébendes et plus particulièrement «l'instrumentalisation idéologique» de l'histoire du pays par une nomenclature assoiffée du lucre et du pouvoir, sans oublier en bout de course que «la rente est la mère de la dictature». Que l'on ne s'y méprenne pas outre mesure, le cœur battant d'une nation moderne est bien entendu le travail. C'est même l'idéal vers lequel tout peuple souverain se doit de tendre. Mais, qu'à cela ne tienne, le fait que les mentalités aient pu être gangrenées par la peste de l'argent facile revient à confirmer le cliché sournoisement entretenu que l'algérien est flemmard, insouciant et anarchique. La déroute sémantique amorcée est gravissime dans la mesure où elle accule l'offensé (l'algérien) à la défensive et non plus à la quête des tenants et aboutissants du marasme socio-économique dans lequel il se débat. Les algériens sont nés, paraît-t-il, avec un défaut congénital, au lieu d'attaquer l'origine et les causes d'un problème donné, ils se contentent après coup d'en adoucir les effets et d'en colmater les brèches ou à tout le moins cherchent-ils des formules d'apaisement spirituel tels que «llah ghaleb», «mektoub»..etc. L'incohérence, l'illogisme et parfois la superstition nous ont malheureusement conduit à vanter les mérites et les prouesses des autres peuples ou pays et d'oublier les nôtres. D'évidence, «la mentalité défaitiste» dont a parlé le penseur algérien Malek Bennabi (1905-1973) est toujours de mise.
Néanmoins, l'image fétiche des «figuiers de barbarie» qu'a dépeinte le célèbre écrivain Rachid Boudjedra dans un roman portant le même titre est très typique de notre cas. Pour preuve, bien que le jeune algérien, tout aussi volontaire que dynamique qu'il est, ait le cœur au travail, le ton et l'allure grave de la société ont rapidement déteint sur lui. Ainsi n'accepte-il plus les formes de courtoisie et de gentillesse. C'est là peut-être, cela reste d'ailleurs dans le stade de l'hypothèse, que gît l'une des raisons de la faillite du créneau touristique. L'orgueil blessé et «le manque de l'humour national» sont à n'en point douter un des handicaps les plus pernicieux pour le développement du secteur tertiaire (les services). S'en étant rendus compte, les pays développés ont investi des budgets colossaux pour «la formation de l'humain». En revanche, force est de constater que ce n'est point le repli autarcique des autorités publiques sur les revenus des hydrocarbures qui fera fléchir les ambitions du jeune algérien et réduire son élan d'enthousiasme et du dynamisme. Les marottes dégradantes (fainéant, insouciant, mal formé, génération légère) que font de lui les pontes du régime ne valent à ses yeux aucune tripette. La rhétorique creuse et le triomphalisme bidon ne sont plus de bonne tenue en ces temps de technologie sophistiquée et d'internet (facebook, twitter, yotube). Tout le monde sait que l'heure est au développement auto-centré des potentialités nationales, à la démocratisation du pays sur la base d' «un pacte de confiance» entre gouvernants et gouvernés, à l'éclosion d'un progrès social multiforme (culture, société, économie et modernité), et à la naissance d'un projet de société digne de ce nom (éducation et édification). L'audace, c'est de dire au jour d'aujourd'hui que «la rente serait une malédiction» sans les idées novatrices de l'intelligentsia à même de la sous-tendre et qu'une embellie financière aussi considérable soit-elle, ne signifie, en aucune manière, prospérité économique. Il est pour le moins certain que, réflexion faite, l'on se rend compte que ce tableau pas exhaustif n'est pas forcément juste car un pays comme la Norvège ait réussi son décollage économique grâce à la seule rente pétrolière. Où en est donc le problème? Les analystes n'en démordent pas et s'accordent unanimement à dire que le secret de la faillite économique de notre pays est lié aux politiques économiques aussi volontaristes qu'irréalistes engagées depuis l'indépendance nationale (la révolution agraire, «l'industrie industrialisante», la politique des plans sous Boumédiène, la politique d'anti-pénurie, «P.A.P», l'économie du bazar accentuée par la politique de l'Infitah, l'ajustement structurel des années 90 mené dans une anarchie et un black-out indescriptible), hormis la timide ébauche de réformes, soit dit en passant, sérieuses dans l'éphémère parenthèse de l'ex-chef du gouvernement Hamrouch (1989-1991), rien n'ait été fait pour redonner espoir et désaltérer la soif inextinguible de la modernité d'une jeunesse aussi désorientée que clochardisée que la nôtre. On devrait être d'accord là-dessus, «l'errance rentière» est un crime bis dont sont victimes les jeunes algériens. Le plan de relance économique du président Bouteflika étrenné dès l'année 2000, pour peu qu'il ait été prometteur, aurait tristement tablé sur la constance du prix du baril du pétrole à 19 dollars, les lois de finances qui s'en sont suivies, établies sur ce seul critère se sont révélées moins élaborées et peu efficaces. Les conséquences en sont là très éloquentes à plus d'un égard (Affaire Khalifa, scandale de la Sonatrach, magouilles et détournement de sommes faramineuses dans le projet de construction de l'auto-route Est-Ouest…etc). Le comble, c'est l'économie informelle, cette vermine cancéreuse qui est devenue par la force des choses, l'échine dorsale de l'économie nationale. Les autorités de notre pays n'ont rien trouvé de mieux que de chasser des petits vendeurs à la sauvette des trottoirs, laissant la route toute libre aux grands réseaux du trafic d'influence et du banditisme urbain ou ce que l'on classe désormais dans le jargon policier sous l'appellation du «crime organisé».
C'est triste, la pagaille administrative entretenue sciemment d'en haut a découragé plus d'un investisseur étranger car les lenteurs et la paperasse font peur. En Algérie, il faut tout un tas de documents pour établir une pièce d'identité ou se faire délivrer un titre officiel. Hélas, on n'a hérité de la période coloniale que la bureaucratie pathogène et le jacobinisme inhibiteur. L'anomie est telle que «la hogra» s'est transformé en un référent psychologique consensuel, si consubstantiel de l'identité sociologique de l'algérien. Il paraît que «l'aliénation prolétarienne» dont avait parlé le philosophe allemand Karl Marx (1818-1883), conjuguée à un profond enracinement de la culture égalitariste dans le subconscient collectif auraient sapé ce qui reste de l'éthique citoyenne. En Algérie, on n'admet pas dans les milieux populaires et chez les classes moyennes, l'existence de patrons. Abordant le thème de la marginalisation social, un ancien responsable du pouvoir algérien aurait laissé à la postérité cette sentence fort récapitulative «la hogra n'a qu'une seule identité, algérienne, qu'une couleur, la couleur des sans-voix, qu'un emblème, celui des sans grades, de ceux qui ne sont inscrits dans aucun réseau». C'est dire combien l'hostilité de la société et les inégalités qui en proviennent ont freiné toute ouverture à nos jeunes. L'échafaudage de l'échec a brillamment été préparé et mis sur chantier par nos responsables à tous les niveaux. L'absorption, l'importation et surtout le télescopage du «faux idéal-type», autrement très négatif de «l'économie compradore» à l'échelle internationale (l'Amérique Latine et notamment les pays du golf) sur le terrain local aurait renforcé les certitudes tout aussi des barons que des grands magnats de «l'import-import». S'ensuit logiquement que la machine de la production et du marketing commercial est à la peine. C'est pourquoi, l'on ne devrait plus s'étonner s'il l'on trouve des dattes «degla nour» sur les étals des grandes surfaces occidentales sous emballage tunisien ou marocain! A qui la faute ? A la société civile, à la classe politique, au peuple «fainéant», ou aux sociétés de commercialisation que l'on soupçonne à tort ou à raison d'inefficacité ? Il est loisible en ce lieu de persister et de signer pour confirmer «la caducité institutionnelle» de l'Algérie et la faiblesse de ses contre-pouvoirs (l'opposition, la presse et la société civile…) car à titre d'exemple, presque aucun parti politique n'a proposé une voie alternative à «l'économie de la rente». Durant la campagne pour les dernières législatives, on a entendu certains discours-fleuve sur le nationalisme, d'autres voix carrément lèche-bottes mais pas une seule proposition économique valable. Il semble bien que nos élites gouvernantes s'accommodent à merveille d'une vie à bon compte sans casse-tête ni pense-bête (les salaires mirobolants des députés et du staff gouvernemental). L'exploitation populiste et la manipulation démagogique de la fête du 05 juillet sont le summum de «la bêtise managériale» dans la gestion des affaires de l'Etat. C'est à la fois sidérant et insensé de débloquer un pactole de deux milliards d'euros pour le dépenser à tire larigot dans des festivités commémoratives dont le folklore et le sensationnel l'emportent de loin sur le mémoriel et l'historique alors que nos jeunes harragas meurent désespérés dans des centres de transit ou sont complètement happés par les requins de la Méditerranée et au moment même où un pays comme la France, cinquième puissance mondiale, essaie tant bien que mal, patriotisme et croissance oblige, d'engranger au prix de coupes budgétaires et de ponctions très drastiques sur les salaires mêmes du staff gouvernemental la cagnotte de 3 milliards d'euros en une année! Gaspiller l'argent public sans compter dans les moments d'abondance sans que cela transparaisse effectivement sur le quotidien du citoyen lambda n'est-il pas d'ailleurs un huilage prémédité des ressorts de la révolte ?!
En dernière analyse, l'on saurait affirmer que la mondialisation ultralibérale, ce spectre des nouveaux temps, après avoir brouillé tous les codes sociaux et les repères culturels ou cultuels préexistants commence maintenant à pourrir l'écorce des pays économiquement faibles comme notre patrie. Dans la foulée, affronter la précarité et le désœuvrement au lendemain de longues études pour un étudiant ou d'un licenciement abusif pour un chômeur dans ce qu'ils ont d'horrible et d'insupportable, est une gageure difficile à relever. En Algérie, pays épargné jusqu'à l'heure présente des effets cataclysmiques de la crise économique mondiale, rejeter la routine des jours et la mort de l'esprit que provoque la triade complexifiée de la «rente-corruption-dictature» est un engagement social lourd de conséquences. C'est en fait un jeu de bascule entre la résignation et la résistance auquel le jeune algérien se livre chaque jour que Dieu fait sans s'en rendre compte mais en sortirait-il pour autant revigoré ou davantage affaibli? La peur du changement et l'effritement de toutes les illusions cathartiques d'une probable métamorphose sociétale, pacifique et spontanée ont empiré la donne. Le vocable du « dégoûtage », invention dernier cri d'une génération fantasmée par l'odeur faussement parfumée de l'Eldorado européen s'est ajouté et dissoute comme une solution colloïdale dans la longue liste de ses désirs refoulés. Pour s'en convaincre, il ne suffit que d'oser un petit tour succinct des ambassades et consulats étrangers pour constater de visu les interminables et pathétiques queues devant les guichets pour se faire délivrer qui un visa, qui un privilège, qui une nationalité… Qu'en sait-on encore, la dévolution économique et la régression sociale de l'Algérie seraient-elles les prémisses d'un désenchantement national à large échelle ou tout bonnement la simple reconduction d'une soi-disant aliénation coloniale? Pour reprendre sous forme d'une interrogation le titre de l'un des ouvrages de l'intellectuelle Hélé Béji. Ce qui est sûr au final est que la docilité d'un peuple se mesure à l'aune de sa conscience politique et que la marche à reculons des élites gouvernantes traduit on ne peut plus un mouvement ascensionnel d' « une ignorance rentière », institutionnalisée et structurée dans les hautes sphères de l'Etat comme dans les bas-fonds citoyens. Il n'est plus possible de le dire autrement, un peuple qui ne porte pas aux nues les vertus du travail serait immanquablement un ramassis de bras cassés et une piétaille de sans-voix, culturellement et idéologiquement taillables et corvéables à merci. C'est une certitude, les turbulences révolutionnaires dans les autres pays arabes, plus particulièrement l'Egypte et la Tunisie sont, que l'on le veuille ou pas, la résultante logique d'une œuvre socio-culturelle de longue haleine. En Algérie, la guerre civile avec les désastres humains ainsi que matériels que l'on connaît (plus de 150 000 morts et environ 20 milliards de dollars) jumelés avec la malédiction séculaire de la rente ont essoré comme du linge l'esprit critique et le sens de progrès chez l'algérien.
Kamal Guerroua, universitaire
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