Un vent de panique souffle sur la Méditerranée et ce, sur les deux rives ! Et pour cause : les méduses font leur apparition. Depuis plusieurs années déjà, l'été n'est plus uniquement synonyme de détente à la mer, mais aussi de méduses. Leur prolifération inquiétante devient une vraie contrainte chez tous les baigneurs. Depuis quelques semaines, en Algérie, c'est la photo d'un petit enfant attaqué par une méduse qui a provoqué la panique chez tous les estivants. Faut-il en avoir peur ? Pourquoi ces espèces sont en voie de développement ? Comment s'en protéger ? Autant de questions que le baigneur se pose en faisant trempette. Flasques, translucides, petites ou grandes, les méduses intriguent, dégoûtent, fascinent et surtout font peur. Bref, elles ne laissent personne indifférent. Cela fait plus de dix ans que les méduses ont fait leur apparition sur les côtes algériennes, timide au départ, avant de s'accentuer. Comme cela est indiqué dans le rapport de stratégie nationale de gestion intégrée des zones côtières 2015-2030. On peut y lire que « la prolifération des méduses est observée, de manière cyclique, le long des côtes algériennes avec des pics en juillet-août et des concentrations très importantes aux petites profondeurs. Ces proliférations ont été plus marquées à partir de 2003-2004, avec des pics très importants durant l'été 2005, notamment dans les régions Centre (El Djamila, Moretti, Club-des-Pins, Zéralda, Azefoun) et Ouest, dans la zone marine de Tlemcen ». Myriam Benali, doctorante en biologie marine souligne, dans une déclaration au Soir d'Algérie : « Les épisodes de prolifération de méduses sont de plus en plus fréquents sur nos côtes, à l'instar du reste des côtes méditerranéennes. Si le phénomène reste naturel, particulièrement en saison printanière et estivale, suite aux booms de microalgues qui constituent la source de nourriture des méduses, il n'en demeure pas moins que la fréquence et les densités croissantes observées depuis les années 1980, et de façon plus perceptible depuis une décennie, interpellent sur des changements inquiétants. Ces pullulations, qui peuvent atteindre des dizaines de milliers d'individus au mètre cube, ont des répercussions négatives sur l'usage récréatif du littoral, sur les prises de pêche et de l'activité aquacole, le fonctionnement des centrales électriques et la biodiversité marine en général ». Le facteur humain responsable Eh, oui ! L'être humain les déteste mais c'est lui qui encourage leur développement. La méduse est l'une des rares espèces animales que les activités humaines ne menacent pas, au contraire. Myriam Benali l'explique : « Les causes évoquées par les experts sont multiples, enchevêtrées, mais sont principalement liées à un déséquilibre dans la chaîne trophique. Ce déséquilibre est induit par la pêche irrationnelle des prédateurs, notamment certains thonidés, qui consomment préférentiellement ces méduses, mais aussi par la surexploitation de stocks de poissons considérés comme des « concurrents » des méduses pour la nourriture. » En d'autres termes, explique cette doctorante en biologie marine , bien qu'interdite par la loi, il subsiste encore en Algérie une pêche destructrice dans les petits fonds, moins coûteuse et impliquant des moyens de pêche rudimentaires. Cette pratique illégale détruit les zones frayères et empêche le renouvellement de la ressource, elle favorise, en conséquence, le développement des méduses qui n'ont, a priori, aucun intérêt économique direct. La pollution marine est aussi un facteur aggravant, comme le relève cette scientifique : « En plus de la pêche irrationnelle, la pollution par les déversements en mer d'eaux usées urbaines et industrielles, et des apports telluriques contribuent largement à l'élimination des concurrents et des prédateurs, tandis que les méduses semblent résister à de nombreuses formes de perturbations. » Peut-on arrêter leur progression ? Myriam Benali répond : « Aujourd'hui, l'objectif principal est de suivre ces phénomènes de pullulation et de les prédire pour en atténuer les impacts, mais agir directement sur les populations de méduses pour en réduire le nombre implique essentiellement de se tourner vers une pêche rationnelle et responsable qui maintiendrait des stocks piscicoles renouvelables. L'idéal, qui est aujourd'hui un objectif à atteindre, fixé par les conventions ratifiées par les Etats du Bassin méditerranéens, serait la multiplication d'espaces marins protégés, où la préhension de poissons serait réglementée, voire interdite. Mais aussi mettre fin aux apports côtiers polluants, qui, non seulement menacent directement les stocks de poissons, mais créent des situations d'eutrophisation aggravées par le réchauffement climatique, caractérisées par des blooms de phytoplancton, source nourricière des méduses. » Contrairement aux personnes lambda, les experts ne voient pas ces méduses comme des êtres nuisibles, mais plutôt comme des « espèces sentinelles, des indicatrices de perturbation du milieu qui interpellent les scientifiques et les autorités afin d'agir sur les déséquilibres écologiques générés par l'activité humaine ». « Leur mucus serait également un filtre naturel pour les nanoparticules, essentiellement des déchets technologiques et du plastique. Plusieurs équipes scientifiques tentent de remplacer des hydrogels synthétiques par les mucus de méduse pour piéger ces éléments contaminants et en récupérer les plus précieux, tels que le titane, l'or et l'argent », conclut Myriam Benali. Avant d'arriver à ce stade, il reste important de se prémunir de leurs piqûres. Les gestes à connaître en cas de piqûre Dr Didiche Karima, médecin généraliste, a reçu, au niveau de la polyclinique des cas de personnes ayant été piquées par des méduses : « Cela varie d'une personne à une autre. Et dans certains cas, c'est assez impressionnant comme celui d'un enfant que j'ai traité il y a de cela quelques jours. Sa cuisse a enflé avec brûlure et des égratignures. » Ce médecin généraliste note que la plupart du temps, la douleur est passagère mais violente, avec une sensation de décharge électrique puis de brûlure. Elle relève : « Chaque personne réagit différemment à la toxine. Cela peut varier, comme je l'ai dit, d'une simple sensation de brûlure à de violents maux de tête, des vomissements, voire des réactions allergiques, avec malaise, gêne respiratoire, œdème et choc anaphylactique ». Dès la sensation de piqûre, Dr Didiche conseille de faire appel sur place au système D et qui consiste à laver à l'eau de mer, puis appliquer du sable, et passer en douceur un carton rigide, type carte postale ou autre, sans frotter, pour faire tomber les débris de méduse. Puis, il est nécessaire de rincer encore à l'eau de mer. Elle relève encore : « On peut, ensuite, laver la zone avec du vinaigre. Mais, je conseille aussi vivement de consulter rapidement si des symptômes persistent ! » Par ailleurs, une crème solaire anti-méduse a fait son apparition en France depuis près de quatre années, sans résultats probants. Son application est censée empêcher les tentacules des méduses de coller à la peau et contribuer à brouiller leur système de reconnaissance. Ainsi, la méduse n'est plus attirée par la peau de l'homme mais elle la confond… avec une autre méduse. Ce produit n'existe pas encore en Algérie. « Les Algériens préfèrent se doter d'anti-staminiques au cas où », nous confie Myriem Aissiouane, pharmacienne. « Dans notre boutique de parapharmacie, nous proposons une multitude de crèmes de saison mais pour la pommade anti-méduse, elle n'existe pas sur le marché », assure-t-elle. Sarah Raymouche